Participation du parti "Les Démocrates" aux élections législatives 2023
Elucubrations théoriques de AZATASSOU pour couvrir le passage au soutien du régime autocratique de Talon

Dans un post en date du 17 juin 2022, intervenant à propos d’un débat au sujet des élections législatives de janvier 2023 opposant un jeune qui soutient qu’il « n’ira pas aux urnes car son vote ne changera rien » et un autre qui tente de le convaincre du contraire tout en relevant que le modèle démocratique issu de la Conférence nationale chez nous est un plagiat de celui de la France, Eugène AZATASSOU, vice-président du parti "Les Démocrates" écrit : « Le problème posé par le jeune est clair. Il part de la gouvernance électorale du pouvoir de la Rupture et conclut qu’il vaut mieux rester dans son coin. Mais monsieur OTCHERE embrouille la question comme d’autres partisans de la Rupture en y mêlant la question du modèle démocratique. Je vais aborder le problème posé en deux temps : le problème posé par le modèle démocratique et pourquoi les combattants doivent prendre part aux élections législatives de 2023. »

Abordant la question du modèle démocratique, AZATASSOU écrit : « La bourgeoisie africaine en constitution à l’époque coloniale n’était pas apparue dans le même contexte que son homologue d’Europe. Elle n’est pas née dans le feu de la production encore moins du capitalisme émergent….. Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes que les pays capitalistes développés d’Europe et les USA. En Europe par exemple, les peuples ont des problèmes liés aux contradictions internes au capitalisme développé. C’est pour cela que d’une élection à une autre, ils balancent entre diverses conceptions de développement (gauche, droite, extrême droite, gauche). Dans nos pays africains nous sommes confrontés à l’insuffisance de développement du capitalisme. Pour accélérer ledit développement, nous avons besoin d’une démocratie bourgeoise complète quand bien même elle apparaît factice (souligné par nous).»

AZATASSOU part ainsi d’un constat des différences entre la naissance et l’épanouissement de la bourgeoisie (dans le feu de la production) ayant abouti au développement en Europe et celle en Afrique sous la colonisation pour conclure que nous avons besoin d’une démocratie bourgeoise complète pour accélérer le développement chez nous. Il part ainsi d’une généralisation des conditions du développement en Europe à celle en Afrique sans tenir compte des contextes dont il a parlé plus haut. D’abord, relevons des liens entre régime politique et développement économique. La démocratie n’entraine pas automatiquement le développement économique. La condition essentielle pour le développement réside dans la liberté de la bourgeoisie de produire, dans la liberté de circulation du capital. Le développement peut se faire sous un régime de dictature autocratique si ce régime garantit à la bourgeoisie la liberté de produire. Les régimes dictatoriaux en Amérique latine, comme celui des généraux au Brésil, en sont les preuves. Par contre si la démocratie, même dite complète ne garantit pas cette liberté de produire, cela n’aboutit pas au développement. Ainsi, la démocratie bourgeoise complète, le multipartisme intégral sous le Renouveau, de 1990 à 2016 et à laquelle AZATASSOU a participé activement pendant dix ans sous Boni Yayi n’a pas conduit à un décollement pour le développement. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie nationale (les producteurs nationaux) sous le pacte colonial, n’a pas la liberté de produire ; elle est dominée et écrasée par la grande bourgeoisie française (avec ses monopoles et multinationales) et la bourgeoisie compradore interne (dans l’import/export) au service de cette dernière. Voilà soulignés les liens entre régime politique et développement économique ; le tout repose et dépend de la liberté de produire des producteurs nationaux.

L’erreur grossière de AZATASSOU consiste à généraliser les conditions de la bourgeoisie en Europe à celle en Afrique, les conditions d’une bourgeoisie de pays indépendant et souverain à celle de pays toujours sous domination coloniale. La démocratie bourgeoise complète obtenue par des révolutions donnant le pouvoir à la bourgeoisie montante en Europe est intervenue après la constitution d’un Etat souverain avec la pleine possession de la liberté de produire, et notamment le contrôle du marché national par la bourgeoisie, la souveraineté (nationale) monétaire, linguistique, culturelle, économique (sur les ressources du sol et du sous-sol). Ce qui n’est pas le cas de nos pays, notamment ceux francophones, encore tous sous la domination complète, économique, monétaire, linguistique et culturelle du colonisateur français. Ce sont des « Enclos français » où la démocratie instaurée est une démocratie de prisonnier qui ne doit pas dépasser des limites de la domination française, du pacte colonial. Pour accélérer le développement, le premier pas est de briser les murs de l’Enclos, de rompre d’avec le pacte colonial pour la liberté de produire. Et donc, ce ne sont pas seulement « les vues extraverties de la bourgeoisie africaine » qu’il faudra renverser, mais d’abord la domination étrangère et la bourgeoisie africaine à qui le « colonisateur a remis le pouvoir pour garantir ses intérêts et qui s’est reproduite jusqu’à nos jours » (sic). D’ailleurs, historiquement, depuis que le capitalisme s’est mué en impérialisme, l’accélération du développement ne s’est faite dans des pays anciennement arriérés qu’après la conquête de la souveraineté nationale, qu’après le renversement du dominateur impérialiste et de son allié bourgeois local. C’est le cas notamment de la Chine, de la Corée. Ainsi par sa thèse de la démocratie bourgeoise complète dans un pays toujours sous domination extérieure, AZATASSOU tente de cacher la domination française, le pacte colonial. Il justifie le plagiat, le copier-coller des enragés de la FrançAfrique de la démocratie représentative dans des pays qui demeurent soixante ans après les indépendances formelles, des Enclos français. Ensuite, en ajoutant aussitôt après « que nous avons aussi besoin de renouer avec nos réalités et nos valeurs propres », AZATASSOU montre que le modèle de la démocratie bourgeoisie complète n’apparaît pas « comme factice » (sic), mais est véritablement factice et du coup, inopérante pour accélérer le développement. AZATASSOU défend au fond le pouvoir des enragés de la FrançAfrique, les YAYI Boni et autres HOUNDETE Eric, aujourd’hui dirigeants de son parti "Les Démocrates".

Abordant « Les Enjeux des élections législatives de 2023 », AZATASSOU écrit « Pour autant que toutes les formes légales de lutte soient nécessaires pour régler le problème de la dictature dans notre pays, la bonne participation aux élections législatives devient impérieuse et le peuple doit se mobiliser pour en exiger le caractère inclusif transparent et équitable…..La non-participation de l’opposition véritable laisserait le pouvoir dans sa zone de confort. » Ainsi revient la théorie éculée selon laquelle l’on peut vaincre l’autocratie à travers les urnes. Le peuple ne s’est-il pas mobilisé pour exiger le caractère inclusif, transparent et équitable des élections passées de 2019 et 2021 ? Les barrières et remparts mis en œuvre par le pouvoir autocratique, à savoir les lois crisogènes pour assurer « sa zone de confort » sont-elles levées pour que la participation devienne impérieuse ?

Il n’y a pas si longtemps, plus précisément le 19 avril 2022, c’est-à-dire il y a deux mois, dans une déclaration publique, le parti " Les Démocrates " posait les conditions ci-après pour sa participation aux élections législatives de janvier 2023 «… libérer les détenus politiques et créer les conditions favorables au retour au pays des exilés politiques. Assurer la présence de l’opposition à tous les niveaux du processus électoral. Mettre en œuvre ces exigences salutaires à la paix, aux droits de la personne humaine et à la restauration de notre démocratie… aller résolument à un dialogue politique national au plus tôt… Tout cela afin d’aller ensemble dans la sérénité et le consensus aux législatives du 8 janvier 2023 dans un climat politique rassurant et apaisé. » Ces conditions sont-elles déjà réunies pour que la participation aux élections devienne tout à coup impérieuse ? Certainement pas, à moins,… à moins qu’il ait été contracté entre temps un deal entre le pouvoir autocratique et les hauts dirigeants du parti "Les Démocrates". AZATASSOU, vice-président du parti "Les Démocrates" pourra donc donner des réponses aux conditions posées en avril 2022 : Est-ce que tous les détenus politiques seront libérés et les conditions favorables créées pour le retour des exilés politiques et quand ? Est-ce que la restauration de la démocratie est mise en œuvre avec l’abolition des lois crisogènes et des mesures d’exclusion politique, administrative et financière? Est-ce que la présence de l’opposition à tous les niveaux du processus électoral est assurée ? Est-ce que les résultats du vote seront proclamés sans tricherie par les structures en charge des élections ? AZATASSOU est peut-être dans le secret avec le pouvoir autocratique de Talon.

On peut alors voir que la volte-face de AZATASSOU qui renie et balaie les conditions posées il y a deux mois pour la participation aux élections rentre dans l’exécution du complot en cours des puissances française et américaine avec l’autocrate Talon qui a livré le pays à ces puissances. Talon a besoin de "normaliser" sa dictature à l’exemple de chefs d’Etat de pays francophones tels le Congo, le Togo, la Côte-d’Ivoire, le Cameroun), ceci pour la propagande à l’extérieur. Il lui faut une opposition "plus respectable" que les pantins HOUNKPE, AGOSSA et autres de la première vague. Avec ses élucubrations théoriques, AZATASSOU tente de justifier le passage des Boni YAYI et autre HOUNDETE Eric à l’autocratie de Talon.

 

Rémy FANOU

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