Propos racistes du Président tunisien
Réaction du Parti des travailleurs de Tunisie


DECLARATION


Haine et racisme contre les Subsahariens dans le but d’occulter l’échec et de servir les forces du colonialisme


La Tunisie connait depuis un certain temps une montée odieuse, dans la sphère publique, d’un discours de haine raciste clair et systématique, qui vise les immigrés subsahariens. L’allocution prononcée par Kais Saied devant le "Conseil de sécurité nationale" mardi 21 février est venue révéler les dessous de ce discours, et montrer qu'il s'agit bel et bien d'un discours officiel qui était jusque-là tenu par les partisans de Kais Saied , et voilà qu’il en fait lui-même, un discours d'Etat. Il vient en effet de faire état de l'existence d'« une plan criminel élaboré depuis le début de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie, et qu'il y a des parties qui ont reçu d'énormes sommes d'argent après 2011 afin d'installer sur le sol tunisien des immigrants irréguliers… » et que « l'objectif non déclaré dudit plan est de faire valoir l’appartenance africaine de la Tunisie et d’omettre son appartenance aux nations arabe et islamique ».


Le but de ce discours, digne des leaders les plus odieux du racisme européen, qui lancent leurs attaques venimeuses contre nos frères et sœurs et contre tous les immigrés, les musulmans en tête, vient d'abord répondre à des besoins internes. En effet Kais Saied, qui essuie un échec à tous les niveaux, notamment sur le plan économique et social, tente d’en rejeter la responsabilité cette fois sur un "ennemi extérieur" imaginaire, en plus des "ennemis intérieurs" dont regorgent ses discours surtout en ces temps-ci. Ceux-ci sont traités de "de terroristes, de conspirateurs contre la sécurité de l'État, de corrompus et d’affameurs du peuple. » Il veut attiser les instincts racistes, primitifs et haineux, et détourner l’attention les Tunisiennes et Tunisiens de leurs vrais problèmes et du véritable responsable de leur infortune.


Ce discours répond également à des besoins extérieurs, puisqu'il est lié, selon de nombreux indices, à la visite du ministre italien de l'Intérieur, qui appartient à un gouvernement raciste et d’extrême droite, venu en Tunisie, selon les médias, pour soulever la question de "l'immigration irrégulière" et appeler les autorités tunisiennes à prendre des mesures "fermes" à son encontre. Il est clair que le régime tunisien, qui depuis l'ère Ben Ali jouait le rôle du gendarme protégeant les frontières sud des pays européens en échange de quelques euros, est désormais appelé à jouer un rôle plus important, en l’occurrence d’assumer la responsabilité d'expulser les immigrés subsahariens, de les harceler, de les opprimer, et d'attiser des conflits racistes contre eux pour les pousser à quitter le pays.


D'autre part, le discours raciste odieux de Kais Saied ne sert à l'étranger que les forces de l'extrême droite qui tiennent un discours raciste contre nos frères et sœurs vivant à l'étranger. Il n'est pas surprenant que parmi les premiers à interagir avec le discours de Kais Saied, soit le Français raciste et fasciste "Eric Zemour". Le discours de Kais Saied légitime en effet les campagnes racistes contre des centaines de milliers d'immigrés tunisiens dans les pays européens. Ces forces racistes promeuvent les mêmes idées que Kais Saied promeut contre les Subsahariens, à savoir que les "musulmans" menacent l'identité des pays européens et leur composition démographique, et qu'ils sont la cause de tous les "désastres" que connaissent leurs sociétés, comme le chômage, la violence et la criminalité, pour justifier les attaques dont ils font l'objet et dissimuler les véritables causes des crises que connaissent les sociétés capitalistes occidentales.


Kais Saied a oublié qu'en 2022 seulement, 31 000 Tunisiens ont fui l'enfer de son régime populiste, selon l'Institut national de la statistique, dont 18 000 par mer et 17 000 à travers la Serbie. En revanche, le nombre officiel des Subsahariens en Tunisie ne dépasse guère, selon le même institut, 21 000 personnes en 2021, dont 7 000 demandeurs d'asile et 6 000 étudiants, et les autres qui sont entrés en Tunisie via la Libye ou l'Algérie, sont des migrants irréguliers. En définitive, leur pourcentage en Tunisie par rapport au nombre de la population est inférieur à leur pourcentage en Algérie et au Maroc, mais Kais Saied, populiste tel qu’il est, et hanté par la mentalité complotiste, gonfle le nombre dans le but de promouvoir l’idée de l’existence d'un « stratagème infernal » visant à « changer la structure démographique de la Tunisie et oblitérer son identité arabo-islamique » pour monter les Tunisiens contre eux.


Ces Subsahariens qui viennent en Tunisie sont, comme les Tunisiens qui quittent leur pays dans des bateaux de la mort, victimes des régimes de leurs pays et des puissances néocoloniales qui s’entendent avec les régimes en place pour le pillage de leurs pays. Ils quittent leurs pays à la recherche d’une vie décente ou pour fuir les régimes répressifs ou les atrocités des guerres. Ceux qui viennent en Tunisie, c’est surtout dans l'intention de passer en Europe parce qu'ils savent que les conditions de vie de notre peuple ne sont pas très différentes des leurs.


Le Parti des Travailleurs, tout en condamnant le discours raciste de Kais Saied et de ses partisans, le considère en contradiction avec la loi tunisienne, qui criminalise le racisme, et en contradiction également avec l'histoire de la Tunisie, qui a été la première, quel que soit le rôle de certains facteurs extérieurs à cela, à abolir l'esclavage dès 1846 :


- appelle Kais Saied à présenter des excuses au peuple tunisien et aux frères subsahariens se trouvant dans notre pays, à retirer toutes les mesures répressives qu'il a prises à leur égard, à arrêter la campagne d'arrestations arbitraires qui les visent et toutes les campagnes médiatiques contre eux, et de criminaliser quiconque les exécute, quel que soit le moyen utilisé.


- appelle également à régler le statut des immigrés en Tunisie, à assurer leur protection et à garantir leurs droits, afin de mettre un terme définitif à l'exploitation dont ils font l'objet et aux discriminations dont ils sont victimes.


- Condamne les politiques et les lois racistes de l'État tunisien, qui sont dictées par les pays européens qui s'efforcent de transformer La Tunisie en une sorte de frontière avancée de ces pays, la Tunisie ne devant nullement assumer le rôle de garde-frontière pour ces dits pays et états.
- appelle le peuple tunisien à faire preuve d'un esprit de solidarité et de respect des droits de l'homme pour tous, sans distinction d'origine ou de couleur de peau, et à orienter sa lutte contre le véritable responsable de ses souffrances, qui n’est autre que le régime autoritaire et populiste de Kais Saied, qui continue de perpétuer les mêmes politiques d’appauvrissement, de famine et de dépendance que ses prédécesseurs ont poursuivies et qui nous ont conduits à cet état de ruine et de destruction.


Parti des Travailleurs
Tunis le 22 février 2023

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