Fusion UP-PRD et transhumances sans fin
Les manœuvres de Talon en action


Le mardi 12 juillet 2022, à la surprise générale, le Vice-Président de la Cour Constitutionnelle du Bénin Monsieur Razaki AMOUDA-ISSIFOU fait publier un communiqué qui annonce la démission de Joseph DJOGBENOU de la tête de la Cour Constitutionnelle. Aussitôt le lendemain, c’est-à-dire le mercredi 13 juillet, le désormais ancien Président de la Cour Constitutionnelle Joseph DJOGBENOU anime une conférence de presse à l’hôtel Novotel de Cotonou pour expliquer les raisons de sa démission : « J’ai souhaité reprendre l’engagement politique là où je l’avais laissé... Je souhaite que l’Union Progressiste accepte mon retour et je suis déterminé à accomplir les missions que ce parti voudra me confier. » Le samedi 16 juillet 2022, le Bureau Politique de l’Union Progressiste se réunit et débarque AMOUSSOU Bruno de la Présidence du Parti et le remplace par Joseph DJOGBENOU qui a démissionné de la tête de la Cour Constitutionnelle quatre jours plus tôt. Dans la foulée, le nouveau Président de l’UP va rencontrer Adrien HOUNGBEDJI en vue de la fusion de l’UP et du PRD. Ceci sera fait le 21 août 2022, soit un peu plus d’un mois après l’arrivée de Joseph DJOGBENOU à la tête de l’UP ; un véritable tour de force ! Il faut dire qu’entre-temps, beaucoup de militants y compris un ministre ont quitté le Parti jumeau, le Bloc Républicain (BR), pour rejoindre l’UP de l’ancien Président de la Cour Constitutionnelle. De leur côté, les partis de l’opposition officielle sentant les législatives de janvier 2023 approcher, parlent de fusion, de dissolution, de mariage, sentant que la barre des 10% des suffrages exprimés nécessaires pour bénéficier de la répartition des sièges est impossible à atteindre par eux. Pendant ce temps, pour les prétentions à ces mêmes élections, personne ne sait qui sera candidat, les listes étant directement confectionnées aux dires-mêmes des membres des partis de la mouvance présidentielle comme de l’opposition officielle, par Patrice TALON. Tout ce remue-ménage appelle plusieurs remarques.


1- Il faut rappeler que Joseph DJOGBENOU a été désigné par le bureau de l’Assemblée Nationale à la Cour Constitutionnelle dont il a pris la tête en juin 2018. Au niveau de cette haute institution arbitrale de la République, il est recommandé la neutralité absolue dans le débat politique. L’Union Progressiste (UP) ayant été créée en décembre 2018, le Président de la Cour Constitutionnelle ne pouvait en aucun cas prendre la carte du nouveau Parti. Certes, Joseph DJOGBENOU peut arguer du fait que son Parti (Alternative Citoyenne) s’est dissoute dans l’UP. Ceci ne peut être une raison car, on a vu, lors de la création de ces partis du Président Patrice TALON, des militants du même parti aller qui à l’UP, qui au BR, qui allant dans l’opposition, qui, dégoutté, se tenant à l’écart de tout ça, l’adhésion aux nouveaux partis étant individuelle. Certes, on peut être militant d’un Parti et une fois nommé, faire preuve de neutralité. Dans le cas précis, on a donc un Président de la Cour Constitutionnelle qui a pris la carte d’un Parti créé après sa prise de fonction officielle. Si on se souvient de toutes les turpitudes de la Cour Constitutionnelle pendant les élections législatives de mai 2019, et des élections présidentielles d’avril 2021, on comprend alors que le militant clandestin de l’UP ait tout fait pour que son parti remporte la mise. On évalue mieux alors, les problèmes liés au certificat de conformité, les fautes mineures et les exclusions prononcées lors de ces élections. C’était comme si dans un match de football, l’arbitre était le douzième homme clandestin d’une des deux équipes. Dans ce cas, il est normal que des cartons jaunes et rouges et des penaltys pleuvent sur la tête des joueurs de l’équipe adverse qui n’ont aucune chance de s’en sortir. Et c’est ce qui s’est passé avec les joutes électorales de l’ère Joseph DJOGBENOU. En réalité comme lui-même l’a dit en déclarant publiquement que sa mission était terminée à la Cour Constitutionnelle, Joseph DJOGBENOU s’est vu assigner une nouvelle mission par celui-là qui lui a confié la première à savoir Patrice TALON. Cette nouvelle mission était entre autres dans l’immédiat, d’obtenir la reddition d’Adrien HOUNGBEDJI et de son PRD, chose impossible à réaliser par Bruno AMOUSSOU dont l’animosité légendaire entre lui et le Président du PRD est connue, Adrien HOUNGBEDJI ne pouvant jamais accepter de rendre les armes à Bruno AMOUSSOU comme il l’a fait avec Joseph DJOGBENOU.


2- Dès qu’il a été nommé à la tête de l’UP et toute affaire cessante, Joseph DJOGBENOU s’est attelé à la tâche que son Patron venait de lui confier. Le samedi 6 août 2022, il se rend à Porto-Novo à la tête d’une délégation de l’UP pour rencontrer la direction du PRD et Adrien HOUNGBEDJI pour discuter des modalités de la reddition. Beaucoup de journaux de la place rapporteront que la veille de cette rencontre, Patrice TALON se serait réuni avec la direction de l’UP pour lui donner les instructions nécessaires. Quinze jours exactement après la rencontre, l’affaire était conclue. Pour comprendre ce brusque dénouement, il faut remonter à l’arrivée au pouvoir de Patrice TALON. Au cours des élections présidentielles de 2016, Adrien HOUNGBEDJI et son PRD avaient appelé à voter Lionel ZINSOU. Peu après les élections, la direction du PRD s’est réunie pour décréter que plus jamais le Parti ne fera l’opposition ; parce que dans l’opposition, ses militants n’ont plus accès aux marchés publics, ce qui est un grand handicap pour eux. C’est ainsi qu’Adrien HOUNGBEDJI et le PRD ont rejoint la mouvance présidentielle. Lorsque Patrice TALON a entamé sa réforme du système partisan, il prévoyait de regrouper tous ses partisans dans un même parti. Face à l’opposition de tous les requins qui l’ont rejoint, il s’est résolu à créer deux partis, le BR et l’UP. Adrien HOUNGBEDJI ne pouvant aller à l’UP dirigée par Bruno AMOUSSOU, les discussions ont été entamées pour faire fondre le PRD dans le BR. Son parti étant pour lui un précieux fonds de commerce, HOUNGBEDJI a soupesé les pertes et les profits éventuels et a décidé de ne pas le saborder. Aux élections législatives de mai 2019, Patrice TALON lui fera chèrement payer cette audace en empêchant par la ruse, le PRD de participer aux élections. Aux élections communales de 2020, bien qu’ayant gagné quelques mairies dans le département de l’Ouémé, le PRD a été empêché de les administrer à défaut d’avoir obtenu 10% des suffrages exprimés sur le plan national, une loi que HOUNGBEDJI a fait voter en tant que Président de l’Assemblée Nationale. Si l’UP a pu absorber le PRD cette fois-ci, c’est à cause de l’approche des élections législatives de janvier 2023. Adrien HOUNGBEDJI est convaincu qu’en janvier prochain, le PRD ne peut pas franchir la barre des 10% et qu’en conséquence, même si des candidats du Parti sont élus, ils ne pourront siéger au Parlement. Comment expliquer aux militants qu’on est de la majorité présidentielle et qu’on se fait maltraiter de la sorte ? Au niveau de Patrice TALON, il fallait faire disparaitre le PRD avant les élections 2023. En effet, ce dernier n'a pas envie de mettre sur la liste de ses partis, les individus qui sont à l’Assemblée depuis des années et qui ne pensent pas en partir. Or ces messieurs, s’ils se rabattent sur la liste du PRD, peuvent permettre à ce dernier, d’avoir les 10% des suffrages exprimés et perturber ses plans. Pour atteindre son objectif, Patrice TALON avait de sérieux atouts. Les turpitudes de HOUNGBEDJI à l’Assemblée Nationale lors de son passage à la tête de cette institution le poursuivent et pendent sur sa tête comme une épée de Damoclès. À tout moment, Patrice TALON peut s’en saisir pour régler son compte à Adrien HOUNGBEDJI. On se souvient de la manière dont l’actuel Président de l’Assemblée Nationale, Louis VLAVONOU a remis le Président du PRD à sa place lors des communales lorsque celui-ci a osé s’attaquer à lui. Il lui a suffi de rappeler l’héritage calamiteux que HOUNGBEDJI lui a laissé à l’Assemblée Nationale pour que ce dernier rentre dans sa coquille. En réussissant ce coup de force de saborder le PRD, Patrice TALON a poussé loin son avantage en arrachant à HOUNGBEDJI non seulement le logo de son parti, le cri de ralliement de ce dernier, mais aussi son siège qui devient désormais celui de l’UP. Il suffit de relire les suppliques et les pleurnicheries d’Adrien HOUNGBEDJI dans son discours d’acceptation pour comprendre qu’il s’agissait d’un mariage forcé et d’une reddition avec armes et bagages.


3- Pendant que tout ceci se passait, on assistait à la démission en cascades et par grappes de plusieurs militants du Bloc Républicain (BR), le second parti de Patrice TALON, pour rejoindre son frère jumeau l’UP de Joseph DJOGBENOU. L’UDBN, qui avait troqué sa fusion dans le BR contre un poste obscur de chargée de la promotion de la femme auprès de Patrice TALON pour sa présidente Claudine PRUDENCIO remet en cause sa dissolution dans le BR avec la bénédiction du ministère de l’intérieur qui déclare que l’UDBN existe toujours dans ses dossiers. Un ministre important du Gouvernement de Patrice TALON qui avait depuis longtemps démissionné du BR, rejoint l’UP et intègre son Bureau Politique. De son côté, Jacques AYADJI, le Président du parti MOEL-Bénin déclare que son parti va aux élections de janvier 2023 parce qu’il a obtenu l’autorisation de Patrice TALON ! Au même moment, les partis de l’opposition officielle se concertent pour savoir qui doit se fondre dans qui, qui doit disparaitre au profit de qui en vue de participer aux élections de janvier 2023.


4- Tout ceci montre l’échec de la réforme du système partisan imaginée par Patrice TALON et comment toute cette pagaille est organisée par lui pour avoir la mainmise totale sur les partis de la mouvance présidentielle et de l’opposition officielle. On voit déjà comment tout est mis en œuvre pour faire des élections législatives de janvier 2023, un tremplin pour l’avènement d’un Parlement godillot, continuateur de l’œuvre entreprise par celui de la huitième législature, à savoir obéir au doigt et à l’œil à l’autocrate et servir ses désirs et ambitions.


5- Pendant que tout ce remue-ménage a lieu, et que Patrice TALON tire les manettes et est à la manœuvre, il refuse obstinément de remettre son récépissé au Parti Communiste du Bénin qu’il sait non manipulable. Depuis la réforme du système partisan, qui avait pour objectif la limitation des partis politiques, on en compte déjà une vingtaine, à qui le ministère de l’intérieur a donné le récépissé de conformité. Certains après leur création n’ont plus jamais fait signe de vie. D’autres comme le PR de KOTY viennent de rejoindre ou sont sur le chemin comme le DUD de Valentin HOUDE. Cet ostracisme vis-à-vis du Parti Communiste du Bénin qui démontre tous les jours sa vitalité dans l’animation de la vie politique et dans la défense des intérêts des masses populaires doit cesser. Patrice TALON et son ministre de l’intérieur doivent remettre au PCB, son récépissé arbitrairement confisqué et ce sera justice. Cette situation ne peut plus durer.


Afiavi

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