LPV : « Il s'agit de détruire le sursaut provoqué par Ouidah-92 »


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«Il s'agit de détruire le sursaut provoqué par Ouidah-92» (Nouréini Tidjani-Serpos)
«Il était prévu que Ouidah-92 ait lieu tous les trois ans. Le Président Kérékou y a mis fin et l'a remplacé par "Gospel et racines" quelques années plus tard parce que Nicéphore Soglo‚ son prédécesseur‚ ne l'avait pas continué. À vrai dire‚ certaines personnes n'en voulaient pas. Pour Mgr Isidore de Souza‚ par exemple‚ Ouidah-92 déshonore la mémoire de son ancêtre Chacha de Souza. En instituant la route de l'esclave‚ ce projet revient‚ selon lui‚ sur le rôle joué par Chacha dans l'ignoble commerce triangulaire. Alors‚ pour empêcher la valorisation de la route de l'esclave et son inscription sur la liste du patrimoine mondial‚ il a été aménagé la Place Chacha de Ouidah‚ endroit par lequel commence la route de l'esclave. Les Noirs américains‚ les Haïtiens et autres touristes qui viennent dans notre pays commencent leur visite de cette route historique par cette Place Chacha. C'est comme ci on gravait en triomphe le nom d'Hitler sur les camps de concentration des juifs. Tout le travail fait par le Bénin‚ dans le cadre de la reconstitution de l'histoire de la traite négrière‚ est annulé par cette place. Heureusement‚ récemment le gouvernement a fait enlever la plaque de la place Chacha. On a aussi construit près de la "Porte du non-retour"‚ sur la Plage de Djègbadji à Ouidah‚ un monument qui retrace l'arrivée des prêtres sur le rivage. Il faut que les gens comprennent que notre culture‚ c'est quelque chose d'essentiel pour nous.

QUEL EST LE MOBILE DE TOUS CES MANÈGES ?


L'objectif est clair : il faut absolument tuer ce qui est endogène. Il s'agit de détruire le sursaut provoqué par Ouidah-92.
Aujourd'hui encore‚ il y a des protestataires qui réclament l'arrêt de la célébration du 10 janvier‚ seul jour de l'année dédié au Vodun. Mais personne ne proteste contre les nombreux jours fériés‚ chômés et payés en faveur du christianisme et de l'islam. Le seul jour‚ destiné au Vodun‚ doit disparaître. Cela devrait nous faire réfléchir. Il y a parmi nous‚ beaucoup de gens qui ont honte de leurs cultures‚ de leurs racines; ils veulent être des Blancs. Je vous donne un exemple : Porto-Novo dit que l'épiphanie est sa fête patronale. Imaginez un peu la réaction de certaines personnes si l'on décidait de placer la fête patronale de cette ville‚ capitale politique de notre pays‚ sous le signe de Gbèloko. Certains gens auraient vivement dénoncé un scandale national voire une diabolisation de la ville. Ç'aurait été terrible. À une ville fortement marquée par le Vodun‚ le christianisme et l'islam‚ on dédie -de manière arbitraire‚- une fête relevant de l'une de ces trois religions. Nous avons là un réel problème d'identité. Mais ce qui est extraordinaire‚ c'est que plus on essaie d'étouffer le Vodun plus il prospère. Malgré tous les coups portés à la religion endogène‚ elle est là et prospère plus que jamais.
MAIS TOUS LES PEUPLES CÉLÈBRENT LEURS CULTURES.


Ah ! Nous‚ les nègres‚ nous avons été ceux à qui on a dénié leurs cultures‚ et à un moment donné‚ nous y avons même participé. Aujourd'hui encore‚ il y a des Béninois et des Africains qui participent à ce déni.»
«La tête est le Dieu personnel de chaque individu. Face au danger‚ l'individu n'appelle aucun dieu au secours‚ mais plutôt sa tête. »
Nouréini Tidjani-Serpos‚ ancien sous directeur de l'Unesco
[Entretien avec Pascal Zantou in Jogbe‚ la revue des humanités‚ 2018. Vol. 1. pp 354-355]

 

Ici l'intégralité de La Flamme N°461