Afrique – France
Les peuples africains face aux élections en France


Les relations entre la France et l’Afrique, notamment ses anciennes colonies sont si particulières que toute élection majeure en France est très scrutée par les peuples africains dits francophones ; ce qui n’est pas par exemple le cas des anciennes colonies de la France en Asie comme le Viêtnam, le Laos ou le Cambodge qui ont réussi à se soustraire des griffes de l’impérialisme français par des guerres de libération nationale. C’est ce qu’on a encore remarqué avec les dernières élections présidentielles en France.


Il faut dire qu’au niveau d’une certaine intelligentsia africaine, il existe l’illusion que la libération de l’Afrique pourrait venir de la France et notamment de la fraction de l’oligarchie française dite de gauche. En effet, comme on peut le lire dans le numéro 10 du journal de l’Alliance Pour la Patrie en date du 1er mai 2022 : « Longtemps, une partie des intellectuels africains étaient convaincus que les partis de la gauche française, une fois arrivés au pouvoir, pouvaient libérer les néo colonies françaises du pacte colonial. Il fallait voir la ferveur de la Diaspora africaine en France en mai 1981 à la Bastille, lors de la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles. Tous les opposants africains encartés au Parti Socialiste, étaient convaincus que le nouveau Président français allait chasser les dictateurs dans leur pays pour les mettre au pouvoir à leur place. Au lieu de cela, sous François Mitterrand, non seulement les dictateurs ont consolidé leurs pouvoirs, mais il y a eu l’assassinat de Thomas SANKARA, beaucoup de scandales et surtout le discours de La Baule qui est la plus grosse entreprise de récupération de la lutte des peuples africains. »


En réalité, ce que cette partie de l’intelligentsia africaine perd de vue, c’est qu’au sein de la classe politique française, « il n’y a pas de débat à propos de la politique à mener vis-à-vis de l’Afrique. Il y a une seule ligne politique en direction de l’Afrique. Elle a été imaginée et ébauchée pendant la deuxième guerre mondiale par le Général de Gaule et mis en place à son arrivée au pouvoir en 1958 à travers le pacte colonial qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Elle a été appliquée par tous les présidents français sans exception depuis les indépendances nominales des années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Cette politique se base sur la conscience du fait que la France est une puissance moyenne qui ne peut compter dans le monde que grâce au maintien de l’Afrique sous sa domination. »


Il faut dire que ces illusions sont en train de s’estomper. Avec les agressions répétées de la France contre les peuples africains et les humiliations incessantesassassinat du colonel Kadhafi, renversement et exil de Laurent Gbagbo, multiplication des bases militaires sur le Continent, maintien de la domination monétaire avec le Franc CFA, tentative de sabotage de la mise en place de la monnaie CEDEAO, fabrication de groupes terroristes comme supplétifs de l’armée d’occupation française dans beaucoup de pays d’Afrique), les peuples africains sont en train de prendre leur destin en main. C’est ce qui se remarque avec le réveil de la jeunesse africaine sur tout le Continent. Les peuples africains commencent à prendre conscience que leur libération sera leur propre œuvre.


C’est ce qui se remarque au niveau de toutes les organisations qui se créent pour exiger la fin de la domination impérialiste et notamment française sur l’Afrique. Cette revendication anciennement confinée au niveau du mouvement étudiant et de certains partis révolutionnaires, est devenue un mouvement de masse puissant, un ouragan qui bouscule tout sur son passage. Elle touche même certaines sphères des classes dirigeantes africaines comme on l’observe au Mali avec la junte au pouvoir.


Il est révolu le temps où les Africains attendaient un salut des élections présidentielles françaises en pensant que tel ou tel Président élu viendrait mettre fin au pacte colonial et à la FrançAfrique. Les peuples africains ont compris maintenant que pour la grande bourgeoisie française toute tendance confondue, l’Afrique est indispensable pour le maintien du rang de la France dans le monde. La France a besoin de l’Afrique pour ses matières premières, pour sa position géostratégique. Elle a besoin de l’Afrique pour les votes à l’Onu, pour l’installation de ses bases militaires. Elle a besoin des réserves monétaires des pays africains pour gonfler sa trésorerie. Elle a surtout besoin de l’Afrique pour le rayonnement de sa langue qui ne cesse de perdre du terrain, en oubliant que l’Afrique doit développer ses propres langues et qu’on n’a jamais vu un pays se développer dans la langue d’autrui.
Evidemment, cette lutte contre l’impérialisme français n’est nullement dirigée contre le peuple français qui souffre aussi des méfaits de la politique néfaste de l’oligarchie française. Avec le développement des réseaux sociaux et de l’information mondialisée, les peuples africains se rendent compte que c’est l’impérialisme français qui les opprime qui opprime aussi la classe ouvrière et les travailleurs français. Du coup, leur lutte est commune et doivent se soutenir mutuellement dans le respect et la camaraderie. En aucun cas, nous ne devons jamais confondre l’impérialisme et le peuple français. Autant lorsqu’après le non historique de la Guinée des progressistes français installés en Guinée ont refusé de suivre les ordres du Général de Gaulle qui a décidé leur rapatriement immédiat en France, autant des anti-impérialistes français sont morts aux côtés des combattants algériens dans la lutte pour l’indépendance, autant aujourd’hui, beaucoup de français sont contre le pacte colonial imposé aux peuples africains par l’oligarchie française.
La lutte des peuples africains et celle de la classe ouvrière et des travailleurs français contre l’impérialisme exigent un soutien mutuel dans le respect réciproque et doit être dénué de tout paternalisme et ceci, sur la base de l’internationalisme.


Afia

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