Résistance des producteurs de coton, des noix de cajou et de soja au Bénin
Les paysans surexploités disent NON !


Depuis quelques temps, les paysans du bassin cotonnier du Bénin grognent contre les décisions gouvernementales de fixer le prix d’achat au producteur du soja à 175 F/kg et de créer en même temps une taxe à l’exportation de 140 F/kg. En effet, après avoir pris conscience des dégâts de la culture du coton (appauvrissement des terres, désertification, misère et paupérisation des acteurs, etc.), certains producteurs se sont tournés vers d’autres cultures de rente, telles que le soja et les noix de cajou, qui leur procurent d’importants revenus financiers avec moins d’investissements et de contraintes. Mais contrairement à la culture du coton qui est organisée en filière et qui bénéficie des subventions et de l’encadrement nécessaire de l’Etat (assistance technique des producteurs, subventions des intrants et garantie du marché), la production des autres cultures de rente (soja et noix de cajou) ne bénéficie d’aucune attention particulière des pouvoirs publics. Les producteurs ne bénéficient d’aucune subvention publique, ils achètent les semences et les intrants (engrais, pesticides) et paient la main-d’œuvre de leurs aides agricoles.

Et pourtant, le Gouvernement de Patrice Talon vient leur fixer arbitrairement des prix d’achat plancher et leur impose une taxe à l’exportation. Pendant que la taxe à l’exportation du coton, qui est le monopole privé de Patrice Talon, est réduit à 10 F/kg, celle des autres produits de rente, et notamment du soja, est de 140F/kg. Cette décision inique, prise par le Gouvernement en novembre 2022, avait déjà provoqué la colère des producteurs. A l’époque, le gouvernement avait rusé avec eux pour désamorcer la crise qui couvait, en leur demandant de patienter jusqu’au début de cette année pour de nouvelles négociations en vue de la révision des prix d’achat au producteur. Mais c’est finalement le 11 avril 2023, après que les paysans ont fini de brader toutes leurs productions aux commerçants et que révoltés, ils menacent de boycotter la production du coton à la prochaine campagne agricole, que Talon invita précipitamment ses alliés en affaires pour réviser à la hausse les prix d’achat du soja. Ainsi, le prix de cession du soja conventionnel a été fixé à 270 F/kg contre 175 jusque-là et celui du soja biologique à 320 F/kg. Actuellement, aucun producteur n’a plus de stocks de soja dans son magasin, selon le président de l’association des producteurs du Septentrion, Paul SOUNON. Et qui précise également qu’aucun vrai producteur n’a pris part à la rencontre de la Présidence de la République, en dehors de Patrice Talon et ses amis commerçants.


Selon la réaction de ce responsable des producteurs du Septentrion, abondamment relayée sur les réseaux sociaux, les vrais bénéficiaires de cette révision des prix sont les commerçants et le Gouvernement qui se sont constitués d’importants stocks à ce jour. Les vrais producteurs avaient déjà bradé leurs récoltes à perte et n’y gagneront rien. Mais c’est sans compter avec leur résistance, puisqu’ils ont décidé cette fois-ci de mettre à exécution leurs menaces de « ZERO COTON » et « ZERO SOJA » pour la campagne 2023-2024. En effet, les paysans se sont rendu compte que Patrice Talon veut continuer de les pressurer et de les maintenir dans le même système esclavagiste et d’aliénation de la production du coton qui l’avait enrichi. Dans ce système de production, les paysans producteurs de coton se sont rendu compte qu’ils ne sont en fait que des ouvriers à domicile du patron Talon. Le patron Talon leur fournit (aux prix fixés par lui) tous les produits, la semence, les engrais, les pesticides, fixe les prix d’achat. Comme chez les ouvriers d’usine, le produit final (le coton) n’appartient pas au producteur. Il ne peut pas en disposer à sa guise, il lui est interdit de le vendre ailleurs qu’au seul Patron, Talon qui fixe les prix d’achat dont il déduit tous frais des intrants et des prestations. Finalement, il ne reste au producteur que le prix de sa force de travail, comme à tout ouvrier. La différence ici avec l’ouvrier d’usine, c’est que le paysan producteur de coton, lui amène, en plus de sa force de travail, sa famille et sa propre terre. Ainsi donc, ce système consiste à faire produire les paysans dans les pires conditions de travail, et Patrice Talon leur vend les intrants via ses sociétés qui détiennent le monopole, il fixe les prix d’achat au producteur, multiplie les taxes et rachète l’essentiel de la production par personnes interposées. Tenez ! En ce qui concerne le soja, son cours actuel avoisine les 750.000 F/Tonne sur le marché international. Le pic aurait été atteint en mars dernier où les commerçants béninois le ‘’ramasse’’ à 175.000 F/Tonne auprès des producteurs. Dans les pays voisins, les paysans togolais et ghanéens vendaient leurs productions de soja à 400.000 F/Tonne.


C’est cette pire forme d’aliénation qui explique la grogne des producteurs agricoles et les pousse à aller vendre leurs produits sur d’autres marchés où les prix sont plus rémunérateurs. Mais Patrice Talon fait déployer des forces mixtes (Douanes-Police-Armée de terre) le long des frontières et sur les sentiers des campagnes pour dissuader les contrevenants. Ces forces mixtes auraient même été instruites à faire usage de leurs armes pour décourager au besoin les récalcitrants. Mais, avec la menace de boycott de la prochaine campagne agricole 2023-2024 du coton, Patrice Talon semble avoir pris la mesure des enjeux, car, son empire économique et financier est visé.


Les producteurs agricoles du bassin cotonnier de notre pays ont raison de dire NON à leur surexploitation. Ils ont raison lorsqu’ils évoquent le régionalisme dont ils sont victimes, car manifestement, il y a deux poids, deux mesures. Car, ils se demandent, et à juste titre, pourquoi les producteurs d’ananas et d’oranges du Sud de notre pays peuvent-ils exporter librement leurs productions sans aucune taxe à l’exportation vers les pays voisins, et pas les producteurs du Nord-Bénin ? Les ananas et les oranges produits au Sud-Bénin ne peuvent-ils pas être transformés sur place dans le cadre de la politique industrielle évoquée par Patrice Talon ? A quelle logique répond d’ailleurs cette politique d’industrialisation qui s’écarte systématiquement des zones du bassin de production pour se concentrer ailleurs. Pourquoi la désindustrialisation du bassin cotonnier et des zones de fortes productions de soja et des noix de cajou au profit de la zone industrielle de Glodjigbé-Zè (GDIZ) ? La ville de Parakou, proche des bassins de production de coton, de soja, d’acajou, etc., qui a subi une désindustrialisation depuis le pouvoir de Yayi, ne mérite-t-elle pas de profiter aussi de la politique d’industrialisation prônée par Talon ? Au regard de ces actes économiques et politiques (plus de 90% des détenus et exilés politiques sont originaires du Nord-Bénin) que pose le président Talon, il fait peser une menace lourde de conséquences sur l’unité nationale.


En décidant d’observer une campagne agricole 2023-2024 blanche, sans production de coton et de soja, les paysans surexploités refusent de continuer à produire pour enrichir un seul homme et son clan. Leur résistance face au Gouvernement de Patrice Talon depuis environ cinq mois est salutaire et le début d’une ère nouvelle. Ils ont raison d’exiger la liberté de produire, d’exiger des prix plus rémunérateurs d’achat de leurs produits agricoles, et de dire NON à leur surexploitation.


BRAVO A LA RESISTANCE DES PRODUCTEURS DU COTON, DU SOJA ET DES NOIX DE CAJOU !
HABIB A.

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