CONFERENCE DE PRESSE
A PROPOS DE LA DITE EVALUATION DES ENSEIGNANTS
Cotonou le 08 Août 2019.

 

Mesdames et Messieurs les Journalistes
Chers camarades,
Chers Amis
Je vous souhaite la bienvenue à cette Conférence de presse dont le thème s’intitule ainsi qu’il suit : « Le Problème dit de l’évaluation des enseignants et la question de l’Ecole au service du développement du Bénin »
INTRODUCTION
Mesdames et Messieurs,
La question qui agite l’actualité nationale est celle de « l’évaluation des enseignants ». Un chronogramme est retenu pour cela. Dès le 31 Juillet 2019, plus de 18.000 enseignants pour le moment concernés (ceux reversés en 2008) perdent leur emploi, c’est-à-dire voient leur contrat rompu. Le 24 Aout, une évaluation leur est faite. La publication des résultats est faite le 1er septembre. Ceux qui seront retenus comme qualifiés à l’issue des épreuves seront redéployés pour les 2 et 3 septembre. La gestion des enseignants, l’école publique et son personnel, sera désormais assurée par un organisme privé appelé Agence, autrement dit une gestion déléguée comme déjà il y en dans plusieurs domaines tels la gestion foncière et autres… Autrement dit une véritable course contre la montre pour quel objectif ?! Car véritable serpent de mer ou obsession, cette fameuse évaluation est agitée depuis des mois sous le ciel béninois et sur la tête des pauvres enseignants complétement déboussolés. Et aussi plusieurs fois boycottée.

Comment est intervenue la question du reversement des Contractuels au Bénin ? Le fameux Programme d’Ajustement Structurel imposé par le FMI et la Banque Mondiale dans les années 1980 aux pays dominés a conduit le gouvernement de Kérékou à arrêter tout recrutement à la fonction publique et ce pendant dix ans de 1986 à 1995. Par les procédés les plus sordides appelés « départs volontaires » de la fonction publique, puis « départs ciblés », on a dégagé des fonctionnaires pour soi-disant « dégraisser » la fonction publique. A partir des années 1994, la fonction publique se vidant de ses agents, les questions de l’encadrement dans le domaine de l’enseignement et de la santé se sont posées. On a eu recours d’abord au recrutement d’un pour trois départs. Mais cela n’arrivait pas à combler les vides surtout dans le secteur de l’enseignement. Les parents d’élèves se sont mis à recruter des agents pour encadrer leurs enfants. On a connu divers statuts sous diverses appellations : « Communautaires », « contractuels locaux », « Agents PIP » « Agents mesures sociales » « Agents occasionnels » etc. Le nombre de ces agents précaires s’augmentant, les besoins se faisant de plus en plus pressants, avec le changement de paradigme (A la place du PAS, on parle désormais de Stratégie de lutte contre la pauvreté) il a fallu carrément trouver un statut général à ces agents devenus incontournables et les reverser en « contractuels d’Etat », d’où l’élaboration d’un texte de la Fonction intégrant cette catégorie d’agents correspondant à cette situation. Les reversés de 2008 étant les plus nombreux dans cette situation.
Après leur reversement, ces enseignants ont reçu des formations académiques et pédagogiques organisées et financées par l’Etat et sanctionnées par des diplômes professionnelles.
Pour quel objectif le pouvoir de la Rupture agit-il? Officiellement assainir et rationaliser le milieu enseignant. Voire ! Comment le faire ? Mais y a-t-il autre méthode fiable d’évaluer un enseignant par ailleurs déjà pourvu de ses diplômes professionnels si ce n’est en situation de classe ? Mais le gouvernement choisit de faire composer des enseignants- déjà professionnels- en mathématiques, histoire géo, anglais, physique exactement comme des élèves du cours secondaire et d’université, autrement dit en matières générales !
Car tenez-vous bien : il s’agit bel et bien de professionnels .Ce sont des gens formés dans les écoles professionnelles diverses ; pour les enseignants du primaire, ils ont passé avec succès le CEAP puis le CAP écrit et pratique devant des jurys composés d’Inspecteurs et Conseillers pédagogiques. Pour le secondaire ils ont été formés dans les écoles normales, ont subi avec succès leur examen de BAPES et autres, de CAPES et de CAPET etc. Dont plusieurs sont actuellement aux postes de responsabilité (Directeurs, Censeurs, surveillants, comptables etc.), des gens qui s’acquittent très bien de leur responsabilités. Sinon à qui sont dus les résultats des différents examens de fin d’année 2019 CEP, BEPC, BAC), résultats qu’on qualifie de « bons » ?
Non, les objectifs de cette mesure d’évaluation sont ailleurs que celles affichées : sous le prétexte d’assainir le milieu enseignant, c’est précariser la fonction enseignante- la privatiser et en fin de compte réduire le nombre d’enseignants. Et pourtant, le gouvernement, en son Conseil des ministres en date du 31 Juillet 2019 a bien noté qu’il y a un déficit d’enseignants de 21.729 soit, 7.397 au primaire et 14.332 au secondaire (Cf. L’Economiste du lundi 05 Aout 2019).
Depuis lors, on assiste à un branle-bas généralisé au niveau du corps enseignant et particulièrement des personnes ciblées pour l’instant. Des Assemblées générales se déroulent partout sur toute l’étendue du territoire national avec partout cette détermination qu’il faut coûte que coûte faire échec à cette mesure, à ce crime de masse en commission directe par le pouvoir de la Rupture. Il faut boycotter.
Mesdames et Messieurs, tout démocrate, toute personne animée d’éthique positive, tout parent d’élèves sérieux, ne peut que soutenir le monde enseignant en souffrance.
La Convention Patriotiques des Forces de Gauche par ma voix, déclare publiquement qu’elle condamne énergiquement cette dite évaluation, et soutient de toutes ses forces la lutte des enseignants, qui est en fait une lutte commune, une lutte pour le bien être de l’enseignant, pour le bon devenir de l’école béninoise.
Mesdames et Messieurs les Journalistes, Chers camarades, Chers Amis,
Le gouvernement de Patrice Talon ouvre une nouvelle crise, celle des enseignants du Bénin, principaux animateurs du système éducatif de notre pays. Il attaque au bulldozer le reste cramoisi d’un système déjà diagnostiqué comme un système en ruine, un système en faillite qui fait le malheur de ce pays.
Un système comme celui de l’éducation ou plus exactement, celui de l’instruction publique, comprend deux déterminations importantes : c’est d’abord le contenu du système lui-même, c’est- à-dire les valeurs et objectifs qu’il entend promouvoir à travers les hommes qu’il forme et ce pour l’épanouissement de toute la société, c’est aussi, les hommes chargés de l’administrer. Les deux forment les deux faces d’une même médaille et sont donc intimement liées. L’une ne peut marcher bien sans l’autre.

 

LE SYSTEME EDUCATIF AU BENIN EST EN RUINE ET CONSTITUE UNE GANGRENE POUR LE DEVELOPPEMENT DE CE PAYS.
Mesdames et Messieurs, les résultats de fin d’année viennent de tomber et on s’est réjoui par exemple du fait que nous ayons cette année 50% de réussis au Bac. C’est une bonne chose ce résultat ; encore que dans d’autres hypothèses, un résultat plus élevé devrait être concevable Nous avons cette année 50.000 bacheliers et on est en droit d’attendre plus l’année prochaine. Ils iront s’engouffrer dans les filières connues : géographie, lettres, droit, économie, sociologie. Posons-nous froidement la question : dans le système actuel, dans quelle fonction publique seront-ils absorbés ? Et ce dans un pays, où à peine 16% des terres cultivables du nord au sud sont mis en valeur, un pays où le Patron du pays, le Chef de l’Etat, préfère exporter à 100% les 600.000 tonnes de coton et délaisser les maigres usines textiles à l’abandon, un pays où la force de travail est complètement étouffée et en chômage pendant que tout est importé de l’extérieur, pratiquement tout ; un pays où le peuple n’a pas le droit de produire pour se nourrir lui-même mais d’attendre tout de l’extérieur. C’est le pays que nous avons maintenant et le Gouvernement de la Rupture est le représentant exécutif du pacte colonial en œuvre depuis 1960. Le système éducatif est en faillite tout le monde en convient.
Les causes de la faillite de l’école béninoise.
« 1°) Rappel des missions et finalités de l’école coloniale
Nous n’avons pas ici l’intention de nous étendre sur les missions dévolues à l’école par le pouvoir colonial. Un simple rappel de quelques déclarations suffira. Par exemple M. Brève, gouverneur général de l’AOF a déclaré devant le Conseil du Gouvernement de l’AOF en 1933 :
Le devoir colonial et les nécessités politiques et économiques imposent à notre œuvre d’éducation une double tâche. Il s’agit d’une part de former des cadres indigènes qui sont destinés à devenir nos auxiliaires dans tous les domaines et d’assurer l’ascension d’une élite soigneusement choisie ; il s’agit d’autre part d’éduquer la masse pour la rapprocher de nous et transformer son genre de vie. Au point de vue politique, il s’agit de faire connaître aux indigènes nos efforts et nos intentions de les rattacher à leur place, à la vie française. Au point de vue économique enfin, il s’agit de préparer les producteurs et les consommateurs de demain.
Et avant lui, la circulaire du 1er mai 1924 (voir J.O. de l’AOF) dit expressément :
Le français doit être imposé au plus grand nombre d’indigènes et servir de langue véhiculaire dans toute l’étendue de l’Ouest africain français. Son étude est rendue obligatoire pour les futurs chefs.
Du point de vue du contenu des programmes, ceux-ci doivent montrer la supériorité de la civilisation française, l’infériorité « congénitale du Noir ». Le Gouverneur Général Roume dans l’arrêté général ci-dessous déclare :
Par un enseignement bien conduit, il faut amener l’indigène à situer convenablement sa race et sa civilisation en regard des autres races et civilisations passées et présentes. C’est un excellent moyen d’atténuer cette vanité native qu’on lui reproche, de le rendre plus modeste, tout en lui inculquant un loyalisme solide et raisonné
et de conclure :
L’AOF n’est plus ‘’ une terre conquise’ …par la France, c’est un pays absorbé par la France, c’est une partie intégrante de la nation française au même titre que l’Artois et le Roussillon (A. Moumouni, 1964, p 57). »
Les objectifs de l’école coloniale, c’est de faire prospérer le pacte colonial. Par pacte colonial, il faut entendre le système consistant pour le colonisé à travailler et produire pour les besoins de la métropole : cela se décline en ces fonctions que sont : - produire les produits de rente à exporter brut en métropole et importer les produits finis de cette même métropole. Ainsi à la colonie du Dahomey était dévolu principalement le palmier à huile, à la Côte d’Ivoire, le café et le cacao, au Sénégal l’arachide, au Soudan français le coton, etc. ; - tenir sous exploitation collective la force de travail du peuple colonisé par le biais de la monnaie gardée comme attribut de la métropole ; - maintenir l’usage de la langue française comme langue officielle et développer le mépris des langues nationales ; - développer le mépris de ses propres productions culturelles, de ses propres valeurs.
2°) Ces missions coloniales ont-elles changé depuis ? Pas du tout.
Des réformes pour des sorties du système colonial ont été tentées dont la plus avancée fut celle dite de l’Ecole nouvelle » de la période PRPB. On peut lire en effet dans l’ordonnance N°75-30 du 23 Juin 1975 portant loi d’orientation de l’éducation nationale ceci :
« Art. 1er :L’Ecole nouvelle doit être libérée de toute domination étrangère et de toute aliénation culturelle.
Article 2 : L’Ecole nouvelle est intégrée au milieu social national.
Article 7 : Les langues nationales doivent être introduites progressivement dans l’enseignement d’abord comme des matières d’enseignement au même titre que les autres disciplines, ensuite comme véhicule de savoir. »
Quant à la réforme dite des Nouveaux Programmes d’Etudes avec la loi d’orientation N° 2003-17 du 11 novembre 2003, elle dispose en son article 8 :
« L’enseignement est dispensé principalement en français, en anglais et en langues nationales. Les langues nationales sont utilisées d’abord comme matière et ensuite comme véhicule d’enseignement dans le système éducatif. En conséquence, l’Etat doit promouvoir les recherches en vue de l’élaboration des instruments pédagogiques pour l’enseignement des langues nationales aux niveaux maternel, primaire, secondaire et supérieur. »
Mais pourquoi ces réformes ont-elles lamentablement échoué.
Les raisons en sont les suivantes : Ceux qui ont le pouvoir de décider, ceux qui détiennent le pouvoir politique sont tous aux ordres de l’ex puissance coloniale, la France. Et ceci depuis 1960. L’obstacle à cette libération est donc politique et réside dans la détermination de l’ex puissance coloniale, de connivence avec ses agents au pouvoir au Bénin, de maintenir comme sous l’ère coloniale, le français comme langue d’oppression et déploie toutes ses forces pour son maintien à travers la francophonie.
Et pour cela, la Françafrique enserre toutes les anciennes colonies françaises et mêmes celles anciennement de domination belge comme le Congo Démocratique dans un filet d’institutions tout autant coloniales les unes que les autres : Organisation de la Francophonie, CAMES, OHADA, Universités partiellement ou entièrement de langue française, Association des Maires francophones, Association des Avocats francophones et j’en passe. Tout cela pour la suprématie de la langue française et du CFA.
« En effet, la langue française fait partie du pacte colonial au même titre que la monnaie (le CFA) et la production des ex colonies pour satisfaire les besoins de la métropole. Reconnaître le droit de nos peuples à s’instruire dans leurs langues, c’est autant leur donner le droit de produire pour eux-mêmes et donc mettre fin au pacte colonial. ». Pour cela cinquante-neuf ans après les indépendances, l’école béninoise dans son contenu, du primaire au supérieur, garde tous les traits de l’école coloniale et est donc une école française au Bénin.
Cette école désarticule l’individu, le détache de la société dans laquelle il vit, le retourne vers les valeurs extérieures, le décervèle, c’est-à-dire coupe son cerveau de ses mains en le rendant infirme socialement, c’est-à-dire inapte à transformer le milieu dans lequel il vit.
Le modèle de réussite dans ce système, ce n’est pas celui qui imprégné des réalités de notre société, associe ce savoir au savoir-faire pratique pour la transformation sociale, mais celui qui moulé des valeurs étrangères, répète tel un perroquet, des vérités sans emprise avec le réel local.

Les Solutions pour en sortir.
La question essentielle est l’inadéquation formation/besoins d’emploi au Bénin. L’école doit avoir pour objectif de former les hommes pour la production en vue de la satisfaction des besoins des hommes de chez nous.
Les solutions peuvent se résumer en les deux points suivants : 1°- résoudre la question aujourd’hui existentielle de l’accès de toute la population de notre pays à l’information et à l’information scientifique, par le maintien du fort taux d’analphabétisme qui touche l’immense majorité de la population ; ce ;qui veut dire instruire et alphabétiser toute la population en les langues nationales ; 2°- intégrer les éléments formés au tissu social et économique béninois pour la recherche de solution aux besoins de la population pour un développement rapide, équilibré et harmonieux de notre pays.
Dispositions pratiques.
Je reprends ici les propositions programmatiques du colloque de 2013 organisé par la Convention Patriotique des Forces de Gauche sur la question de l’Ecole.
« Il s’agit de :
1°- La décision politique d’instituer les langues nationales comme langues d’instruction à l’école, langues d’administration et de justice. Cette décision implique la suppression de l’article 2 de la Constitution qui fait du français la langue officielle. Pour l’administration et la justice, cela se décline en les sous-tâches que voici : instituer les débats parlementaires dans les langues nationales ; instaurer l’obligation à tout candidat au poste d’administrateur de collectivités locales (Maire, Chef d’Arrondissement) de savoir parler, lire et écrire la langue locale et décider que l’administration des communes se fasse en les langues nationales ; instituer l’obligation aux juges des tribunaux de s’alphabétiser en les langues nationales pour dire les décisions de justice en les langues nationales. Car le premier droit du citoyen c’est d’être entendu et jugé dans une langue qu’il comprend.
2°- Enrayer rapidement l’analphabétisme : des mesures pratiques doivent être prises pour enrayer en trois ans maximum l’analphabétisme dans le pays. Cela nécessite de confier cette tâche aux dizaines de milliers d’instituteurs qui, à cet effet, seront formés en leurs langues respectives pour ensuite, selon les modalités retenues, s’occuper de l’alphabétisation des adultes de plus de 15 ans.
3°- Mettre ces trois années à profit pour l’élaboration des matériaux didactiques dans les différentes langues nationales. Des prix annuels devront être décernés aux meilleures productions littéraires et scientifiques par l’Etat pour l’encouragement de cette tâche indispensable.
4°-Débuter après ces trois années avec les enfants de l’école primaire, l’instruction dans les écoles en les langues maternelles prêtes du point de vue des matériaux didactiques disponibles. 5°- Introduire l’élève en quatrième année à une langue étrangère, le français en l’occurrence.
6° Du point de vue programmatique, il faut réexaminer tous les contenus des programmes de formation du primaire au supérieur existants ; en extirper tous les relents coloniaux et néocoloniaux qui font de nous des hommes culturellement aliénés sur notre propre terre. Il faut revisiter de manière critique le contenu de tous les manuels existants notamment de sciences sociales (histoire, sociologie, pédagogie, psychologie, ethnologie, linguistique, philosophie, droit, économie) pour en extirper tout ce qui ne s’adresse pas aux nationaux béninois, pour une étude et une intégration de nos autorités scientifiques traditionnelles, telles les guérisseurs traditionnels, nos bokonon ou babalawo, nos chefs de couvents traditionnels (hunno ou alfa) dans un mouvement cognitiviste qui ne perde rien de la richesse du pays tout en s’arrimant aux derniers cris de la science.
7°-Envisager la généralisation d’une formation duale, combinant la formation théorique à la formation technique, du primaire à l’université. Chaque école primaire devant être dotée d’ateliers techniques comportant, outre la menuiserie et la maçonnerie, nécessairement la mécanique, l’électricité, l’électrotechnique, l’informatique etc. Au niveau secondaire, créer dans tout le pays des dizaines d’écoles techniques (industrielles, agricoles et de services) où peuvent accéder les élèves à partir des classes de seconde. Faire de telle sorte que le plus grand nombre des étudiants accédant à l’université et aux grandes écoles, provienne de ces centres techniques du secondaire. Par exemple recruter prioritairement les étudiants en agronomie (FSA) à partir de ceux sortis des écoles techniques agricoles de type Mèdji de Sékou.
8°-Créer pour cela une banque d’Etat pour promouvoir des initiatives et/ou des projets individuels émanant des produits de formation de nos centres techniques et de nos universités pour faciliter l’utilisation de ces produits dans le tissu social et économique de notre pays.
Depuis quelque temps, le gouvernement de Patrice Talon par la voix du Ministre de l’enseignement secondaire général, technique et professionnel, veut opérer une réforme en « professionnalisant » le système par la transformation de nombreux CEG en Collègues techniques. Voire !
Mais cette fameuse réforme déclamée comme beaucoup d’autres est une épée dans l’eau. En effet sans résoudre la question de la langue d’une part et d’autre part la question des moyens en personnel enseignant, financiers et matériels préalables, ce n’est que du bavardage pour amuser la galerie. Et les jours qui arrivent nous édifieront.
LA QUESTION DU PERSONNEL ENSEIGNANT ET DE L’EQUIPEMENT DE L’ECOLE BENINOISE.
Personnel enseignant.
Trois aspects sont à considérer à ce niveau : l’effectif des enseignants, leur niveau de qualification et connaissances et enfin la rémunération qui leur est accordée.
1°- Effectif du personnel enseignant :
Que ce soit au primaire, secondaire général et technique, que ce soit au supérieur, le personnel enseignant de nos écoles est largement insuffisant et largement en-dessous du nécessaire pour l’encadrement de nos apprenants.
Au niveau primaire on assiste souvent à des effectifs de trois maîtres voire de deux maîtres par école de six classes. Cela se note non seulement dans le Bénin profond, mais encore dans nos villes comme Cotonou.
Au niveau secondaire ce manque criard d’enseignants se note par la forte proportion de vacataires dans nos écoles allant jusqu’à 70 à 80% de vacataires dans nos lycées et collèges. « Dans les deux cycles du secondaire l’Etat ne dispose en 2017 que de 7.785 enseignants permanents pour un besoin de 32.144 soit un déficit de 34.359 sporadiquement comblés à 97,65% par les vacataires » Rapport du MESFP
Au niveau supérieur il en est de même.
2°- Leur niveau de qualification.
Il est à situer à plusieurs aspects : le premier est le niveau académique requis ; cela ne pose aucun problème grave car pouvant être amélioré ; le second la qualification professionnelle elle-même. A ce niveau comme souligné plus haut surtout eu secondaire, le nombre d’enseignants qualifiés est largement insuffisant ; le troisième niveau est le contenu de leurs connaissances. Du fait du contenu néocolonial de l’enseignement et des programmes suivis au Bénin leurs connaissances sont de contenu colonial. Spécialement dans les matières de sciences humaines et sociales. On note leurs ignorances dans la connaissance de l’histoire, de la sociologie, du droit, de l’économie. Ce qui se répercute sur les enseignements dispensés dans nos écoles. Par exemple on n’enseigne pratiquement plus l’histoire de nos peuples, les résistances aux invasions étrangères, les valeurs éthiques développées dans la pratique de nos peuples depuis des siècles etc.
3°- La rémunération. C’est là aussi que se pose le gros problème. Les enseignants de notre pays sont mal rémunérés et mal payés.
La question de l’équipement de l’école.
Manque d’infrastructures, manque de salles de salles de classes, manque d’amphi, manque de bibliothèques, de laboratoires et de matériels techniques d’apprentissage en général. Ainsi « pour 17.372 groupes pédagogiques en 2017, le pays ne dispose que de 12.745 salles de classes, soit un déficit de 4.627 groupes pédagogiques ». La litanie est longue.
Mesdames et Messieurs les Journalistes, Camarades et amis, peuple béninois.
Ce que nous vivons actuellement ressemble à s’y méprendre aux mesures des injonctions d’institutions internationales (le FMI et la Banque Mondiale) pour détruire les restes de notre système éducatif dans les années 1980. C’est la même procédure qui est en cours avec ceci de particulier qu’il s’agit de privatiser davantage l’enseignement au Bénin. C’est une attaque en règle contre un service public fondamental : celui de la formation de nos cadres de demain. C’est une attaque en règle contre nos droits élémentaires de former nos enfants et non d’en faire des objets de profits pour certains.
J’en appelle à toutes les couches populaires de ce pays, j’en appelle aux parents d’élèves, aux vrais pour qu’ils rejettent cette imposture camouflée sous de faux prétextes.
Une nouvelle école est appelée. Une école qui soit l’exacte opposée à la coloniale actuelle, une école patriotique qui soit le levier du développement de notre pays. Dans ce contexte, les questions subséquentes sans lesquelles cette école ne saurait prospérer imposent nécessairement le recrutement en quantité et en qualité des enseignants et leur motivation par des rémunérations suffisantes.
Au regard de ces considérations la Convention Patriotique des Forces de Gauche dit :
1°- Halte à la torture des enseignants de notre pays par le pouvoir de la Rupture !
2°-En avant pour l’instauration d’une Ecole patriotique au service du développement du Bénin.
Je vous remercie.
Cotonou le 08 Août 2019.

Pr Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du Parti Communiste du Bénin
Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauch

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