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III- Ce que promet la nouvelle autocratie : la refondation de la dictature

11.- La base  sociale de la nouvelle autocratie met en exergue des hommes et des groupes parmi les plus réactionnaires de notre société s’appuyant sur des masses populaires arriérées. Ces hommes et groupes soutiennent les agressions des pays dominés par les puissances impérialistes en concurrence féroce avec les nouvelles puissances émergentes. Le contexte international doit donc être examiné pour mieux comprendre les enjeux actuels.

Dans les années 1988-1990, une contre-révolution à l’échelle planétaire a permis à la grande bourgeoisie impérialiste de se lancer dans une offensive contre les acquis politiques, sociaux et culturels de la classe ouvrière et des peuples. On nous prédisait la fin de l’histoire, de la lutte des classes et des révolutions sociales. Les travailleurs et les peuples devraient s’adapter de tout temps aux diktats du capital, renoncer à leur être et âme, à la démocratie véritable et se soumettre à une mondialisation forcée des exigences du capitalisme sauvage. Mais peu à peu, la situation objective indiquait que sans la lutte pour la révolution sociale, le capital se déploie de manière plus féroce allant jusqu’aux guerres d’agression dans le Golfe, les Balkans pour le repartage du monde.

Mais au même moment, les aspirations à la démocratie qui ont permis de vaincre les dictatures révisionnistes ne se sont pas éteintes et les luttes pour la préservation et la conquête de nouveaux acquis sociaux appelés par la Révolution Scientifique et Technique épuisaient les ressources de la contre-révolution. Des contestations contre la toute puissance du capital financier se déployaient avec les mouvements altermondialistes et affichaient face au règne du capitalisme qu’un « autre monde est « possible ».

On peut ainsi dire que depuis la fin de la contre-révolution dans les années 1998-2000, des mouvements révolutionnaires sont appelés à travers le monde. Une nouvelle ère de révolution est ouverte, accélérée  par la Nouvelle Révolution Scientifique et Technique ou révolution informatique, l’énorme accumulation de richesses dans les mains de magnats et groupes de magnats de plus en plus réduits et la grande misère de la grande masse de la population du monde. La crise économique mondiale de 2008 corrélée avec la montée au pouvoir dans les pays impérialistes des représentants du capital financier en est un détonateur. Cette crise pousse les gouvernements des pays impérialistes d’une part à accentuer l’exploitation de leurs classes laborieuses de plus en plus déplumées des acquis sociaux du lendemain de la deuxième guerre mondiale ; et de l’autre à accroître l’exploitation et le pillage des pays néocoloniaux et dépendants avec l’exacerbation des rivalités inter-impérialistes que cela entraîne pour le contrôle des sources de production des matières premières stratégiques et des marchés. Les sources d’énergie notamment le pétrole et l’uranium apparaissent comme de grandes sources de conflits à travers le monde. Le continent africain devient un champ privilégié de bataille où s’affrontent ces grandes puissances impérialistes pour leur hégémonie sur la planète. Les anciennes puissances coloniales face à l’arrivée d’autres concurrents plus puissants et/ou  plus dynamiques sur le marché international comme les BRICA (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) tentent de resserrer les liens coloniaux sur leurs anciennes colonies afin de préserver des champs clos de domination. La fameuse Françafrique en est un prototype. Ainsi s’expliquent les guerres, les coups d’Etat et autres conflits. Tels apparaissent les cas des guerres actuelles en Côte d’Ivoire et en Libye. Les interventions étrangères en Côte d’ivoire comme en Libye ont des objectifs communs : faire monter des valets plus dociles au pouvoir afin de contrer l’intervention de puissances rivales dans ces régions pour le contrôle et le pillage de leurs richesses naturelles15.

Le soutien arrogant à l’autocrate imposteur Boni YAYI au Bénin rentre dans cette même visée.

12.- Dans son discours d’investiture le 06 avril 2011, l’essentiel des nouvelles promesses du nouvel autocrate au peuple concerne une « Refondation de notre République sans laquelle notre nation ne pourra satisfaire ses besoins fondamentaux indispensables à sa survie et à sa croissance » (Cf. Le Journal ‘LE MATINAL’ du 07 avril 2011). D’emblée, Boni YAYI annonce les couleurs et les objectifs fondamentaux de sa refondation : limiter les libertés aux peuples. Il dit : «Un pays ne peut vivre et se développer dans la culture de la grève permanente, le refus du service à tous et la non assistance à personne en danger » (sic).

L’idée de refondation signifie d’abord que l’ancien fondement est reconnu comme obsolète, inadéquat pour la justification cohérente de l’action du gouvernement. Elle confirme l’opinion des masses que le Renouveau Démocratique a échoué dans ses prétentions à satisfaire les besoins fondamentaux des travailleurs et des peuples, que les politiques d’ajustement structurel, de stratégie de réduction de la pauvreté et de croissance sous la tutelle du FMI ont échoué et ne peuvent conduire le pays au développement. Cela signifie que le système de contrôle de la gestion du bien public a fait faillite, que la bureaucratie financière a montré ses limites dans la conduite des affaires d’Etat au Bénin.

Mais, au lieu de reconnaître leur échec et accéder aux exigences des travailleurs et des peuples, le despote Boni YAYI entend, dans un inversement des rôles où le bourreau se prend pour le sauveur et la victime, comme ses pairs refondateurs de la sous-région (Laurent GBAGBO, Faure EYADEMA, Blaise COMPAORE), entend réviser la Constitution pour s’attribuer légalement davantage de pouvoir et autoriser moins de libertés aux travailleurs et au peuple. Peut-être compte-t-il également, par cette astuce mettre aussi le compteur à zéro en vue de nouveaux mandats.

Boni YAYI est évidemment incapable de reconnaître que les motifs et causes des grèves des travailleurs se trouvent dans la corruption de son pouvoir, dans sa volonté despotique d’accaparement de tous les pouvoirs, y compris le pouvoir judiciaire avec, par exemple, l’interdiction de l’exécution des décisions de justice qui a conduit les magistrats à cesser le travail ; il ne peut reconnaître que la cause de la grève des fonctionnaires se trouvent dans sa politique de restriction des rémunérations des travailleurs pendant que là-haut, les ministres, sans compter les avantages divers, ont vu leurs salaires quadruplés ; il ne peut comprendre la réaction d’indignation et de colère du peuple face aux nominations et affectations partisanes et népotistes ; il ne peut comprendre les plaintes et le désarroi de la jeunesse. Alors, il pense qu’il y a trop de grèves et qu’il faut faire taire les contestataires. Et pour faire passer sa volonté fasciste, il faut couvrir d’opprobre les grévistes taxés de « refus de service à tous et de non assistance à personne en danger ». Ce mensonge a été élaboré et développé par le sinistre Albert TEVOEDJRE à propos de la grève des enseignants et, ensuite, des personnels de la santé. Mais, TEVOEDJRE, le corrompu qui, en affaire avec TUNDE qui vend les cahiers d’activités financés sur fonds publics et destinés à être distribués gratuitement aux élèves, TEVOEDJRE, disons-nous, ne parle pas des motifs de la grève ; il ne connaît pas les difficultés quotidiennes des agents de la santé, leurs peines devant le désert d’équipement, lui qui bénéficie d’une assurance payée par l’Etat pour se faire soigner en Europe. Il ne connaît pas les peines des instituteurs devant des salles de classe de plus de soixante-dix élèves, voire quatre-vingts à qui il faut enseigner dans une langue étrangère, la langue française dans laquelle on leur suppose d’après l’Approche Par Compétence, une certaine compétence. TEVOEDJRE et Boni YAYI ne peuvent comprendre l’émoi des travailleurs devant la disparition non élucidée jusqu’à ce jour de leur collègue après sa sortie le soir du bureau. Et tous ces gens se permettent tous les jours d’invoquer (et de salir) le nom de Dieu !

C’est faux de dire qu’un pays ne peut vivre et se développer dans la culture permanente de la grève. En France, il n’y a pratiquement pas de jour sans grève et pourtant la France vit bien et se développe. La grève (la contestation jusqu’à la cessation collective du travail salarié) est nécessaire (même pour la vie et le développement du pays) lorsque des travailleurs ont en face d’eux des patrons sourds à leurs plaintes, des oppresseurs, des pilleurs, des despotes. Pour mettre fin à la culture de la « grève permanente », il faut mettre fin à la culture de « l’oppression et de l’exploitation permanentes » des travailleurs, à la culture permanente de la corruption généralisée au sommet et de l’impunité.

Si les travailleurs constituent la cible principale du courroux de Boni YAYI et de TEVOEDJRE, ils ne  sont pas les seuls. « Le Gouvernement doit accompagner plus efficacement l’action de la société civile, éliminer la transhumance politique » nous promet le despote. Ainsi, les acteurs de la société civile qui, par définition, devraient mener leurs activités dans l’indépendance du pouvoir en place seraient, selon Boni YAYI, accompagnés par le gouvernement, comprenez mis sous assistance financière et tenus en laisse. On a vu l’exemple d’accompagnement de la société civile par Boni YAYI avec les déclarations de soutien au hold-up électoral par Mr Martin ASSOGBA de l’ONG Alcrer16 au nom de la  société civile en contradiction honteuse avec les conditions reconnues par cette même société civile pour des élections crédibles. L’accompagnement à la Boni YAYI s’effectue toujours par la corruption, les chantages, les menaces et les intimidations voire des enlèvements et assassinats crapuleux.

Les députés sont également sous la menace du nouveau despote. Dans la perspective et l’espoir de se donner à l’issue des élections législatives en cours une majorité qualifiée, docile à tous les tripatouillages de la Constitution, Boni YAYI promet une loi contre la transhumance politique. Les députés n’auront plus individuellement, pendant la mandature, la liberté de changer de groupes et d’obédience. Bien sûr, le spectacle de députés qui se vendent et s’achètent lors du vote de chaque loi est répugnant. Mais la haute bourgeoisie a combattu tout contrôle de la base sur le sommet, tout contrôle des élus par les électeurs. Ainsi, la Constitution a rejeté le mandat impératif, c’est-à-dire un mandat qui soumet l’élu à l’exécution du programme sur lequel les électeurs l’ont choisi et donne droit à la majorité de ses électeurs de l’interpeller et de lui retirer leur confiance et mandat. Sans la mise en œuvre du mandat impératif, une loi sur la transhumance n’aura d’autre objectif que de river le député à l’obéissance à son seul chef de parti qui, lui, peut décider d’amener toute sa troupe ou bon lui semble. L’intention de Boni YAYI vise uniquement à empêcher à l’avenir les députés de sa mouvance de se désolidariser de sa politique de pillage comme on l’a vu à la dernière législature et de river par la force de la loi les autres députés à leurs chefs de partis..

Le dernier domaine de la refondation à la YAYI concerne le système partisan. Pour lui, « il s’avère nécessaire de redéfinir un nouveau système partisan dont l’objectif est le renforcement de l’unité nationale et la simplification du système politique national ainsi que le renforcement du statut de l’opposition ». Dans son discours de candidature, il avait été plus clair en indiquant qu’il voulait réviser la charte des partis afin que la composition des partis soit représentative des différentes couches et composantes de la Nation. Boni YAYI ne sait pas comment se construit l’unité des peuples du Bénin et sa politique régionaliste et népotiste combat tous les jours cette unité. S’entourer de courtisans mafieux de toutes les régions du pays ne constitue pas, loin s’en faut, une politique d’unité nationale.

Une loi démocratique et républicaine ne peut décréter que les partis reflètent la composition des différentes couches et composantes d’un pays. La liberté d’association laisse à chaque classe sociale le soin de s’organiser et un parti politique représente d’abord les intérêts d’une classe sociale ou des classes  sociales précises. Vouloir imposer par la loi l’unité dans un parti de l’ouvrier et du patron, du paysan pauvre et de l’agriculteur capitaliste, du planton et du Directeur Général, c’est ni plus ni moins écraser l’ouvrier, le paysan pauvre, le planton sous les bottes du patron, de l’agriculteur capitaliste et du DG. C’est faire taire la voix des ouvriers, des opprimés. Un dicton populaire dit bien que « l’affamé et le repu ne peuvent rire ensemble ». Or, Boni YAYI veut justement enchaîner par sa refondation l’affamé au sort du repu afin de couvrir les plaintes et gémissements de l’affamé par les éructations de l’homme repu.

Le droit de grève restreint, le député rivé à son chef de parti, l’acteur de la société civile docilement accompagné, le parti des ouvriers et des paysans menacé et/ou noyauté par des patrons et des riches, la presse muselée, Boni YAYI imposera la paix du brigand sur le pays. Il pourra poursuivre des réformes pour la braderie accélérée des ressources nationales, pour piller en paix ! C’est ce qu’il espère, ce qu’il vise. Le reste de son discours d’investiture sur la gouvernance économique, la lutte contre la corruption, la lutte contre l’impunité n’est que mensonge. A cet effet, il est promis « une loi sur l’enrichissement illicite à faire adopter en procédure d’urgence par le prochain parlement » (sic). Chaque fois que l’on évoque la lutte contre la corruption, les hauts-bourgeois imaginent une nouvelle loi dont l’exécution dépend du sommet comme si la persistance et l’aggravation de la corruption étaient dues à l’absence absolue de lois et de structures au sommet. Combien de lois contre le détournement des biens publics, combien de commissions, d’organes de contrôle n’a-t-on pas inventés pour soi-disant la lutte contre la  corruption ! Est-ce l’absence d’une telle loi qui a amené Boni YAYI à positionner, par exemple, Célestine ADJANOHOUN dénoncée auparavant publiquement par lui en conseil des ministres de détournement de fonds à la SBEE et envoyée à la Haute Cour de Justice, sur la liste FCBE pour les actuelles législatives ? La farce grossière et cynique d’un despote qui se joue du peuple se voit à tous les détours.

Ce n’est pas non plus la réintroduction de l’éducation civique et à la « citoyenneté » dans le système éducatif qui changerait quelque chose. Au contraire, ce serait plutôt enseigner l’hypocrisie aux jeunes qui ne peuvent pas ne pas remarquer le décalage entre ce qu’on leur enseigne et prêche et ce qui a cours en pratique au sommet de l’Etat. On a vu dans ce pays ces cours moralisateurs débités par Martin ASSOGBA d’Alcrer financé par les fondations étrangères et soutenu par le pouvoir de KEREKOU II. Si les enfants, les jeunes s’instruisent par les cours académiques, ils s’éduquent par l’activité pratique, par l’exemple. Et l’exemple pratique dominant sous le Renouveau et, particulièrement, sous le pouvoir de Boni YAYI se résume en les mensonges grossiers, en le pillage, en le placement des partisans à des postes « juteux » moyennant des rançons à verser au grand patron. A quel jeune peut-on faire croire aujourd’hui que la promotion s’obtient au prix de l’effort lorsqu’il voit par exemple que les affectations des douaniers s’effectuent  sous la supervision directe du chef de l’Etat à la Présidente de la République dans la priorité aux « patriotes », lorsqu’il sait que le chef de l’Etat et son ministre d’Etat KOUPAKI mentent effrontément à propos de l’Affaire ICC-Services, que Madame Célestine ADJANOHOUN dénoncée comme pilleur de la SBEE et déférée devant la Haute Cour de Justice par Boni YAYI est maintenant positionnée par lui sur la liste FCBE au second rang après la « Première Dame » Chantal de SOUZA pour les législatives 2011 ?

Alors, on se rend compte du désastre moral que constitue ce pouvoir, de la calamité nationale qui s’est abattue sur le Bénin. On peut alors se rendre compte de l’énormité du mensonge et de la duperie entrepris par Boni YAYI et en exécution par Albert TEVOEDJRE avec « l’organisation prochaine d’une conférence de sursaut patriotique qui permettra d’examiner notamment les problèmes de gouvernance et de comportement citoyen ». On peut alors se rendre compte que c’est Boni YAYI au pouvoir qui est justement le problème.

L’organisation  d’une Conférence et d’un Forum dit de vérité et de sursaut patriotique apparaît ainsi dans toute sa laideur comme une tentative de couvrir l’imposture de la proclamation de la victoire électorale de Boni YAYI par des conférenciers « triés » sur le volet avec des experts payés pour des leçons sur la gouvernance. Les nombreux forums organisés par Boni YAYI n’ont servi qu’a noyer les véritables problèmes et faire avaliser les solutions antipopulaires et apatrides du pouvoir en place. Celui annoncé après le hold-up électoral est moralement et politique plus grotesque. C’est un nouveau marché de dupes qui donnera en plus à ses principaux exécutants l’occasion, comme d’habitude, de s’en mettre plein les poches. De quelle bonne gouvernance peut se prévaloir TEVOEDJRE, le défenseur des faux complots contre ses adversaires dès ses premiers pas politiques au début des années 1960 (le tristement célèbre éditorial radiophonique : Y-a-t-il eu complot ? Oui ! résonne toujours dans les mémoires), l’homme qui a fait revenir le sinistre KEREKOU en 1996, l’homme de l’affaire BETA sous KEREKOU, etc. ? Tout observateur sérieux sait, à l’examen de tous les scandales connus, que c’est Boni YAYI au pouvoir qui concentre la mal gouvernance au Bénin. Ce n’est donc pas une Conférence qui peut résoudre ce problème, mais d’abord les luttes pour le départ de ce tyran corrompu du pouvoir.