ADRESSE VI
Aux Travailleurs, au peuple du Bénin en lutte
Echange de vœux entre les institutions constitutionnelles
Échange de bons procédés pour l’instauration d’une dictature fasciste dite de « développement »

 

Travailleurs et peuple du Bénin !
Dans leur échange de vœux avec le Chef de l’Etat le 16 Janvier dernier au Palais de la Présidence, Houngbédji Adrien s’exprimant au nom de toutes les institutions constitutionnelles (Assemblée nationale, Cour constitutionnelle, Cour suprême, HAAC, CES) a dit des choses. Quel est le contenu de ces deux discours ? Ces discours portent un débat à contenu théorique et à portée profondément pratique. Cette théorie connue ailleurs a pour nom « dictature de développement ». Dans son contenu cette théorie dit que pour se développer les pays arriérés comme le nôtre, doivent se passer de la démocratie et passer par une dictature dite de développement.
I- Le développement sans démocratie politique est-il réalisable au Bénin ?

La réponse est non. Le développement économique à la trique, au bâton, le développement sans démocratie pour le peuple est irréalisable au Bénin. Pour les raisons suivantes :
1°- La première raison, c’est la persistance du pacte colonial qui lie les anciennes colonies françaises à la France. Le pacte colonial comprend trois éléments anti- développement que sont : le franc colonial CFA (sans monnaie autonome contrôlable par l’Etat, pas de développement); le maintien de langue française (aucun peuple ne se développe avec la langue d’autrui) et l’interdiction de l’industrialisation dans les pays coloniaux (obligation d’exporter brut les matières premières pour être transformées en métropole).
De cette raison première due à la dépendance coloniale découlent les conséquences suivantes : l’inexistence et l’indisponibilité du capital prêt à s’investir ; l’inexistence d’un marché intérieur quelque peu protégé de la concurrence extérieure et l’inexistence de ressources humaines prêtes à assumer les transformations économiques.
Une dictature pour « le développement » dans ces conditions comme on veut le faire au Bénin, ne serait qu’un renforcement de la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur, d’un renforcement du pillage du pays par les monopoles étrangers propice à accroître le non développement du pays et la misère du peuple.
Qu’en est-il des autres pays africains non colonisés par la France ? .
La situation tout en marquant des différences significatives, a cependant les mêmes déterminations. Les différences, c’est celles des niveaux de dépendance et d’exploitation des ex-colonies par les anciennes métropoles. Il est connu que de toutes les autres puissances coloniales, la France est la plus féroce, la plus meurtrière, la plus exploiteuse des puissances coloniales en Afrique. Les conséquences c’est que les pays les plus arriérés en Afrique sont en majorité francophones. C’est ainsi que malgré les ressources immenses de la Côte d’Ivoire et les performances économiques dont on l’affuble depuis une décennie, son PIB est toujours inférieur à celui du Ghana, son voisin et homologue en ressources.
Les déterminations communes à tous les pays africains, c’est leur dépendance vis-à-vis des puissances extérieures et le pillage dont ils sont victimes. Cette dépendance se traduit en dépendance linguistique. En dehors des pays arabes, l’anglais est toujours la langue officielle et la langue de l’instruction de ces pays à l’exception de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie qui en Octobre 2015 vient de faire du swahili la langue de l’instruction et d’enseignement dans le pays. Elle se traduit en dépendance culturelle et éducationnelle. La conséquence immédiate, c’est l’inadéquation des formations (scolaires, académiques, professionnelles) ainsi que des structures administratives par rapport aux besoins réels de transformation du pays.
Enfin la détermination commune à ces pays, c’est le pillage de leurs immenses ressources naturelles par les puissances extérieures au continent. Ce qui ne permet pas la disponibilité du capital et la possibilité d’un marché intérieur quelque peu protégé vis-à-vis de l’extérieur.
2°- La deuxième raison : C’est que l’époque d’une accumulation primitive du capital réalisée par expropriation massive des petits paysans et violations massives des droits de l’homme sous couvert de développement économique est révolue. Aujourd’hui l’éthique universelle a fait d’énormes progrès et de tels processus sont impossibles sans provoquer une guerre généralisée. Si autrefois, de tels soulèvements peuvent être réprimés dans le silence, aujourd’hui cela est impossible à l’heure des réseaux sociaux et des organisations de défense de droit de l’homme; à l’heure de l’éthique universelle qui affirme l’universalité du respect des droits humains dont le droit à la propriété est un élément fondamental. L’éthique universelle a consacré des notions comme « transparence dans la gestion du bien public » (accountability) ou contrôle populaire de la gestion du bien public, ce qui nécessite la publication des audits et des clauses des contrats des marchés publics, etc.
3°- La troisième raison est l’histoire propre de notre peuple. Notre peuple a démontré sa capacité à résister à toute oppression ; à toute violation des droits humains ; cela depuis l’invasion coloniale à nos jours. Un soi-disant développement avec le bâton, le vol, le pillage éhonté, le bâillonnement des libertés démocratique se heurterait à une résistance farouche dont on ne peut mesurer l’ampleur. Le soulèvement le 18 janvier dernier des populations de Glo-Djibé illustre ce que j’avance. Il ne reste pour notre peuple, pour l’époque, qu’une seule voie, celle du développement dans une gouvernance démocratique.
L’expérience des exemples des pays ayant connu des développements rapides comme la Russie soviétique et de l’URSS de 1917 à 1940, celui de la Chine, du Vietnam etc. ne sont pas sans intérêt.
II- Le développement économique du Bénin ne peut s’effectuer que dans le respect du bien public et avec une gouvernance démocratique.
Au regard du développement ci-dessus, le développement rapide et accéléré de notre pays ne peut se réaliser que dans une gouvernance démocratique. Un tel développement s’appuie sur les principes suivants :
1°- L’indépendance réelle du pays : souveraineté sur les ressources nationales, récupération de la souveraineté monétaire et linguistique : instruction et administration dans nos langues nationales, enrayement de l’analphabétisme ; appui sur les valeurs positives des cultures de notre peuple.
-2°- L’association du peuple (au mode participatif) à travers des forums et organisations populaires diverses est indispensable à la définition des objectifs économiques, au suivi et contrôle des processus de réalisation et de gestion. Ce qui permet les sacrifices bien compris, acceptables pour les nécessités du développement.
-3°- La mobilisation de tous les capitalistes nationaux (hommes d’affaires) béninois sans exclusive tant de l’intérieur que de la diaspora désireux de contribuer à une construction rapide de notre patrie.
-4°- La propriété étatique (avec éventuellement association capitaux publics-privés) des secteurs stratégiques tels le port, l’aéroport, l’eau, l’énergie, l’électricité, les mines, les télécommunications, routes, rails, l’éducation, la santé. Tous autres secteurs sont réservés en priorité au privé.
5°- La Politique de transformations prioritaires des matières premières sur le sol national et protection relative du marché intérieur pour la satisfaction sans cesse croissante des besoins de la population.
C’est dire qu’une telle politique exclut l’accaparement du patrimoine national au profit d’un clan, la signature de marchés opaques et de gré à gré et la privatisation rampante des secteurs stratégiques, une politique qui écrase le producteur et le contraint au silence. L’homme producteur que l’on voudrait aujourd’hui contraindre à travailler sous bâton et baïonnette au profit d’une caste de pilleurs cherchera toute voie pour s’affranchir et cette voie ne peut être que le sabotage de la production et la révolte inévitable. Ce qui rend irréalisable la théorie de la dictature de développement dans le contexte béninois.
Je vous remercie Cotonou, le 24 Janvier 2018.

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