A PROPOS DE LA CROISSANCE DU PIB AU BENIN
MIRAGES ET REALITES CONCRETES

 

Le dimanche 17avril 2022, le porte-parole du gouvernement, Léandre Houngbédji a encore accaparé les plateaux de la télévision pour louanger les performances économiques. Il a parlé de la note B+ donnée par l’agence américaine Fitch et du taux de croissance évalué à 7,2% en 2021. A partir de cette notation et du taux de croissance, Mr Léandre Houngbédji laisse entendre que cela signifierait le développement du pays et ensuite l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et de la population. Rapportant ces propos, le journal gouvernemental "La Nation" du mardi 19 avril écrit « En maintenant la note B+, l’agence Fitch n’a donc fait que peindre ce que vivent au quotidien les citoyens. Entre autres, il est relevé l’amélioration de la qualité de la gestion financière et la pertinence des mesures en faveur des entreprises et des travailleurs pendant la pandémie….S’agissant des prix, leur constance s’explique surtout par les dernières décisions du gouvernement. » Dans le même ordre d’idée, le journal "La Nation" cite comme témoignage les chiffres de croissance économique de 2021 publiés le 15 avril 2022 par l’Institut national de la statistique. Encore une fois, le gouvernement de Talon tente de duper les travailleurs et le peuple en semant la confusion entre taux de croissance économique et développement, entre fort taux de croissance et amélioration des conditions de vie des travailleurs.


Parlons d’abord des agences de notation. Elles ont pour rôle l’évaluation de la capacité de remboursement de la dette par un organisme ou un Etat. Elles s’intéressent ainsi à la gestion financière de l’organisme et de l’Etat concerné. Rien de plus. Elles ne s’occupent pas des questions de développement, ni des conditions de vie des populations. Elles sont au service des créanciers et du grand capital. Que ces agences gratifient le bon client des clubs financiers qu’est Talon et son pouvoir par de bonnes notes, l’encouragent et le louangent pour sa politique de dépouillement des masses au profit des créanciers, c’est ce que traduisent ces agences dans leurs notes.


Et ces bonnes notes ne traduisent en rien l’état réel de l’organisme ni de l’économie du pays. Ces agences (dites internationales, mais en fait américaines) avaient attribué de très bonne notes, rassurantes, aux banques et institutions financières américaines tout au long des années 2000 à 2007, et pourtant ces organismes financiers se sont effondrés, entrainant la crise de 2008, reconnue comme la plus grande après celle de 1929. Alors, « que plusieurs institutions internationales, souvent concurrentes, spécialisées dans la notation des performances économiques classent le Bénin à des niveaux satisfaisants » (op.cit.) ne prouve rien en ce qui concerne l’évolution de l’économie béninoise.


A ce propos, observons de près les chiffres des comptes économiques de 2015 à 2022 publiés le 15 avril 2022 par l’institut national de la statistique, l’INSAD, ex-INSAE. Le pouvoir et ses complices ne parlent que du taux croissant de la richesse produite (le PIB) d’année en année. Ils mettent particulièrement en exergue le taux de 7,2% atteint en 2021. Mais regardons de près d’où provient la richesse produite, c’est-à-dire, la structure de ce PIB. Pourquoi cela ? C’est parce que le développement s’amorce à partir du décollage de l’industrie, du secteur manufacturier. Le développement s’accélère lorsque ce secteur manufacturier est ancré (même si c’est au dernier wagon) aux industries de pointe. C’est ce que l’histoire prouve. En regardant dans les statistiques publiées par l’INSAD d’où provient la richesse produite au Bénin, on note que le secteur manufacturier (regroupant les Industries agro-alimentaires et Autres Industrie manufacturières) représente 9,6% en 2021, contre 10,03 % en 2015. Ainsi le niveau manufacturier est resté stagnant, pour ne pas dire en baisse depuis l’arrivée au pouvoir de Talon. Le secteur primaire (agriculture, élevage, pêche et foresterie) est de 26,97 % en 2021 contre 26,4 en 2015 ; et le secteur tertiaire (commerce, transport, banques et autres services) à 47,47 % en 2021 contre 49,2 % en 2015. Les chiffres produits et publiés par l’INSAD ne montrent donc aucune transformation structurelle de l’économie béninoise et même pas une amorce de cette transformation depuis 2015.


Par contre, ce qu’on peut lire dans ces chiffres, c’est l’augmentation très importante de l’accaparement des fruits du travail de la population par la multiplication et la hausse des impôts et taxes. Les chiffres publiés par l’INSAD sont relatifs aux montants des impôts et taxes déduits des subventions accordées par l’Etat. C’est dire que les montants réels des impôts et taxes sont supérieurs à ceux publiés. Néanmoins, l’examen de l’évolution de ces chiffres des impôts et taxes net des subventions entre 2015 et 2021 montrent la réalité de l’accaparement des fruits du travail de la population. En 2015, les Impôts et taxes nets des subventions, s’élèvent à 537,4 milliards sur un PIB de 6732,8 milliards. L’extorsion des fruits du travail du peuple par la multiplication et la hausse des impôts et taxes, moins les subventions de l’Etat, font ainsi 7,98 % du PIB en 2015. En 2021, ces impôts et taxes moins les subventions se chiffrent à 855,9 milliards sur un PIB de 9328,9 milliards ; ce qui fait 9,2 %. Ainsi, la prédation des fruits du travail par les impôts est passée de 8% du PIB en 2015 à 9,2 % en 2021. Rien qu’entre 2020 et 2021, alors que le PIB (et donc la richesse produite) s’est accru de 7,2%, les impôts et taxes nets des subventions ont progressé de 12,47 %, passant de 761,0 milliards en 2020 à 855,9 milliards en 2021. Comparez : la richesse produite a augmenté de 7,2 %, la part de la richesse produite qui a été accaparée par les impôts et taxes, même après la déduction des subventions, a augmenté de 12,7 %, cela fait plus de 70% supérieurs à l’augmentation du PIB ! Contrairement à ce qui est déclaré par le pouvoir, ce n’est plus une rationalisation, cela ressemble plus à une spoliation et l’on peut comprendre les cris des gens du peuple qui disent "qu’ils travaillent pour le pouvoir en place".


En conclusion, les taux de croissance du PIB que brandissent le pouvoir et ces zélateurs pour parler du développement du pays, de même que les routes et autres ne constituent que des mirages. Les bonnes notes des agences de notation dénotent la bonne entente entre complices du capital financier. Le pouvoir de Talon avait parlé de la transformation structurelle de l’économie. La réalité montre que cette transformation structurelle de l’économie promise par le PAG n’est même pas amorcée. Et l’autre réalité et qui dément toutes les proclamations du pouvoir, c’est que le peuple est saigné par des impôts et taxes.


Ali

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