Editorial : Tous contre les lois anti-démocratiques portant Charte des partis politiques et code électoral au Bénin

 

Le caractère anti-démocratique et anticonstitutionnel de la nouvelle Charte des Partis et du nouveau code électoral est patent. Dès lors, la seule exigence pour les démocrates est de les combattre, de lutter pour leur abrogation. C’est ce qui ressort des prises de position et appels du Premier Secrétaire du Parti Communiste, Philippe NOUDJENOUME et de nombreux démocrates tant à l’intérieur du pays que dans la diaspora.
Pour tenter de contrer ces appels, des éléments du pouvoir dictatorial insinuent que tout démocrate devrait s’incliner devant la loi. Certains journalistes et d’autres combattants mordent à cet hameçon. Or, il n’y a rien de plus faux. Tout acte légal, toute loi n’est pas démocratique. La légalité ne signifie pas démocratie. Le fascisme hitlérien, la ségrégation raciale aux Etats-Unis, l’apartheid en Afrique du Sud, la loi fondamentale au Bénin sous Kérékou 1, étaient tous des régimes légaux sur la base de lois votées par des Parlements. Ils ont été combattus avec raison, ont été vaincus avec et par les luttes et les combattants de proue de ces luttes sont respectés et admirés pour leur apport.
Il ne faut donc pas confondre le légalisme et le démocratisme. Les légalistes s’aplatissent devant la loi et abandonnent la lutte contre les régimes arbitraires. Le démocratisme exige la poursuite des combats contre les lois iniques, même dans les conditions difficiles. Les démocrates continuent le combat justement contre la légalité anti-démocratique et appellent le peuple à cet effet. Telles sont les leçons qu’ont données et laissées, à la suite de tous les révolutionnaires, Martin Luther King aux Etats-Unis, Nelson Mandela et l’ANC en Afrique du Sud, Pascal Fantodji et le PCD (aujourd’hui PCB) au Bénin. C’est ce à quoi appelle la situation actuelle et que rappelle Philippe Noudjènoumè à tous les démocrates et au peuple au cours du point de presse du 14 août 2018 et de son interview sur la radio Soleil Fm du 19 août 2018 en les termes ci-après : « Organisez-vous pour faire face au pouvoir tyrannique de Patrice Talon en vue de libérer le pays ».
La Rédaction


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PEUPLE BENINOIS LEVE-TOI CONTRE LA SUPPRESSION DU DROIT D’ASSOCIATION POLITIQUE AU BENIN :
La Loi portant Charte des Partis politiques et le Code électoral

Philippe Noudjènoumè a donné le 14 août 2018 un point de presse au sujet des lois portant Charte des partis politiques et du code électoral au Bénin. Il donne les éléments essentiels de chacune de ces lois avant d’en donner la signification et les tâches pour les démocrates et le peuple. Il montre surtout que « La lecture croisée des dispositions et de la Charte des partis politiques et du code électoral révèle une parfaite cohérence dont l’essentiel est la négation du droit d’association politique et du droit de représentation aux classes et couches populaires de ce pays ». Note de la Rédaction.

« A- Le Code électoral
Ainsi sont fixées les cautions :
1°- 250 millions CFA (382 000 Euros) ; 200 millions CFA (305 000 Euros) pour chaque liste de candidature aux législatives. On croit rêver dans un pays où le citoyen dispose d’à peine 1 dollar $ (500 CFA) par jour pour vivre ; où le SMIG est officiellement fixé à 40.000 CFA soit 80 dollars $!
2°-Pour être déclaré élu député, il faut que ta liste ait obtenu 15% au moins de sièges de députés au suffrage national exprimé. Tu peux être élu dans ta circonscription électorale et battu ailleurs. Le suffrage est ainsi définitivement arraché à l’électeur de circonscription électorale.
3°-Tout ancien Président de la République qui se présente aux élections législatives perd son statut d’ancien chef d’Etat !!??
B- La Loi portant Charte des Partis politiques
Des éléments essentiels que voici :
1° « Le nombre des membres fondateurs d’un parti politique ne doit pas être inférieur à quinze par commune » (article 15) Autrement dit, il faut pour les 77 communes, un nombre de fondateurs égal à 1155 membres.
2°- Pour les 1155 membres fondateurs, il faut aux termes de l’article 17 « les noms, prénoms dates et lieux de naissance, adresses, professions ;…les actes de naissances ou les jugements supplétifs … les extraits de casiers judiciaires, datant de moins de trois mois…, les certificats de nationalité… les attestations de résidence … ». Pour chaque membre fondateur on est pour toutes ces pièces requises, à une moyenne de dépense de 10.000 francs CFA environ. Un petit calcul donne pour les 1155 membres fondateurs, la somme de 11.550.000 CFA.
3°- Le Parti politique à sa naissance aux termes de l’article 25, « doit disposer à titre gracieux ou onéreux et gérer – des locaux et matériels destinés à son administration et aux réunions de ses membres et abriter son siège- tous les biens nécessaires à ses activités ». Il doit en outre avoir « un siège fonctionnel dans chacun des départements » (article 29)
4°- Et pour bénéficier d’un financement public, il faut obtenir «un nombre de députés correspondant à un cinquième (1/5) du nombre de députés composant l’assemblée nationale et provenant d’un nombre de circonscriptions électorales équivalent au minimum au ¼ du nombre total des circonscriptions » (Article 39) c’est-à-dire 17 députés au moins dans le cas actuel, provenant au moins de 6 circonscriptions électorales.
5°- Tout cela devra se faire par un parti car il n’existe aucune disposition concernant l’existence de groupe ou alliance de partis politiques dans la charte.
6°- Et comme il est disposé en l’article 58, tous les partis existant doivent se conformer à la présente Charte dans « un délai de six mois » à compter de la promulgation de la dite charte. Sinon ils disparaissent.
La lecture croisée des dispositions et de la Charte des partis politiques et du code électoral révèle une parfaite cohérence dont l’essentiel est la négation du droit d’association politique et du droit de représentation aux couches populaires de ce pays composé, selon les statistiques officielles, de 65% au moins de pauvres. »
LA LOI PORTANT CHARTE DES PARTIS POLITIQUES ET LE CODE ELECTORAL EN ADOPTION SONT ANTI-CONSTITUTIONNELLES ET SONNENT LE GLAS DE LA DEMOCRATIE AU BENIN
Il est entendu que si la Constitution porte les principes généraux - démocratiques pour ce qui nous concerne-, les lois électorales et la charte des partis représentent les canaux de mise en œuvre de cette Constitution, les voies par lesquelles les citoyens vivent et exercent leur souveraineté à travers l’exercice de leur suffrage. C’est dire qu’une Constitution ne peut exister sans ces deux instruments que sont les lois électorales et la loi organique que constitue la Charte des partis politiques. Ce qui souligne d’autant leur importance. Dans ce sens, ces lois ne sauraient aller en contradiction avec la Constitution sans signer la mort de celle-ci. C’est malheureusement le cas ici.
A propos de la première mouture de la proposition de la charte des partis politiques, dans une adresse aux députés en date de 30 janvier 2018, je soulignais ces faits importants en termes de principes démocratiques :
« On ne saurait être démocrate sérieux si l’on ne respecte pas les principes suivants dans l’élaboration de loi régissant le système partisan :
1°Dissocier l’existence d’un parti de son ancrage ou assise territoriale.
Un parti c’est un groupe d’hommes (qu’importe le nombre au départ) se donnant un programme politique- avec ou sans philosophie ou idéologie affirmée pour la conquête ou l‘exercice de pouvoir et une direction politique.
2°- Dissocier l’existence du parti du financement public.
Un parti peut exister sans recevoir de financement public. Il faut remplir des critères pour recevoir un financement public
3°-Les critères de financement public ne peuvent qu’être au nombre de deux :
- l’animation de la vie publique (journaux, papiers divers se prononçant sur les événements politiques, meetings etc.) pour l’information et l’éducation du peuple. Représenter une force de proposition de gouvernance.
- La représentativité dans les élections nationales et locales.
On ne saurait privilégier l’un des critères sur l’autre. »
Tout cela a été ignoré sinon piétiné par nos députés rupturiens en mission pour l’autocratie.
Et la Charte des partis politiques et le Code électoral en adoption sont en contradiction flagrante avec l’esprit et la lettre de notre Constitution pour les raisons suivantes :
1°-Le préambule de notre Constitution qui est le chapeau Constitutionnel et dont la valeur constitutionnelle ne fait plus l’objet d’aucun doute, dit expressément « Affirmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis… »
2°- Au sens de démocratie pluraliste, on ne peut entendre que le multipartisme intégral au plan des partis politiques si l’on est en démocratie et sans verser dans le despotisme obscur. Voilà pourquoi l’article 5 de notre Constitution très explicite en la matière dispose : « Ils (les partis politiques) exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la Charte des Partis politiques ». J’ajoute sans limitation d’aucune sorte liée à l’argent, au sexe, à l’origine sociale etc.
Ces deux lois sont donc anticonstitutionnelles, n’en déplaise à Joseph Djogbénou, le commis de Talon placé à la Cour Constitutionnelle pour exécuter les volontés de son maître.
Dans mon article intitulé « Encore à propos du système partisan au Benin » du 25 Avril 2016, j’écrivais ceci « la liberté de constitution des partis est un principe fondamental de la démocratie libérale moderne.
Toutes les Constitutions des pays se réclamant de démocratie libérale dans le monde, et aujourd’hui c’est l’écrasante majorité, consacrent le principe de la liberté de création des partis politiques. Ainsi la Constitution française du 4 Octobre 1958 dispose en son article 4 « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
La Constitution espagnole du 29 décembre 1978 en son article 6 dispose « Les partis politiques expriment le pluralisme politique, concourent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental de la participation politique. Leur création et l’exercice de leur activité sont libres dans le respect de la Constitution et de la loi. Leur structure interne et leur fonctionnement devront être démocratiques ».
La Constitution de la République italienne du 27 Octobre 1947 dispose en son article 49 « Tous les citoyens ont le droit de s’associer librement en partis pour concourir, par des moyens démocratiques, à la détermination de la politique nationale ».
La Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne du 23 Mai 1949 dispose en son article 21
I- « 1°-Les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple. 2° Leur fondation est libre. 3°-Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. 4°- Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance et de l’emploi de leurs ressources ainsi que de leur patrimoine…
En Afrique francophone, l’ensemble des Constitutions consacrent la liberté de fondation de partis politiques.
Il en est de même de l’Afrique anglophone. La Constitution de la République fédérale du Nigeria amendée du 7 Mars 2011 dit en son article 40 : «Toute personne jouit du droit de se réunir et de s’associer librement avec d’autres personnes, en particulier de fonder ou d’appartenir à n’importe quel parti, syndicat ou toute autre association pour la défense de ses intérêts. Sous réserve du respect des dispositions de la présente Constitution concernant les attributions de la Commission Electorale Nationale Indépendante à propos des partis politiques» (Traduction de l’anglais faite par moi-même Philippe Noudjènoumè)
Comme cela se voit, le principe de la liberté de création de partis politiques, le principe du multipartisme intégral est universel en démocratie moderne libérale. …
Selon les données très récentes «La France comptait en 2013, 408 partis politiques. On constate qu’il n’existe pas moins de 408 partis recensés par la commission, soit 15 fois plus qu’en 1990.»
Parmi la kyrielle de partis, on trouve quelques noms étonnants, comme le «mouvement clérocratique», enregistré dans la Drome, dont l’objet est «la promotion et la mise en place de l’idée clérocratique en tant que mouvement politique ayant pour but de remplacer le système démocratique actuel»… Ou encore le «Comité central bonapartiste», en Corse. D’autres ont un objectif plus clair, comme «l’Association de soutien à l’action d’Eric Woerth» ou «l’Association des amis d’Eric Ciotti» ou «les Amis de NKM» (Cf. François Vignal, 6/01/2015 in www.publicsenat.fr ) »
Au demeurant, la loi portant Charte des partis politiques et le code électoral en adoption sont contraires à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, partie intégrante de notre Constitution en ses deux dispositions que sont l’Article 2 et l’Article 11. Article 2 : « Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Et l’article 11 qui dit « Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec d’autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi » ; cette dernière liberté ne pouvant être entravée par la fortune ou le manque de fortune.
Les anti-démocrates béninois, depuis des années, se sont acharnés contre la liberté d’association politique au Bénin et plus particulièrement contre le multipartisme intégral, source selon eux, de tous les maux du Bénin. Abraham Zinzindohoué en est le prototype.
Avec la prise de ces deux textes, l’on peut dire que ces personnes par la rencontre avec un autocrate du nom de Patrice Talon au pouvoir, viennent de remporter une grande victoire contre la démocratie, contre la Constitution béninoise que le peuple s’est donnée.
Peuple béninois te voilà face à ton Destin !
Devant nous et sous nos yeux ébahis, le pouvoir de Patrice Talon a fait brouiller les radios, interdire des télévisions, interdire le journal "La Nouvelle Tribune" et a mis en berne et en coupe réglée tous les media publics comme privés devenus des organes de propagande pour l’Empereur César-Talon dans l’Etat-AIC-PVI-Bénin Control. Sous nos yeux et à notre « barbe », il a mis sous embargo et sous surveillance, la droit et la liberté syndicale avec l’interdiction du droit de grève à des catégories de fonctionnaires ciblés. Sous nos yeux, il a mis sous les fers, avec le nouveau code pénal, la liberté de réunion et de manifestation. Tout ceci en violation flagrante de notre Constitution. Avec le vote de la loi sur les partis politiques, et l’initialisation en cours de celle portant code électoral, le Rubicond vient d’être franchi par le pouvoir autocratique de Patrice Talon; la dernière liberté, celle d’association politique vient d’être liquidée. Le peuple vient de perdre toute sa souveraineté, son droit de suffrage. Sans combattre et vaincre ces lois, toute élection dans ce cadre devient une supercherie. Notre Constitution est réduite en lambeaux et le pays plombé dans un régime autocratique que seul le nom de tyrannie convient de désigner. Oui, désormais avec cette situation qu’un seul individu tient en laisse et en otage toute une classe politique (avec en laisse les dinosaures comme Amoussou Bruno et autres Houngbédji), nous sommes en plein dans la tyrannie. Un voile noir recouvre notre chère patrie. C’est inacceptable.
Tous les démocrates, tous les patriotes, jeunes, femmes, personnes plus âgées sont interpellés. C’est un grand défi qui est lancé : faire échec à ces lois fascistes.
Le pouvoir de la Rupture compte beaucoup sur la faiblesse relative provisoire du peuple pour avancer tête baissée dans la tyrannie. Mais il se trompe et son pouvoir est très fragile. Et rien ne peut le sauver, car la colère des petites gens des villes et des campagnes, que la faim tenaille à chaque instant et victimes de graves vexations du pouvoir de la rupture, les attaques contre la liberté d’entreprendre des producteurs non membres du clan au pouvoir, les multiples frustrations et vexations imposées tous les jours au peuple constituent autant de matériaux inflammables qui ne manqueront bientôt de brûler sous les pas du pouvoir tyrannique.
Voilà pourquoi je lance un appel solennel aux travailleurs, jeunes, femmes désormais exclus du système électoral de Patrice Talon en ces termes « Organisez-vous pour faire face au pouvoir tyrannique de Patrice Talon en vue de libérer le pays ».
Levez-vous pour sauver la patrie ! Enfants du Bénin debout ! Que nos illustres ancêtres et héros tels Béhanzin, Bio Guera, Kaba, Kpoyizoun, Otoutou Bi Odjo etc. bénissent cette terre nôtre. La victoire est à nous.
Cotonou, le 14 Août 2018
Par Philippe NOUDJENOUME
Premier Secrétaire du PCB, Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche.

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