LA CONSTITUTION BENINOISE DU 11 DECEMBRE 1990 EST MORTE.
LE PEUPLE EN LUTTE ELABORERA UNE AUTRE CONSTITUTION GARANTISSANT LA DEMOCRATIE, LE PATRIOTISME ET LA PROBITE

Ça y est ! Ite missa est (La messe est terminée). Et ceci à pas de charge. La révision de la Constitution a été votée le 31 Octobre 2019. La Cour Constitutionnelle l’a déclaré conforme à la Constitution le 06 Novembre. Le Président l’a promulgué le 07 Novembre 2019. Dans une ambiance dolosive où l’on veut faire avaler une couleuvre à tout prix, à coup de mensonges et duperie du peuple. Ainsi on a entendu des déclarations du genre « Ce ne sont que 4 articles qui sont concernés : le 26 (pour la représentation des femmes), le 42 (pour les deux mandats non renouvelables du Président de la République) le 50 et le 80 (pour la durée de la législature portée de 4 à 5 ans).
A l’arrivée, 47 articles sur les 160 (en fait 156- en faisant abstraction des dispositions transitoires du Titre XII) que porte notre Constitution, ont été modifiés soit pratiquement le 1/3. Des modifications reconnues par plusieurs participants au fameux « Dialogue » comme non discutées (la question de la création du poste de Vice-Président ou celle du parrainage etc.) se sont retrouvés en bonne place dans la Révision.
En fait et en réalité, la Constitution béninoise adoptée en 1990 est bel et bien morte.

Nous avons affaire à une Nouvelle Constitution et ce ne sont pas des dispositions factuelles qui en changeront quelque chose.
I- QUELS SONT LES PREREQUIS D’UNE CONSTITUTION DEMOCRATIQUE ?
1°-Observation de Principe démocratique.
Dans le cadre du système de Démocratie représentative dans lequel se situe notre Constitution, il y a trois pouvoirs nettement séparés : le Pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Il faut par un mécanisme de « checks and balances », un équilibre, entre ces pouvoirs de sorte que selon la célèbre formule de Locke, souvent citée « Le pouvoir arrête le pouvoir ». L’objectif visé, c’est de ne pas laisser le pouvoir entier aux mains d’un seul organe, de sorte qu’il y ait une surveillance réciproque entre eux et que les uns soient les freins et contrepoids au débordement des autres. L’Institution ou le pouvoir contre lequel s’exerce une suspicion légitime, parce que détentrice de l’usage de la force légitime, et donc à même d’attenter aux libertés individuelles et collectives des citoyens, c’est le pouvoir exécutif, donc le Gouvernement ; c’est contre sa dérive éventuelle que l’on lève les balises. Dès lors que nous avons l’affaiblissement des organes de contre-pouvoir (législatif, judiciaire) et renforcement de l’exécutif, nous avons affaire à un pouvoir non démocratique. Il ne suffit pas d’énoncer des libertés ; il faut établir des institutions fortes, des pouvoirs, à même de protéger ces libertés et de rendre leur jouissance effective.
C’est ce que toutes les Constitutions du monde ont tenté de faire. C’est ce que la Constitution du 11 décembre 1990 a cherché à établir.
2°- L’Esprit et la Lettre de la Constitution du 11 décembre 1990.
Une Constitution comme tout texte juridique (loi, règlement) a toujours un objectif, une mission. Cette mission se traduit à travers ce que nous appelons « Esprit » et la « Lettre » qui en est l’expression. L’Esprit d’une Constitution, c’est les événements politiques, les motivations politiques, les objectifs qui ont conduit à cette Constitution et dont elle se veut la réponse. La « lettre », c’est la traduction de cet Esprit dans le texte formel formulé sous forme d’articles.
Quel est « L’Esprit de la Constitution du 11 décembre 1990 » ? Pour trouver « L’esprit » de notre Constitution, il faut se référer aux événements qui ont prévalu à la vie politique de ce pays de 1972 à 1989. Cette période comme on sait, est marquée par un régime de dictature militaire pseudo-marxiste, où la vie politique du pays est régentée par un Parti Unique, le PRPB qui monopolise toute la vie politique et social avec un monolithisme syndical (UNSTB), une Jeunesse unique (OJRB), une Organisation unique de femmes (OFRB) etc. Ce pouvoir a mis dans les fers, toutes les libertés démocratiques générales, syndicales, etc. et le moindre tract trouvé sur vous, vous conduit à la prison et même à la mort comme ce fut le cas de Luc Togbadja. Les lugubres prisons désormais célèbres de Ségbana, et autres lieux de détention comme les prisons de Cotonou, Porto-Novo, d’Abomey, le camp Bio Guèra de Parakou, le PCO du Camp Ghézo, les lieux de tortures comme le Petit Palais où s’entassaient des centaines de détenus d’opinions, de détenus politiques, ont marqué de façon indélébile les mémoires. Sans oublier les milliers de citoyens béninois contraints à l’exil. Les luttes multiformes du peuple contre cette autocratie notamment en 1989, ont conduit à la tenue d’une Assise, la conférence nationale, sorte de messe cathartique de conjuration totale d’un tel régime et d’affirmation d’un régime de libertés et de démocratie. La Constitution du 11 décembre 1990, est l’expression de cette Volonté de consacrer les libertés acquises au prix du sang et de les protéger contre toute dérive autocratique. Même l’importation de déchets toxiques en février 1988 par le pouvoir de Kérékou et qui a soulevé une réprobation générale, a donné lieu à trois articles (27, 28, 29) consacrés à la protection de l’environnement dans notre Constitution.
Le Préambule, expression concentrée de l’Esprit de la Constitution dit expressément « Affirmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle ».
Tel est « l’Esprit » de la Constitution du 11 décembre 1990. Les dispositifs constitutionnels pour assurer cet Esprit (sauvegarder les libertés individuelles et collectives) se traduisent par les éléments suivants : Outre le Préambule 1°- Enoncer ces libertés dans leur entièreté. La Constitution y a consacré une grande part. Le nombre abondant d’articles (31), réservés aux droits et libertés dans la Constitution en est l’illustration. 2°- Mettre en place des contre-pouvoirs solides à l’Exécutif, comme institutions de protection de ces libertés individuelles et collectives.
Ce qui ressort de l’essentiel des dispositions nouvelles de la Constitution révisée peut se résumer en les deux éléments qui sont : 1°- Affaiblissement de toutes les institutions constitutionnelles de contre-pouvoir que sont l’Assemblée nationale, la Cour Constitutionnelle et la Cour suprême ; 2°- Renforcement et concentration de tous les pouvoirs dans les mains du Président de la République.

II-AFFAIBLISSEMENT DES AUTRES ORGANES DE CONTRE POUVOIR DANS LES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION REVISEE
1°- Commençons par l’Assemblée nationale.
Cet affaiblissement se situe à deux niveaux : le premier c’est la vassalisation de toute l’institution parlementaire, ce qui fait que derrière l’Ecran qu’est l’Assemblée se perçoit nettement une seule personne et une seule Volonté, celle du Président de la république.
Le deuxième niveau est la réduction et/ou la suppression des attributions parlementaires au profit de l’Exécutif.
Que l’Assemblée issue de la mascarade électorale du 28 Avril 2019 soit une Assemblée croupion, une Assemblée de sang, une Assemblée inexistante parce que rejetée par plus de 90% de la population, et donc incarnation de la seule Volonté du président Talon, cela est admis de tous. L’une des illustrations la plus patente n’est-elle pas que l’on n’a jamais eu jusque-là d’interpellation parlementaire sur la question de la fermeture de la frontière avec notre Grand voisin le Nigeria ? Cela s’appelle vassalisation de l’Organe parlementaire devenu caisse de résonance de l’Exécutif.
Mais ce que les nouvelles dispositions apportent de nouveau, c’est qu’elles réduisent et suppriment des attributions constitutionnelles à l’Assemblée et qui sont accaparées par le Chef de l’Etat.
L’article 54 nouveau dispose ceci : « Une loi organique fixe les principes d’organisation, de fonctionnement et de contrôle de l’administration publique.
Nonobstant les dispositions de l’article 97 de la Constitution, la proposition, les amendements à une proposition ou à un projet de loi organique sur l’administration ne sont soumis à la délibération et ou au vote de l’assemblée nationale qu’après avis conforme du Président de la république »
Une telle disposition érige l’Administration Publique (la Fonction publique) traditionnellement partie intégrante de l’Exécutif en institution Constitutionnelle autonome dont le vote est soumis à une Loi organique. Ensuite, cette loi organique ne peut être soumise « à la délibération et ou au vote de l’assemblée nationale qu’après avis conforme du Président de la république». Autrement dit, la décision d’adoption d’une Loi en matière de l’administration publique (ce qui est des attributions du parlement, représentant le peuple) revient désormais et exclusivement au Chef de l’Etat et est donc en fait retirée à l’Assemblée nationale.
Mais c’est dans le domaine des engagements financiers de l’Etat que la question est la plus grave. L’article 145 dispose en effet : « Toutefois les conventions de financements soumises à ratification sont ratifiées par le Président de la République qui en rend compte à l’Assemblée nationale dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours ». Cette disposition se trouvait déjà dans le projet de révision constitutionnelle rejetée en Avril 2017. Il s’agit simplement d’arracher aux « représentants » ou supposés tels du peuple, le droit d’engager le pays du point de vue financier. Ainsi le gouvernement engage des dettes à la charge du pays, sans un regard de ses représentants quitte à lui en rendre compte dans un délai de 3 mois. A supposer que les «représentants » du peuple ne donnent pas quitus à cette ratification de dette déjà engagée à la charge de l’Etat, que ferait-on, sans compromettre gravement la crédibilité du pays au plan international ?
2°- La Cour Constitutionnelle.
Dans les dispositifs institutionnels de notre pays, la Cour Constitutionnelle est la clé de voûte de l’édifice constitutionnel. C’est selon les constituants, le plus puissant contre-pouvoir de l’Exécutif et du Législatif.
A l’image de l’Assemblée nationale, comme on le sait, la Cour constitutionnelle est vassalisée et derrière les « 7 Sages » on ne voit réellement que l’image du Président Talon et sa Volonté unique. L’on voit depuis l’installation de cette Cour en Juin 2018, toutes les prouesses qu’elle réalise au service du maître.
Outre cela, la Cour Constitutionnelle perd aussi des attributions dans cette révision constitutionnelle. Cela notamment à l’article 117
L’article 117 dans sa formulation ancienne dit « La cour constitutionnelle statue obligatoirement sur - la constitutionnalité des lois organiques et des lois en général avant leur promulgation ». L’article 117 révisé donne ceci « La cour constitutionnelle statue obligatoirement sur - la constitutionnalité des lois organique avant leur promulgation ». Il n’est plus question de statuer obligatoirement sur les lois en général avant leur promulgation.
Etant devenue la voix de son Maître, il y a longtemps que la Cour Constitutionnelle a perdu son rôle de contre-pouvoir de l’Exécutif.
3°- La Cour Suprême.
La Cour suprême perd la Chambre des Comptes devenue Cour des Comptes. Mais cela n’est pas le problème.
L’article 132 ancien dit « La Cour suprême est consultée par le Gouvernement plus généralement sur toutes les matières administratives et juridictionnelles. –
Elle peut, à la demande du Chef de l’Etat, être chargée de la rédaction et de la modification de tous les textes législatifs et réglementaires préalablement à leur examen par l’Assemblée nationale ».
L’article 132 nouveau dit : « La Cour suprême peut être consultée par le Gouvernement plus généralement sur toutes les matières administratives et juridictionnelles »
Il y a là deux modifications non négligeables. La première c’est que l’article 132 ancien fait obligation au Gouvernement de consulter (est consultée) la Cour suprême en matières administratives et juridictionnelles ; la deuxième, donne une attribution même à titre facultatif de « rédactrice » des textes « législatifs et réglementaires préalablement à leur examen par l’Assemblée nationale »
L’article 132 nouveau fait de cette consultation de la Cour suprême par le Gouvernement seulement une « faculté », c’est –à-dire laissée au bon vouloir du Gouvernement ; enfin le deuxième alinéa sur la « rédaction » des textes est purement et simplement supprimé.
III –RENFORCEMENT ET CONCENTRATION DES POUVOIRS AUX MAINS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.
Bon nombre de modifications apportées aux dispositions constitutionnelles expriment un accaparement de toutes les attributions dans les mains de l’Exécutif et en particulier du Chef de l’Etat. En effet toutes les dispositions suscitées rentrant dans le cadre de la vassalisation et de l’affaiblissement des autres institutions traditionnelles de contre-pouvoirs sont autant d’attributions de renforcement du pouvoir du Chef de l’Etat. Il en est ainsi des articles 54 nouveau (Loi organique sur l’administration ou fonction publique) et de l’article 145 (endettement du Bénin) où des attributions arrachées aux « représentants » du peuple sont accaparées par le Président de la République
Les nouvelles Institutions créées, telles la Cour des Comptes, le Poste de vice-Président ou les structures de défense et de sécurité sont toutes sous tutelle et participent de l’hypercentralisation des pouvoirs aux mains du Président de la République
On a ainsi
1°- Le Poste de Vice-Président.
Sa création ne s’explique que par une chose, la nécessité de remplacement du Chef de l’Etat en cas d’impossibilité par lui d’exercer sa charge (incapacité physique, démission ou décès). Il est un arroseur de chrysanthèmes, c’est-à-dire une personne « en attente ». Pour ne pas faire ombrage éventuellement au Chef de l’Etat, il n’a aucune attribution autre que celle folklorique de poseur de médailles (Grand Chancelier de l’Ordre national). Au contraire du Vice-Président des Etats-Unis qui tout au moins est le Président du Sénat. Il peut être démis de ses fonctions sur décision du Chef de l’Etat par saisine de l’assemblée nationale !! (Articles 41,42 43,44, 45…54 etc.)
2°-La Cour des comptes
Une institution nécessitée par recommandation communautaire de l’UEMOA, la Chambres des Comptes devenue autonome sous le nom de Cour des Comptes n’a en fait d’autonomie que de nom. 4est le Président de la République qui nomme le président et les membres de la Cour des Comptes (56), le Président des Chambres et les conseillers sont tous nommés par le Chef de l’Etat.
3°- Les structures de défense et de sécurité, et de renseignements.
Les nouvelles dispositions constitutionnelles créent deux services de haute importance : le Conseil national de défense et de sécurité et le Conseil national de renseignements (article 62) placés directement sous sa présidence (articles 62-1 et 62-2)
Ces deux structures figuraient déjà dans le projet de révision rejeté en avril 2017 et juin 2018.
Mais pourquoi le Président Talon tient-il tant à ces deux structures au point de les ériger en structures constitutionnelles ? Ne peuvent-elles pas être créées par simple disposition législative ou même réglementaire ? Cela ne s’explique que par la volonté de centralisation de la sécurité et surtout des renseignements aux mains du Président de la République ; ce qui constitue une méfiance organisée à l’égard des structures actuelles de sécurité et de renseignements.
Au final, les nouvelles réformes constitutionnelles, tout en maintenant les droits et libertés proclamées, déjà vidés de leur contenu par des lois scélérates, les enterrent en affaiblissant totalement les institutions en charge de leur protection (l’assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, la Cour suprême). De quelle liberté un citoyen peut-il se prévaloir lorsqu’en cas de violation de cette liberté, il ne dispose d’aucune institution pour le secourir pour obtenir gain de cause ? On est en plein dans un régime de dictature autocratique. La Constitution du 11 décembre 1990, celles des libertés individuelles et collectives, consécration des luttes héroïques du peuple notamment en 1989 est bien morte.
IV- LES INNOVATIONS INDISPENSABLES A LA CONSTITTION POUR LA METTRE A LA HAUTEUR DES EXIGENCES DEMOCRATIQUES ET PATRIOTIQUES ACTUELLES.
La nouvelle Constitution, comme je viens de le démontrer, est complètement étrangère au corps social béninois, étrangère au peuple, adoptée par des soi-disant députés rejetés, en réalité, par plus de 90% de la population, (chiffres officiels reconnus à plus de 70 %) ; c’est une Constitution d’une infime minorité pour ne pas dire, expression de la Volonté Unique d’un Homme, le Chef de l’Etat, Patrice Talon. Y-a-t-il meilleure démonstration de cette réalité que la scène qui s’est passée en fin de semaine dernière à l’adoption et à la promulgation du Code électoral ? Un texte d’une densité d’au moins 207 articles, adopté par les députés dans la nuit du 13 au 14 novembre matin à 8 heures et promulguée par le Chef de l’Etat 24 heures après, le 15 Novembre 2019 ; ce qui suppose que la loi adoptée à 8 heures du matin a été transmise par le Président de l’Assemblée nationale au Président de la République, qui lui-même a saisi la Cour Constitutionnelle pour vérification de conformité ; cette Cour a pu se réunir pour étudier ce document et le déclare conforme à la Constitution en quelques heures le 14 novembre ; le transmet au Chef de l’Etat qui le promulgue le 15 Novembre !!! La banalisation des Institutions Constitutionnelles réduites à un seul homme !
Cette Constitution mise comme un corset de fer au cou de notre peuple ne tiendra pas longtemps et est d’avance vouée à l’échec. Le peuple tous les jours met en œuvre une nouvelle forme de gouvernance, une Constitution nouvelle qui finira par déchirer tous les obstacles. Car, ses combats actuels mettent en avant de façon claire er sans équivoque les exigences ci-après :
- Le rejet de la gouvernance de dictature autocratique et par conséquent la démocratie et les libertés politiques complètes ;
- La transparence et la probité dans la gestion du bien public ;
- Le contrôle citoyen de la gouvernance ;
- Le patriotisme dans les choix économiques, culturels et sociaux ;
- La représentation des couches populaires dans toutes les sphères de décision ;
- La fin de l’impunité des crimes politiques et économiques.
La Constitution du 11 décembre 1990 est détruite. Que faire ? La défendre. En la ressuscitant telle qu’elle est aujourd’hui ? Certainement non.
Certes, nous défendons la Constitution du 11 décembre 1990 en tant qu’expression des acquis démocratiques et populaires des années 1989-90 consacrés à travers l’Assise appelée Conférence nationale. Cette Constitution a donné du point de vue démocratique général, beaucoup de choses de positif qu’il est inacceptable de détruire. Mais l’objectif actuel du mouvement social et populaire observé depuis les 30 ans impose non de maintenir la Constitution du 11 décembre en l’état ; ce qui serait dialectiquement un recul au regard de l’évolution des choses, mais, tout en conservant ces acquis, de corriger les insuffisances en intégrant ce qui y faisait défaut et qui a permis l’arrivée au pouvoir d’une gouvernance comme celle autocratique de la Rupture.
Ces insuffisances sont de deux ordres : insuffisances quant à la démocratie et insuffisances quant au patriotisme
1°- Les insuffisances quant à la démocratie.
C’est ce que l’on nomme souveraineté du peuple à l’interne. Le premier grand défaut de la Constitution du 11 décembre 1990 est d’avoir, tout en affirmant la souveraineté du peuple, de maintenir ce peuple éloigné des grandes décisions le concernant. La seule souveraineté dont jouit notre peuple, c’est le droit à échéance fixe (4 ou 5 ans) d’aller choisir les dirigeants qui vont gérer son destin en pillant ses ressources. Le plus grand défaut de la Constitution de 1990, c’est d’avoir empêché la transparence, la gestion à livre ouvert et la nécessité de compte rendu au peuple ; autrement dit d’avoir empêché le contrôle citoyen sur les gestionnaires du bien public et les élus à tous les niveaux. La conséquence est le déploiement de la corruption à un niveau inégalé et le règne de l’argent comme moyen essentiel d’exercice du pouvoir au Bénin.
Le deuxième grand défaut est la non représentativité des corps sociaux dans les institutions parlementaires. Par exemple, la question de la représentativité des femmes qui est posée, en soi, n’est pas contestable ; mais plus que la discrimination positive pour les femmes, n’est-il pas lieu et indispensable d’institutionnaliser la représentation des producteurs de nos richesses, je veux dire les corps socio-professionnels, tels les travailleurs, les jeunes, les artisans, les paysans ? Le cas de nos dignitaires est à souligner. Vaincus par la force des armes des colonialistes français de 1894 – 1918 et dépouillés de tous leurs pouvoirs et attributions ainsi que de leurs coutumes, croyances religieuses, ces Rois et dignitaires méritent plus qu’une simple « reconnaissance » en tant que « gardiens des us et coutumes » tels dit à l’article 153-3 de la Constitution autocratique. Ils méritent réhabilitation. Pour la renaissance de ce pays, il faut à nos Dignitaires être représentés au parlement en tant que faiseurs de lois pour le pays ; il faut outre l’Assemblée nationale, une Chambre des Nationalités et Dignitaires, chargée de contrôler la conformité de nos lois avec les coutumes positives de nos terroirs.
2°- Les Insuffisances quant au patriotisme.
C’est sur ce plan que la Constitution du 11 décembre contient les plus graves défauts :
a)- La langue officielle du pays est une langue étrangère le français ; ce qui ne se voit qu’en Afrique au sud du Sahara. Ce qui implique la suppression du français comme langue officielle et reconnaître toute langue parlée au Bénin comme langues officielles.
Une conséquence de ce fait est qu’aucun programme d’Etat d’envergure pour enrayer l’analphabétisme (qui frappe plus de 60 % des producteurs) par l’instruction des adultes analphabètes à travers leurs langues nationales déjà bien maitrisées par ces derniers.
b)- La double nationalité est acceptée dans la Constitution de 1990, pour les candidats aux fonctions de Chef d’Etat du Bénin. Ce qui constitue une base potentielle d’agression coloniale contre notre patrie.
c)- La disposition constitutionnelle de l’article 66 de notre Constitution, autorisant l’intervention militaire étrangère dans notre pays. Au regard des dégâts qu’occasionnent des interventions militaires étrangères notamment françaises dans la sous-région, on voit le caractère extrêmement dangereux et anti-patriotique d’une telle disposition constitutionnelle qui doit être supprimée de notre Constitution. La suppression de cette disposition entraine la constitutionnalisation de l’interdiction d’appel aux troupes étrangères dans un conflit interne au Bénin et surtout l’interdiction de toute base militaire étrangère sur notre sol.
Au plan économique, là, c’est surtout que la Constitution de 1990 est la plus rétrograde. Nulle part, il n’est question du patriotisme économique. C’est-à-dire de la souveraineté sur nos ressources du sol et du sous-sol et l’interdiction de la cession des entreprises stratégiques aux mains de l’étranger. En fait la Constitution de 1990 est demeurée sur le terrain du pacte colonial.
Il est plus qu’urgent aujourd’hui de constitutionnaliser le patriotisme économique dont je rappelle quelques grands principes :
1°- La souveraineté de l’Etat sur toutes les ressources naturelles du sol et du sous-sol ainsi que des entreprises stratégiques comme propriétés inaliénables de l’Etat béninois.
2°- La liberté d’entreprise et de production
3°- Le contrôle total du Bénin sur la monnaie et ses réserves (collectivement avec les pays de l’UEMOA et de la CEDEAO) à l’exclusion de toute ingérence coloniale et l’immédiat décrochage (en acte et non en simple déclaration) du CFA du Trésor français.
4°- La protection des producteurs et opérateurs économiques béninois et la promotion de la production avec pour objectif à terme, consommer pour l’essentiel ce que nous produisons et produire ce que nous consommons tout en développant les échanges internationaux ;
5°- Rejet de la transformation des monopoles d’Etat en monopoles privés.
6°-Publication de tous les accords à caractère économique de l’Etat avec les pays étrangers
7°- La Suppression dans un délai rapide de l’analphabétisme, avec une réforme totale de l’instruction et institution obligatoire de l’instruction en langues nationales suivie d’une Alphabétisation de tout le peuple en langues nationales.
En conclusion, il faut ressusciter l’Esprit et la Lettre de la Constitution de 1990, expurgée des scories anti-patriotiques et renforcée par des aspirations patriotiques que le peuple béninois tient à affirmer et réaliser.
En avant pour vaincre la fatalité du présent et bâtir l’avenir !
Les nuages malfaisants ne seront plus longtemps maitres du ciel.
Vive le Bénin !

Cotonou, le 19 novembre 2019
Pour le Parti Communiste du Bénin
Le Premier Secrétaire
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