ADRESSE XVII
Aux travailleurs et au peuple en lutte !
A tous les Démocrates du Bénin et du Monde !

COMBATTRE PAR TOUS MOYENS LEGITIMES LA
COUR DE REPRESSION DES INFRACTIONS ECONOMIQUES ET DU TERRORISME
(C R I E T)

 

Par décision en date du 18 Octobre 2018, la « Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme »( CRIET) créée par la loi 2018-13 du 02 Juillet 2018 a condamné à 20 ans de prison ferme et 5 millions d’amende, AJAVON Sébastien ainsi que ses co-accusés. Un mandat d’Arrêt International a été émis contre le condamné, absent au prétoire mais représenté par ses conseils. Tel est le verdict de cette Cour présidée pour la circonstance par le juge Gangni Edouard. Ainsi en a requis le Procureur Spécial, Ulrich Togbonon ; ainsi en a décidé le Juge Gangni!
Tout comme au prononcé des verdicts de condamnation contre METONGNON Laurent et Co-accusés, contre KOROGONE, et peut-être encore plus, à cause de la situation sociale de l’homme d’affaires béninois, l’émotion a été grande au sein de la population béninoise. Des protestations fusent de partout. Et à bon droit. A commencer d’abord par les Avocats- conseils de Sébastien AJAVON récusés par le Juge GANGNI et interdits de parole à l’audience. « Non, inacceptable !… Ce n’est pas possible » entend-on ! Pour une affaire déjà jugée et revêtue d’autorité de chose jugée parce que non objet d‘appel ! Et on annonce déjà, et ceci à l’encontre des dispositions expresses de la loi elle-même qui l’a créée en son article 20, qu’une affaire qui a passé la phase d’instruction et jugée en première instance comme celle des condamnés de la CNSS (Laurent METONGNON et co-accusés) sera rappelée devant la fameuse Cour le 15 novembre prochain !
Le constat est sans appel « Plus de justice crédible dans notre pays, le Bénin ! » telle est la seule conclusion sérieuse.

Béninoises, Béninois ! Mes chers compatriotes !
Démocrates de par le monde !
Devant le haro populaire, les animateurs de cette Juridiction d’Exception - une minorité éhontée de quelques individus - au lieu de faire profil bas, se croient le moment propice d’aller avec bravache, menacer les victimes, au mépris de toutes les règles non écrites de la puissance populaire ! On nous renvoie aux législateurs pour se dédouaner des actes criminels ! Alors que la tradition béninoise a vu dans ce pays des Magistrats (commis à de telles besognes criminelles) à l’image d’un Jean Baptiste MONSI refuser de présider la « Cour Criminelle d’Exception » créée par le dictateur KEREKOU et commise aux missions semblables à celles de la fameuse CRIET dans les années 1988-89 !
Béninoises, Béninois, mes chers compatriotes !
Démocrates de par le monde !
Des thuriféraires de la Rupture à la manière d’un Jacques MIGAN (girouette au service des causes anti-peuple) ont tenté de justifier sa création s’inscrivant dans le sillage du ministre de la Justice. Mais ce n’est que peine perdue.
C’est le lieu pour moi de remercier tous ceux qui ont eu le courage intellectuel et politique de démonter les arguties de ces apprentis fascistes, de ces instruments de l’autocratie despotique, fossoyeurs de notre démocratie si chèrement acquise. Je veux citer ici les Professeurs AÏVO Joël et GBAGO Barnabé ; je salue ici le courage du juge Freddy YEHOUENOU qui a pu interpeller ses collègues en ces interrogations « Existe-t-il encore un pouvoir judiciaire au Bénin ?... Sommes- nous fiers d’être magistrats ?...La justice aujourd’hui est un navire aux creux des vagues. Chacun d’entre nous a un rôle à jouer pour que le navire arrive à bon port».
Je salue ici l’acte héroïque des avocats qui, malgré les menaces facilement imaginables qui pèsent sur eux, ont adressé une lettre au bâtonnier de l’Ordre en la personne de DETCHENOU Yvon pour demander « de tous nos vœux la convocation d’une Assemblée générale extraordinaire » comme « moyens à opposer à la prospérité de cette institution inacceptable ». Car disent-ils « Il est évident que cette juridiction d’exception (dans tous les sens du terme) se révèle un dangereux recul pour notre pays par rapport aux standards universellement reconnus du procès équitable… »

Travailleurs et peuple du Bénin en lutte ! Démocrates de par le monde !

LA CRIET EST UNE COUR DE REPRESSION POLITIQUE

Ce sont ceux qui n’ont jamais connu les souffrances de ce peuple, souffrances qui ont pu donner la « démocratie béninoise» actuelle, si imparfaite soit-elle, qui ne mesurent pas les grands risques qu’ils prennent - pour le pays et pour eux-mêmes - en se faisant instruments de l’autocratie. L’histoire a prouvé que ces genres d’individus sont les premiers à regretter leurs actes, car les premiers à en être victimes à leur tour. On ne menace pas un peuple, impunément !
La CRIET a été instituée par l’Assemblée nationale vassalisée par modification en mai 2018 (une seconde modification après celle intervenue déjà en juillet 2016) de la loi portant organisation judiciaire en République du Bénin ; elle est ensuite validée et installée à la hussarde entre juillet et août 2018. C’est dire déjà la précipitation suite à la prise en main complète du contrôle de la Cour constitutionnelle par le pouvoir de TALON.
Je fais entièrement miens comme tombant sous le coup de l’évidence constitutionnelle, les arguments servis contre cette Cour, critiques largement justifiées par les hauts faits négatifs déjà accomplis et à accomplir par elle.
La CRIET est anti-constitutionnelle. Toute démonstration contraire est de l’affabulation. Certes la Constitution prévoit et autorise au législateur en son article 98 « …la création de nouveaux ordres de juridictions… »; comme c’est le cas avec la création du tribunal de commerce. Mais la CRIET est anti-constitutionnelle en trois volets essentiels : l’objet, les attributions des administrateurs de cette justice et les procédures.
1- Pour ce qui est de l’objet, l’institution juridictionnelle béninoise a tout prévu (tous les cas d’incriminations sont prévus et réprimés) dans les circonstances d’exercice normal de la démocratie. Par exemple, la répression de la corruption –la loi sur la corruption en est un exemple- la répression de la drogue ; même la répression du terrorisme est prévue. Du reste, on ne légifère pas sur une infraction à venir, une infraction non encore existante et le Bénin heureusement n’est pas encore dans le viseur terroriste comme les pays voisins pour que l’on décide des mesures exceptionnelles. Dès lors que l’on rentre dans des dispositions dérogatoires de droit de commun, on rentre dans le cadre d’une Cour d’exception.
2- Du point de vue des pouvoirs conférés aux administrateurs de cette justice ; ils sont exorbitants et donc exceptionnels : Le « Procureur Spécial » devient un super-patron en matière de poursuite judiciaire, un Léviathan au-dessus non seulement du procureur de la République, mais même du procureur Général, usurpant ainsi les attributions de la traditionnelle Chambre d’accusation de la Cour d’appel supprimée dans la même loi ; on y reviendra.

3- Du point de vue des procédures :
- La CRIET ne dispose pas de voie de recours sur le fond ainsi en dispose l’article 12 de la loi. Or il est un principe que le justiciable dispose de voie de recours notamment en matière pénale.
- La procédure adoptée pour la CRIET est totalement en violation des dispositions de notre Loi Fondamentale tant dans son Préambule qui dit « Affirmons solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l'homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle », que dans les dispositions formelles « Article 8 : La personne humaine est sacrée et inviolable.
L'État a l'obligation absolue de la respecter et de la protéger » etc… Article 20 « Le domicile est inviolable. Il ne peut y être effectué de visites domiciliaires ou de perquisition que dans les formes et conditions prévues par la loi ».
- Au regard de ces dispositions formelles constitutionnelles, les dispositions de la loi sur la CRIET en les articles 12 (pas de recours) et 15 (perquisitions) ne garantissent nullement la jouissance de ces droits fondamentaux de l’homme. On peut désormais, sur simple accusation de terrorisme ou de trafic de drogue, perquisitionner à toute heure de jour comme de nuit !
Il apparaît nettement qu’en dehors des critiques formelles de textes constitutifs de la CRIET, la pratique qui est en cours de cette Juridiction révèle sans fard son caractère de Cour politique pour opposants, une Cour de condamnation de délit d’opinion politique, une Cour d’exception du genre de la Cour criminelle d’Exception des années 1988-1989 sous le PRPB. En clair, la CRIET ne bénéficie pas de critères d’indépendance pour des procès équitables et justes ; elle est à l’antipode des engagements internationaux auxquels le Bénin a souscrits, notamment le pacte international sur les Droits civils et politiques etc. Elle doit être balayée comme instrument de la dictature autocratique.

Béninoises, Béninois ! Mes chers compatriotes !
Démocrates de par le monde !
Toutes mesures, objet de réformes du pouvoir de « la Rupture » tendent toutes vers un et unique but : l’instauration d’une dictature autocratique par éloignement et exclusion du peuple dans tout processus de décision judiciaire et la liquidation totale de notre Etat de droit. Il en est ainsi des dispositions supprimant les Cours d’assises. On n’en parle pas souvent. Mais la visée fasciste est claire. En effet la loi supprime désormais la présence de « Jurés » au sein d’instance de jugement des crimes dans notre législation.
Nous savons que l’article 128 de notre Constitution dispose que « La Justice est rendue au nom du Peuple béninois ». L’histoire a consacré que le peuple soit associé aux jugements de graves infractions –les crimes-crimes de sang, crimes d’assassinat et de répression politiques, crimes économiques etc…Le trouble que ces graves infractions portent à la société est tel qu’il n’est pas séant d’en abandonner le jugement aux seuls spécialistes (les magistrats).C’est le rôle du jury et donc des jurés. Cela remonte très loin dans l’histoire des conquêtes progressives de la démocratie dans le monde en l’occurrence à « l’Habeas Corpus » de la Magna Carta de 1215 en Angleterre. Certes, il faut la rigueur, la froideur guindée du juge applicateur des lois ; mais cela ne suffit pas. Il faut en plus « la passion », « l’émotion du peuple » pour la décision de condamnation finale de crimes à travers les jurés. En supprimant la fonction de juré dans la décision criminelle, l’on décide ainsi de maintenir le peuple à l’écart de ces importants jugements sur les graves troubles à la société. Aucune raison, a fortiori, des raisons économiques, ne peuvent autoriser une telle dérive. Non et non ! En réalité ce faisant, le pouvoir de Talon veut dicter toute décision concernant les crimes au Bénin. Par son contrôle total de l’appareil judiciaire, par l’éloignement de personnes « regard du peuple » et non contrôlables (par le mode désignation) par l’exécutif, nous sommes en plein dans la dictature fasciste.
Peuple béninois !
Nous voici au pied du mur. La dictature autocratique dans ses armures juridiques est installée au Bénin. La Loi créant la Cour de répression des infractions Economiques et de du Terrorisme fait partie intégrante de cette panoplie juridique despotique. Nous sommes objet de risée, mêlée de curiosité, de par le regard du monde comme des animaux exotiques dans un parc animalier. Le Bénin devient méconnaissable à tous les points de vue. Il s’agit là d’un défi que nous devons relever par toutes voies légitimes si nous devons continuer de bénéficier de la confiance des Peuples du monde.
Enfants du Bénin debout !
A bas l’autocratie !
Je vous remercie.
Cotonou, le 22 Octobre 2018.

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