Le Sénégal et les mouvements populaires depuis au moins 20 ans
Pourquoi l’histoire semble-t-elle se répéter

Depuis quelques jours, le peuple sénégalais et sa jeunesse ont pris d’assaut les rues et protestent contre le pouvoir en place. La condamnation de l’opposant Ousmane SONKO par une justice aux ordres du Président Macky SALL est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

A travers toutes les régions du pays, les symboles y compris des domiciles privés des dignitaires du pouvoir ainsi que les commerces et sièges des entreprises appartenant aux Français ont été particulièrement visés. Malgré les gros moyens de répression déployés par le pouvoir de Macky SALL et qui ont occasionné des morts, les manifestants ont tenu bon. Les mots-d ’ordre mis en avant se résument à : non au troisième mandat de Macky SALL, non à l’empêchement de la candidature de Ousmane SONKO.


Mais pour toute personne qui suit régulièrement la situation au Sénégal depuis au moins 20 ans, le mouvement en cours contre le pouvoir de Macky SALL rappelle ceux du passé. En effet, déjà contre la gouvernance dite socialiste de SENGHOR et de DIOUF, il s’était dressé le mouvement « Sopi » ; contre le libéral Wade qui leur a succédé, s’est dressé le mouvement « Y‘en a marre » sur lequel le libéral Macky SALL s’est appuyé pour se faufiler au pouvoir. Le mouvement actuel contre lui n’indique-t-il pas que les problèmes posés depuis demeurent non résolus ?


Certainement ! Alors comment se pose le problème au Sénégal ? Depuis la pseudo-indépendance de 1960, le Sénégal demeure jusqu’à ce jour, une colonie française où la France manœuvre pour toujours maintenir sa domination à travers les hommes à sa dévotion et au service du capital financier international. Ainsi, le Sénégal abrite une importante base militaire française, le siège africain de la monnaie coloniale, le franc CFA et est utilisé comme le centre de rayonnement culturel de l’impérialisme français. Depuis SENGHOR en passant DIOUF, WADE jusqu’à maintenant SALL, la politique des dirigeants a toujours été dictée par les puissances impérialistes et contraires aux intérêts de la jeunesse et du peuple sénégalais dans son ensemble. Examinons sommairement les réalités de cette société néocoloniale sénégalaise et le sort réservé à la jeunesse.


1- La politique d’employabilité :


En juillet 1987, soit 06 ans après son avènement au pouvoir, le Président DIOUF fait prendre une loi pour renforcer sa politique dite d’ajustement structurel dictée par la Banque Mondiale et le FMI. Cette loi permet aux employeurs de recourir sans limite au contrat de travail à durée temporaire, à des compressions ou à des licenciements sans suite. Il parlera du « Dégraissage du mammouth socialiste ». Une étude du professeur Makhtar Diouf montre que « la mise en place des programmes d’ajustement a conduit à des suppressions massives d’emplois selon deux modalités : fermetures d’entreprises et restructurations. De janvier 1981 à janvier 1989, près de 20 000 emplois ont été perdus (soit 14 % de la population salariée) ». A ce nombre important de salariés radiés, s’ajoute les milliers de jeunes sans emplois. Le gouvernement du président Diouf en supprimant des emplois publics espérait les retrouver dans une initiative privée en optant pour l’implantation des industries et entreprises sous contrôle de l’Etat. Non seulement il n’y en a pas eu suffisamment pour combler le besoin existant mais aussi, le peu créé a été ruiné par le pillage et la mauvaise gouvernance. C’est sur cette réalité qu’Abdoulaye WADE a surfé et a promis changer lorsqu’il prenait le pouvoir en l’an 2000. Le libéral WADE opte pour le démantèlement des structures d’Etat. Des entreprises nationales ont été démantelées au profit des étrangers. Il fait créer des structures de financement d’emplois pour les jeunes, mais sans une basse réelle de réalisation. En 2011, l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie du Sénégal estime le chômage officiel (hors sous-emploi) des jeunes de 15 à 24 ans à 12,7%. A son tour, Maky SALL a poursuivi la même politique que son prédécesseur Wade depuis son arrivée au pouvoir en 2012. Il poursuit la liquidation des entreprises nationales au profit de celles étrangères. La petite production, agricole, artisanale, commerciale est étouffée au profit des grands groupes monopolistes étrangers. De même comme WADE l’a fait en son temps, par népotisme, il a confié les secteurs rentables de l’économie aux membres de sa famille et à son clan. Avec surtout la découverte récente du Pétrole et du gaz, Macky SALL se bat pour perpétuer son clan au pouvoir.


Ainsi, aucune politique d’employabilité efficace n’a pu être mise en place ces 20 dernières années au Sénégal. Aucune perspective n’a pu être offerte aux nombreux jeunes au chômage et sous employés. Cela justifie le flux migratoire des jeunes sénégalais vers la France, l’Europe où beaucoup périssent dans la Méditerrané ou en plein désert.


2- La politique sanitaire


Depuis Diouf en passant par Wade jusqu’à Sall aujourd’hui, la politique sanitaire au Sénégal n’a pas changé. « De 1985 à 1989, seuls 12 médecins ont été recrutés dans la fonction publique, en remplacement de 22 partants (décès, retraites, départs volontaires) » selon le Professeur Makhtar Diouf. De Wade jusqu’à Sall, la santé publique étant liquidée au profit du secteur privé, c’est vraiment une catastrophe. Les populations rurales surtout ne peuvent pas se soigner compte tenu non seulement du démantèlement des structures publiques mais aussi à cause de la cherté des hôpitaux privés, d’où les nombreux scandales qui ont défrayé la chronique ces derniers temps.


3- La politique scolaire


La politique scolaire est la même que dans toutes les colonies françaises d’Afrique et même pire. En 2017, le ministre de l'Education nationale d’alors, Serigne Mbaye Thiam a déclaré que 54% des sénégalais dont 62% des femmes sont des analphabètes. La Coalition Nationale pour l'Education pour Tous (CNEPT), dans un communiqué rendu public à l'occasion de la célébration de la journée internationale de l'alphabétisation, coïncidant avec ce 08 septembre 2021 confirme qu’au Sénégal, plus de 50% de la population sont analphabètes.


En guise de conclusion


Les problèmes réels auxquels sont confrontées et que vivent les populations sénégalaises depuis l’indépendance de 1960 sont toujours là tenaces et ruinent l’homme sénégalais. Sans compter que l’oligarchie au pouvoir entretient une justice corrompue que sa fraction au pouvoir manipule chaque fois à sa guise et à son service, comme on l’a vu dernièrement avec la condamnation arbitraire et inacceptable de Ousmane SONKO. Au-delà de la lutte contre le mandat anticonstitutionnel de Macky SALL qui est une tentative de son clan de s’éterniser au pouvoir, le problème principal que posent les manifestations insurrectionnelles répétées de la jeunesse et du peuple sénégalais depuis au moins ces20 dernières années est celui d’en finir avec la domination de l’impérialisme français et de ses agents qui ont pris le pays en otage. La société sénégalaise est grosse d’une révolution patriotique, anti-impérialiste et populaire.


Brieux.

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