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Rentrée scolaire 2022-2023 au Bénin

I- Poursuite de l’école coloniale

 

Le lundi 19 septembre 2022 prochain aura lieu la rentrée des classes au Bénin au titre de l’année scolaire 2022-2023. Les enseignants ainsi que les élèves sur toute l’étendue du territoire national reprennent le chemin de l’école. En ce lieu du donner et du recevoir, il est imposé à l’enseignant et à l’enseigné, le français, la langue du colonisateur pour la transmission et l’acquisition du savoir et de la connaissance.


De l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur on présente à l’apprenant dans le processus d’acquisition de la science des choses qui ne sont pas en liaison avec les réalités de son milieu. Le constat est que la langue française étrangère à l’environnement de l’apprenant maintenue dans le système éducatif comme support de la science complique l’apprentissage et la transmission du savoir scientifique. Le jeune apprenant est coupé des réalités ainsi que des compétences qu’il a acquises dans son environnement culturel, linguistique et endogène. Le contenu de l’Ecole est étranger à sa vie quotidienne, tel que l’a voulu et institué le colonisateur français.


Dans ces conditions, avec l’absence d’infrastructures appropriées en plus du manque de matériel didactique, de laboratoires, de centre de documentation, d’immersion dans la vie réelle, depuis l’enseignement maternel jusqu’à l’université, le cerveau de l’enfant est détaché de sa main. Les élèves apprennent dans du vide sans jamais toucher du doigt la réalité qu’on s’efforce de transposer dans leur cerveau. Ce qui inhibe et réduit la capacité créatrice et d’innovation de la jeunesse qui a soif d’apprendre. Or, pour éveiller le génie du petit enfant, il apprend en touchant, en voyant, en désignant les phénomènes qu’il vit dans son milieu par les mots dans sa langue maternelle.


Les pouvoirs de l’Enclos français, en ajoute avec la répression de la liberté de pensée et de critique. Il est constaté qu’à l’école, dans les universités, dans les centres de formations théoriques ou pratiques, la liberté de parole, de pensée, d’opinion, de conscience est réprimée pour museler la pensée critique. Dans les lycées et collèges par exemple, le règlement intérieur Hountondji-Lamouré qui soumet toutes les activités, toutes les initiatives d’association des élèves à l’autorisation préalable et à la censure des autorités, enchaine et réprime le développement de l’esprit critique chez les élèves. La militarisation des campus jusqu’à la présence des chars et forces armées, violant les franchises universitaires en est également une illustration, sans parler de la répression des mouvements de protestations estudiantins jusqu’à des assassinats d’étudiants. Le pouvoir autocratique de Talon est venu renforcer ces dispositions avec la loi portant code du numérique. La répression de la pensée et de la parole libre chez l’enseignant et chez l’apprenant produit à la fin, comme le veut le colonisateur, des êtes craintifs, sans esprit d’initiative et soumis à l’ordre des dominateurs et de leurs gouverneurs à peau noire.


L’accès à la formation de la jeunesse n’est pas pour un grand nombre, il est réservé à une minorité qui constitue l’élite. Pour restreindre davantage cet accès, les moyens pour acquérir la formation sont de plus en plus chers. La gratuité de l’Ecole proclamée dans la Constituée n’est que de forme. En réalité, les obstacles matériels, financiers à l’acquisition des uniformes, des manuels et fournitures, aux paiements des frais d’inscription concourent à l’exclusion de fait des enfants du peuple dès les premiers degrés de l’Ecole. L’exclusion est encore plus sévère dans l’enseignement supérieur. Par exemple, dans les universités publiques, les frais de formations en une année s’élèvent à plus de 400.000FCFA pour certains et 700.000FCFA pour d’autres.


Le programme politique néocolonial qui maintient l’école béninoise dans son état de ruine, de dégradation actuel avec son contenu extraverti est assumé avec fidélité et loyauté par tous les dirigeants successifs pour glorifier la France au mépris des défis de l’émancipation et du développement du notre pays. Pour se montrer bon élève, fidèle du mimétisme servile au pacte colonial à l’égard de la France, le Président de la République Talon pouvait déclarer qu’il ne parle que français, indiquant par-là que le fongbé qu’il manie très bien n’est pas pour lui, président béninois, une langue mais un dialecte vernaculaire dont l’usage à l’école mérite la répression par le fameux "Signal" des temps coloniaux. Pour tromper la jeunesse et le peuple il laisse entendre qu’il accorde une grande place à l’enseignement technique. Mais à regarder de près cet enseignement technique tant vanté on constate malheureusement qu’il est également détaché de la production industrielle et des réalités vivantes. Donc c’est un vain mot !


Il est donc évident que la priorité du gouvernement béninois n’est pas pour une école qui forme les gens pour être à la hauteur des exigences et des défis de l’époque actuelle pour notre pays. Ce qui fait qu’au terme du cursus scolaire ou universitaire, une majorité écrasante de citoyens béninois, de jeunes sortis des centres de formation nantis de diplômes se retrouvent au chômage, sans perspectives, sans emplois, à la maison à la charge de leurs parents qui ont pourtant consenti de moyens colossaux pour survenir à leur formation. L’école coloniale qui se poursuit dans les faits est poussée jusqu’à sa ruine.


L’école doit être réorientée vers les besoins de nos peuples ; ce qui appelle à réexaminer tous les contenus des programmes de formation du primaire au supérieur existants puis en extirper tous les relents coloniaux et néocoloniaux. Pour que les centres de formations cessent d’être des usines à fabriquer des chômeurs, les langues nationales doivent être considérées d’emblée comme support du discours scientifique. De même, il doit être envisagé la généralisation d’une formation duale combinant la formation théorique à la formation technique (industrielle, agricole et de service). Chaque école primaire doit être dotée d’ateliers techniques comportant outre la menuiserie, la maçonnerie, la mécanique, etc. où peuvent accéder les élèves à partir de la seconde. Cela doit conduire à faire en sorte que le grand nombre de jeunes accédant à l’université et aux grandes écoles proviennent des centres techniques du secondaire (Cf. Colloque sur l’école au Bénin, pp.27, 2013). Ces exigences accomplies ne peuvent que nécessairement conduire à une rupture radicale avec le contenu de l’école néocoloniale. C’est à ce seul prix que la recherche et l’enseignement au Bénin peuvent être libérés et affranchis des orientations coloniales pour permettre à la jeune génération et aux générations futures de relever les grands défis du développement afin de résoudre définitivement les problèmes du chômage, du sous-emploi. Toute autre chose et démarche contraires à ces exigences ne sont que la poursuite du maintien de l’orientation coloniale de l’école pour garantir les intérêts de la France contre l’avenir de la jeunesse et du pays tel qu’on l’observe avec le pouvoir de Talon aujourd’hui.


Afi Tossou

 

II- Dégradation continue des conditions de vie et de travail des enseignants

 


Les acteurs clés de l’Ecole, ce sont les enseignants. Dans leurs rangs aujourd’hui, on dénombre des corps appelés Agents Contractuels et Permanents d’Etat (ACE-APE) et les Aspirants au Métier d’Enseignant (AME). Cette dernière catégorie appelée AME représente plus de 80% de l’ensemble du personnel enseignant au Bénin (selon un rapport de l’Union Nationale des Associations des Parents d’Elèves et Etudiants du Bénin en date du 15 septembre 2022). L’officiel La Nation du 15 septembre 2022, précise en effet que les AME déployés pour le compte de l’année scolaire 2021-2022 font un effectif total de 12.433. A cet effectif donc viennent d’être ajoutés 1.905 autres aspirants pour le compte de la nouvelle rentrée 2022-2033 qui démarre le 19 septembre prochain (Cf Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.). C’est dire alors qu’aujourd’hui au Bénin, le corps enseignant dans les établissements maternels, primaires et secondaires est en majorité constitué des AME. En cette veille d’une nouvelle rentrée, voyons ensemble les conditions de vie et de travail de ces acteurs clés de l’école béninoise.


S’agissant des conditions de vie, elles diffèrent d’une catégorie d’enseignant à une autre. En effet lorsqu’on prend la situation des enseignants ACE et APE, leur situation salariale n’a connu aucun changement depuis 2015. « Les avancements, classements et rappels sont fétichisés et ne sont pas réglés à l’allure des discours mielleux que tiennent le MEMP Salimane KARIMOU, le MESTFP, Yves KOUARO et le MTFP, Adidjatou MATHYS » (Cf. Message de la FéSEN/CSTB aux enseignants et autres acteurs de l’école en date du 15 septembre 2022). Autrement dit, depuis 2015, les enseignants ACE et APE ne vivent que des mêmes salaires. Plus de primes. Plus de dotations. Bref, plus aucun avancement ni autre avantage en dehors des salaires brutes. Dans le même temps, le coût de la vie ne cesse de grimper. Face à cette réalité, les dirigeants n’ont pris aucune mesure compensatoire en leur faveur pour les soulager en rapport aux multiples charges dues aux impôts et autres taxes que leur impose l’Etat.


En ce qui concerne les AME majoritairement représentés, la situation est plus qu’alarmante. Pour leurs émoluments, ils sont payés 09 mois sur 12. C’est dire donc qu’ils n’ont pas droit aux émoluments pendant les vacances. Pendant les 09 mois d’activités, ils sont contraints à exécuter plus de 20 heures de cours par semaine. Ceux d’entre eux qui n’ont pu avoir les quotas horaires requis dans un établissement donné sont appelés à les compenser dans d’autres établissements quelle que soit la distance. C’est simplement de l’esclavagisme. Depuis, leur situation ne dit rien au gouvernement. Il a fallu des dénonciations et autres manifestations publiques avec les soutiens des syndicats comme la CSTB pour qu’à la veille de la rentrée en cours, le gouvernement décide de faire aux AME un avancement sur salaire, c’est-à-dire un prêt à recouvrer à partir de janvier 2023. Voilà ce qui est des conditions de vie des enseignants au Bénin sous le pouvoir de Patrice.


Ainsi, autant que d’autres catégories de travailleurs salariés, les enseignants au Bénin souffrent le martyr face aux réalités des lois sur l’embauche, sur le droit de grève… instituées depuis l’avènement du pouvoir de la rupture en 2016. Or, tout le monde a suivi le fameux discours tenu à l’étranger par le Chef de l’Etat où il affirme publiquement qu’il est prêt à payer les compétences quel que soit le prix et où elles se trouvent. C’est dire qu’en réduisant les enseignants à cette vie de misère, leur compétence ne compte pas pour lui. L’Ecole ne fait pas la préoccupation du pouvoir de Talon.


En ce qui concerne les conditions de travail des enseignants au Bénin, elles sont des plus précaires. En effet, en plus du manque criard d’infrastructures adéquates, le peu existant végète dans un délabrement avancé. Pénurie de salles de cours, d’amphi, de tables bancs, presque pas de laboratoires, pas de bibliothèques, pas de salles d’informatique, pas d’infirmeries, etc. Ensuite, la pénurie d’enseignants et la pénurie d’infrastructures sont à la base des phénomènes dits de classes volantes au niveau secondaire et de mutualisation d’amphithéâtres dans les universités avec leurs corolaires de jumelage des classes qui engendrent les effectifs pléthoriques. Ainsi dans les Lycées dits techniques, des enseignements qui méritent des cas pratiques au niveau des laboratoires, bibliothèques, centres d’informatique ne se déroulent que théoriquement. Dans certaines zones, des écoles sont sans clôtures, sans électricité, sans eau. Et c’est dans ces conditions que l’enseignant est contraint à dispenser les cours de 07h à 19h.
En plus de ces conditions de vie et de travail assez pénibles, l’enseignant est privé de droit de grève et est réprimé au moindre mouvement protestataire. Ainsi, 305 enseignants contractuels ont été radiés en 2019 pour avoir dit non à une évaluation illégitime et illégale. Ainsi, 174 AME ont vu leurs contrats résiliés en 2021-2022 pour avoir protesté contre les conditions inhumaines qui leurs sont faites.
Tout ceci démontre que l’école n’est pas la priorité du Président Talon. C’est cela donc la réalité que vivent les enseignants aujourd’hui sous le pouvoir de Patrice TALON.


Brieux

 

III- Le calvaire des parents d’élèves


Depuis au moins trois semaines, les stands de vente des fournitures scolaires s'installent aux lieux habituels. Mais contrairement aux années antérieures, les fréquentations de stands sont fluides, pas de monde. C'est du moins, ce qu'on a observé à quelques points de vente dans le marché de Pahou, au carrefour de l'Oiseau blanc, au carrefour d'Acadjamè dans la Commune de Ouidah. À Cococodji, Cocotomey, Godomey (au carrefour de Houédonou) dans la Commune d'Abomey-Calavi, le constat est le même. Même les grandes boutiques n'accueillent qu'à compte-gouttes certains clients. À Cotonou, la situation reste pareille. À Mènontin, Zogbo, Étoile rouge, Gbégamey, Place Lénine, les points de vente sont sans affluence. Qu'est-ce qui peut justifier cette situation ?


Une enquête auprès des parents vous étale les causes déjà évidentes : la misère accrue des populations. Généralement, les parents d'élèves chez nous sont constitués des artisans qui depuis longtemps vivent dans la misère parce qu'il n'y a plus de commandes comme avant ; les paysans qui connaissent de plus en plus de mauvaises récoltes et les problèmes liés au phénomène d'inondation, les fonctionnaires dont les salaires sont toujours stagnants parce qu'ils ne connaissent pas d'avancement, les femmes des marchés qui au jour le jour se plaignent de la mévente. En plus de ceux-là s'ajoutent les milliers de personnes qui ont vu détruire leurs emplois par le pouvoir actuel. Les impôts et taxes multipliés par le pouvoir de Talon ainsi que la cherté croissante de la vie ont fini de ruiner les gens du peuple.


Par ailleurs, les prix des fournitures ont drastiquement augmenté à tous les niveaux. Le paquet de cahiers de 100 pages et de 200 pages est passé de 900F et au plus 1000F les années antérieures jusqu'en 2020 à 1300 en 2022. Même le prix de 1200 ou 1100 par endroits l'année dernière que les gens décriaient a augmenté de 100F ou 200F. L'unité de 100 pages du cahier de TP passe de 400F ou 500F à 600F, celle de 200 pages de TP passe à 900F contre 700F ; la boîte de craie blanche passe à 1300 contre 1000F auparavant ; la couverture en papier kaki est désormais à 100F le mètre contre 75F l'ancien prix ; le vrai dessinateur est vendu à 600F alors que jusqu'à l'année passée c'était à 500F. Le stylo de marque Schneider est vendu à 125F contre 100 l'ancien prix. La tenue kaki est à 2000F le pantalon, contre 1300F les années passées, 1800F en 2021. Les sacs ont pratiquement doublé de prix. Ceux qui sont vendus avant à 1500 deviennent 3000F, ceux à 5000F passent à 7000F et 8000F par endroit.


De plus, les frais d'inscription et de contribution sont d'autres charges pour les parents qui vivent au quotidien des difficultés face au coût de la vie. Au vu de toutes ces difficultés, il n'est pas étonnant de constater un désert devant les stands de vente des fournitures scolaires.


Le constat de non affluence aux points de vente des fournitures scolaires n'est pas un effet du hasard, ce n'est qu'un indicateur qui traduit les conditions de vie misérables des parents d'élèves et le calvaire qu'ils vivent en ce début des rentrées de classe.


Rapt R.

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