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SPECIAL COMMOMERATION DU TRENTIEME ANNIVERSAIRE DE LA CHUTE DE L’AUTOCRATIE DE MATHIEU KEREKOU, LE 11 DECEMBRE 1989.


Editorial
Les leçons du passé pour les victoires d’aujourd’hui.

Onze décembre 1989-onze décembre 2019 : trente ans que dans la rue à Cotonou, mais aussi partout ailleurs dans le pays, le peuple s’est soulevé pour achever la chute du pouvoir de dictature autocratique de Mathieu Kerékou. Comment s’est déroulée cette journée, comment a-t-on pu en arriver à cet exploit, voilà le contenu de ce numéro spécial. Nous republions à cet effet la description de cette « journée du 11 décembre 1989, fondatrice des libertés et de la démocratie au Bénin » ainsi que « Les grandes étapes de la lutte contre le pouvoir autocratique de Mathieu KEREKOU ». Cet aperçu historique montre que les conquêtes viennent des sacrifices du peuple et de sa jeunesse et constitue un démenti cinglant face à tous les falsificateurs et effaceurs de l’histoire réelle « à propos des monuments à la gloire de l’autocrate Mathieu KEREKOU » en vue de perpétuer le despotisme, la corruption et l’anti-patriotisme dans la gestion du pays. De toute part, les peuples se lèvent contre les dominateurs, ce qui justifie « la lettre ouverte de la Convention Patriotique des Forces de Gauche aux Présidents et aux peuples des Etats du Sahel » à poursuivre jusqu’au bout leurs rejets des bases étrangères sur leur sol. Avec l’espoir que les combattants d’aujourd’hui y trouveront une source pour plus de détermination à vaincre la fatalité, cette fois-ci, de manière décisive.
La Rédaction

ONZE DECEMBRE 1989
JOURNEE FONDATRICE DES LIBERTES ET DE LA DEMOCRATIE AU BENIN

Le 11 décembre 1989 restera pour le peuple béninois, une journée mémorable. En effet, c’est le jour où, comme un seul homme, le peuple de la capitale économique Cotonou s’est levé pour mettre fin au pouvoir autocratique de Mathieu KEREKOU. Parti de la Maison du peuple de Cotonou V (aujourd’hui siège de Canal Olympia à coté du CSG Ste Rita) vers 9h, le cortège s’ébranle aux cris de « Kérékou ! HEEELUE ! ».
* Premier tronçon : Maison du Peuple – Carrefour Marina
Le cortège initial grossit peu ; immédiatement massées sur le pas des portes et des ateliers, les populations applaudissent et brandissent le poing pour encourager les manifestants et reprennent en chœur le slogan : « Kérékou ! Hééélué ! ». Le cortège arrive ainsi au carrefour de La Marina seulement grossi des motocyclettes et des véhicules dont la progression a été bloquée.
* Deuxième tronçon : Carrefour Marina – Carrefour Marché Saint Michel
* Au carrefour de la Marina, alors que la tête du cortège dépassait la station d’essence, des retardataires arrivent et prennent leur place ; de jeunes spectateurs s’enhardissent et demandent l’autorisation d’entrer dans le cortège ; l’encadrement de la manifestation ordonne leur incorporation aux colonnes marchantes.
De la place Marina au carrefour Bar-Tito, les rangs grossissent déjà très rapidement. L’encadrement de la manifestation se transforme en commandement. L’ensemble des premiers manifestants se transforme en encadrement et des milliers de manifestants ayant rejoint les colonnes en marche s’emparent des banderoles, pancartes et branchages et feuilles. L’incorporation de nouvelles forces se fait désormais par centaines jusqu’au carrefour du marché Saint-Michel.
* Marché Saint Michel – Boulevard Sékou Touré
Désormais immenses et énergiques, les colonnes couvrirent les deux artères de la voie. Confiantes et assurées de leur bon droit, elles imposaient à tout passant de se munir de feuilles et de scander les slogans. Mais en avaient-elles vraiment besoin ? Comme si la nouvelle s’était répandue partout, de tous les horizons arrivaient de nouvelles recrues déjà armées de leurs branchages, de leurs gonds, de leurs sifflets ou même de leurs petites bassines ou assiettes métalliques pour participer. L’encadrement commençait à coopter de nouveaux manifestants femmes et hommes. Les colonnes prirent la direction du boulevard Sékou Touré et franchirent sans résistance l’avenue Saint Michel. A ce stade plus rien ne pouvait oser résister à la foule déferlante et chantante. Certaines boutiques fermaient leurs portes mais la plupart restaient ouvertes avec les propriétaires armés de feuilles sur les portes, constatant qu’à aucun moment aucun manifestant ne s’était attaqué à eux. Soudain de nouveaux remous apparurent au sein même de la foule en marche. Les journalistes de la télévision venaient de faire leur apparition, armés de caméras. Les manifestants furieux s’étaient jetés sur eux pour les empêcher de filmer. D’aucuns les taxaient de propagandistes de l’autocratie, d’autres craignaient pour la sécurité des manifestants ; le commandement prit les choses en main, autorisa le reportage et organisa la protection des journalistes et de leur matériel. Les manifestants se soumirent aussitôt aux ordres et, toujours plus compacts atteignirent l’Eglise Notre-Dame et tournèrent en direction d’Akpakpa.
* De l’ancien Pont – A la Béninoise
Des éléments de l’encadrement commis à cette tâche s’élancèrent en avant et, tandis que d’autres orientaient correctement les colonnes dans la bonne direction, ils allèrent se poster de part et d’autre, à l’entrée et à la sortie du pont ; ils occupèrent les garde-fous et la marche s’engagea sur le pont, massive, imposante et disciplinée. Ce nouveau point sensible du parcours fut franchi sans aucun incident.
De l’autre côté du pont, une jeune femme épuisée s’écroula évanouie. Les brigadiers se portèrent à son secours, lui donnèrent de l’air, l’aspergèrent d’eau et la transportèrent vers la Clinique Boni (aujourd’hui clinique d’Akpakpa). Les agents de la clinique apeurés refusèrent d’ouvrir leur portail et les brigadiers les sommèrent de le faire et de soigner la manifestante sous peine de voir la foule défoncer les barrières. Le portail s’ouvrit et on admit la manifestante pendant que les colonnes déjà au carrefour de La Béninoise tournaient en direction du quartier Sodjatinmè.
* Le Nouveau Pont et le Marché Dantokpa
La longueur des colonnes dépassait déjà un kilomètre ; la tête atteignit le Nouveau Pont alors même que la queue n’avait pas encore quitté La Béninoise. On eût dit un long fleuve humain que venaient constamment grossir des affluents en provenance des quartiers où se répandait la bonne nouvelle.
De nouveau, un point doublement sensible qui requérait toute l’attention des brigades d’encadrement : un pont et le marché international de Dantokpa. Il fallait franchir sans encombre et sans accident le pont et passer le marché sans aucun dommage aux usagers des lieux. Les brigades de nouveau prirent position pour canaliser la foule des manifestants mais déjà les femmes du marché étaient massivement sorties pour faire, branchages de feuilles à la main, chants à la bouche, une haie d’honneur aux manifestants qui furent cette fois-ci orientés sur l’avenue Saint-Michel.
Mais avant que les derniers manifestants ne quittent complètement la descente du pont, un rendez-vous fut honoré. Quelques jours plus tôt, alors que les usagers du marché Dantokpa manifestaient sous la conduite du Comité Général d’Action du Marché International de Dantokpa (CGAMID) ils avaient été dispersés et leurs banderoles confisquées.
Les brigadiers avaient alors dit aux policiers «Nous reviendrons les chercher». Le 11 décembre, attaqués de toutes parts, les policiers eux-mêmes supplièrent les manifestants de venir récupérer leurs banderoles qui furent déployées immédiatement dans la marche.

* De Maro-Militaire à l’Etoile Rouge
Il était déjà midi, le soleil haut dans le ciel brûlait les corps qui semblaient ne pas s’en rendre compte ; les manifestants trempés de sueur tenaient toujours debout, puisant l’énergie dans leur haine de l’autocratie. Ceux qui avaient soif l’étanchaient en se rendant dans n’importe quelle maison où on offrait l’eau sans compter.
Sur le pas de certaines portes, le seau d’eau était porté spontanément à la rencontre des manifestants et on se congratulait chaleureusement l’un l’autre ; tout le monde était ami puisque manifestant tous, puisque conspuant tous l’autocratie.
Au carrefour Maro-Militaire, les brigades de tête tournèrent vers Sikèkodji. Une partie de la foule voulut continuer tout droit sur la Bourse du Travail et l’ancienne maison de la radio. Seule la fermeté des brigadiers permit de ne pas dévier de l’axe initial et ce fut le retour triomphal des manifestants vers la place de l’Etoile Rouge en passant par le carrefour Marina. Les masses renouvelaient constamment le répertoire des chansons conspuant Kérékou et son régime. Comme si les longues heures de marche, loin de les épuiser, avaient décuplé l’énergie des marcheurs, ils en voulaient encore plus, toujours plus, comme si cela devait durer toujours, des jours, des nuits.
Alors que la manifestation devait prendre fin à la Place de l’Etoile Rouge par les discours et de nouveaux rendez-vous, on vit soudain la tête de la marche contourner la Place et s’élancer vers l’Eglise Saint-Jean, le Commissariat Central de Cotonou et la Prison Civile. Cette artère n’avait pas encore été visitée par la colonne principale même si de nombreux affluents en étaient venus. Et puis les masses voulaient en découdre avec de nouvelles cibles qu’elles se donnaient, enivrées par leur propre puissance. Ces cibles n’avaient pas été prévues. Ce fut alors un autre héroïsme pour les brigades : convaincre des masses qui en voulaient plus, qui ne voyaient à cet instant précis aucune possibilité d’obstacle à leur désir d’en découdre, d’en finir avec l’autocratie et son appareil, convaincre ces masses qu’une telle bataille se préparait autrement plus sérieusement, plus consciemment. Ce fut un autre héroïsme que de faire replier le long et immense serpent humain dont la tête était au commissariat central et la queue quelque part vers Sikèkodji en passant par la Place de l’Etoile Rouge. De midi à quatorze heures, ce fut aussi le moment où le commandement de la manifestation dut décider s’il était opportun de lancer ces milliers de manifestants à mains nues à l’assaut des citadelles militaires de l’autocratie ; si les forces étaient suffisantes, préparées et aguerries pour donner l’assaut, si la direction du mouvement et le peuple avaient mis de leur côté toutes les chances de réussite. De midi à quatorze heures, au cœur même du mouvement bouillonnant, le commandement dut réfléchir, la tête froide, et répondre que :
- si l’essentiel des couches populaires s’était joint dans ce formidable mouvement à la conquête de la liberté, une fraction non négligeable du peuple restait encore et, dans l’impossibilité de jonction entre les deux, le moment ne pouvait pas être le meilleur.
- l’assaut final se décide après observation que le peuple a effectivement mis à l’ordre du jour dans la pratique l’insurrection donnant à la direction du mouvement et à l’encadrement le temps de donner l’assaut ; on ne décide pas de l’assaut final parce que brusquement on s’est retrouvé pour la première fois devant une manifestation populaire, aussi immense soit-elle.
Les colonnes furent ramenées vers la Place de l’Etoile Rouge où devant un océan humain bouillonnant, le message du Comité de Salut National (CSN) et de son Président, Pascal Fantodji fut lu et ovationné. Le Président du CSN donna rendez-vous aux manifestants pour d’autres manifestations les jours suivants et leur recommanda une très bonne préparation du Congrès des Comités d’Action prévu pour le 16 décembre. Les manifestants partirent comme à regret mais confiants et disciplinés et par groupes plus ou moins importants vers les quartiers où des manifestations se poursuivirent jusqu’à la nuit tombée.
Malgré l’ampleur des manifestations de cette mémorable journée ou fut enterrée l’autocratie par un peuple libéré par lui-même, ampleur encore jamais égalée, on ne déplora aucune casse, aucun mort, simplement parce que déjà à ce moment, le peuple avait décidé de prendre les rênes du pays pour le reconstruire. Il n’était pas dans les rues pour casser.
On se rappellera que ce 11 décembre, l’autocrate Kérékou qui, tout le long des manifestations, s’était terré avec sa garde, sur le soir, sortit se promener dans la ville de Cotonou, sur-le-champ de bataille encore fumant de la colère populaire.
Mal lui en prit. Furieux, le peuple se rua sur lui et ses gardes de corps à coups de pierre et il ne dut son salut qu’à l’Eglise Saint-Michel où il se réfugia et où la population, par décence, renonça à le poursuivre. L’autocratie et l’autocrate étaient définitivement rejetés.
Ce 11 décembre, ce n’est pas seulement à Cotonou que le peuple manifesta. Ailleurs dans le pays, le peuple cria son rejet de l’autocratie, son droit à la liberté, aux libertés politiques complètes. Telle fut cette mémorable journée du 11 décembre. Ce qui se passa les autres jours, ce fut une autre histoire. Cette autre histoire, c’est la hargne décuplée des apatrides de nier les conquêtes populaires et d’empêcher le peuple de jouir de ses droits. C’est cela l’histoire du régime du Renouveau Démocratique, institué par la Conférence Nationale réunie par l’impérialisme français sous la direction des Kérékou et des apatrides et corrompus. Ces corrompus pousseront l’usurpation et la négation de la victoire du peuple du 11 décembre 1989 en faisant proclamer leur Constitution apatride le 11 décembre 1990 afin d’effacer de l’histoire émancipatrice des peuples du Bénin le 11 décembre 1989. La déconfiture du Renouveau indique que seuls les espoirs du 11 décembre 1989 sont immortels et que le 11 décembre reste et restera la journée des libertés, une journée de fête des libertés pour le peuple.
(Reportage)
Extrait de "Forums Populaires n°3 mars 2003

LES GRANDES ETAPES DE LA LUTTE CONTRE LE POUVOIR AUTOCRATIQUE DE MATHIEU KEREKOU.

Cette victoire du 11 décembre 1989 n’est pas tombée du ciel et n’est pas non plus un miracle ; elle est le résultat d’une grande épopée de luttes sans merci de notre peuple contre un pouvoir autocratique et corrompu et qui a conduit le pays dans le chaos. Cette lutte épique a connu de grandes étapes de sacrifices, de don de soi, de conquêtes des libertés les unes après les autres pour aboutir à la chute de l’autocratie.

L’instauration de l’autocratie et l’organisation d’une base efficace de lutte conséquente
Le pouvoir de KEREKOU instauré par coup d’Etat le 26 octobre 1972 était miné de contradictions. En juin 1975, la radio nationale diffuse l’information que le ministre de l’intérieur, le capitaine Michel AIKPE qui était le numéro 2 du régime a été abattu parce qu’il a été surpris avec la femme du Président de la République. En réalité, la rivalité entre les deux hommes ne cessait de grandir tant les contractions au sein du pouvoir s’envenimaient, de même que les ambitions du ministre de l’intérieur pour le trône devenaient insupportables pour l’autocrate. A l’annonce de la nouvelle de l’assassinat de ce dernier, la ville de Cotonou s’embrase ; la prison est prise d’assaut ainsi que quelques bâtiments officiels. KEREKOU ordonne de tirer sur la foule, c’est un carnage. Ce fut le même sort à Abomey qui s’était aussi embrasé. Après cela, c’était la chasse à l’homme ; travailleurs syndiqués, étudiants, responsables d’organisations de masse, tout ce monde était traqué. Il faut signaler qu’avant cela, toutes les organisations de jeunes étaient dissoutes depuis 1974, la Jeunesse Unie Anti-impérialiste (JUD) et toutes ses sections, dont l’UGEED et le FACEEN; les anciens Présidents de la République, Maga, Apithy, Ahomadegbé, croupissaient en prison à Parakou depuis octobre 1972. On peut considérer que le mois de juin 1975 correspond au musèlement de toute opposition ; à partir de là, KEREKOU pouvait s’atteler à la consolidation de son pouvoir en jetant les bases juridiques de ce dernier. C’est ce qu’il va faire en déclarant l’orientation socialiste du régime, en créant le PRPB comme parti unique, en changeant le nom du pays, l’hymne national, le drapeau et plus tard, en promulguant une constitution autocratique qui va servir de base juridique pour le régime. C’était l’euphorie générale au niveau du pouvoir et la terreur dans le pays. Toutes les centrales syndicales ont été dissoutes et remplacées par une seule, l’UNSTB. La jeunesse, les femmes, toutes les couches sociales devaient rentrer dans le moule et faire allégeance au Parti unique.
Pour ceux qui n’ont pas connu cette période, la situation peut se comparer à celle que nous vivons actuellement après les tueries des 1er et 2 mai 2019. Patrice Talon fait modifier la Charte des Partis politiques et le code électoral et révise la Constitution pour servir de base à son pouvoir autocratique.
Ce soulèvement et ce massacre de juin 1975, l’instauration de cette dictature autocratique vont conduire à la réflexion sur ce qu’il faut faire pour venir à bout de ce pouvoir. C’est de ces réflexions que l’idée que pour vaincre l’autocratie, il faut un Parti organisé et discipliné est né ; et celui qui a porté cette idée, qui s’est battu pour sa réalisation, c’est Pascal FANTODJI. C’est ainsi que naquit le Parti Communiste du Bénin le 31 décembre 1977 après plusieurs péripéties.

Au moment de la création du Parti, bon nombre de ces responsables étaient en prison ou en exil. Malgré cette situation, il s’est lancé à corps perdu dans la lutte en étant convaincu que pour en finir avec l’autocratie, il faut ébranler ses citadelles les unes après les autres. Pour cela, il a fallu élaborer et mettre en œuvre une tactique offensive basée sur la mobilisation des masses populaires autour de la défense de leurs intérêts matériels et politiques. Le mot d’ordre général était donc : Lutte pour Le pain et les libertés !

Les premières luttes contre l’autocratie installée

La première citadelle à prendre était celle de la jeunesse notamment sa couche universitaire qui tenait à ses libertés. Nous avons annoncé plus haut que le pouvoir autocratique avait dissout toutes les organisations de jeunes et d’étudiants ; pour assurer le contrôle de la jeunesse, il a créé une Organisation de la Jeunesse Révolutionnaire du Bénin (OJRB) dont l’un des responsables était HOUDOU Ali. Pour l’embrigadement des élèves et étudiants, il a décidé de créer des coopératives qu’il pouvait manipuler. La première grande confrontation entre le pouvoir et le peuple va être à ce niveau. Se basant sur sa tactique, le Parti communiste aida à la mobilisation des étudiants sur la base de la défense de leurs conditions d’étude et de vie dégradées. Le résultat fut les mémorables journées de grève des étudiants en mai 1979. L’autocrate KEREKOU qui s’est déplacé personnellement sur le campus d’Abomey-Calavi pour intimider, a été humilié publiquement. La jeunesse estudiantine a apporté un cinglant démenti aux prétentions du pouvoir de KEREKOU qui déclarait qu’après le massacre de 1975, toute grève serait désormais impossible au Bénin. La preuve était donnée que le peuple, mobilisé pouvait vaincre l’autocratie. Furieux face à cette situation et écumant de rage, KEREKOU a prononcé cette phrase que l’éternité retiendra : « Nous marcherons sur les cadavres. Puissent ces cadavres-là être des corps d’étudiants, cela ne nous fait pas peur… Bokassa a raison de tirer sur des enfants, si ces enfants sont des crapauds. »
A partir de cette victoire historique, l’université va subir un siège permanent tandis que la lutte contre le pouvoir va s’étendre en même temps que la répression. Ainsi de 1979 à 1984, les arrestations se poursuivirent. Des dizaines de personnes vont être arrêtées et envoyées vers les divers lieux de détention à travers tout le pays. Sur le plan international le pouvoir subissait un isolement croissant suite aux dénonciations incessantes des atteintes aux droits de l’homme et des peuples. Mais, c’est un évènement insolite qui va porter un coup dur à l’arrogance du pouvoir : les évasions spectaculaires collectives de la prison de Porto-Novo le 3 mars 1984 et du camp Guezo de Cotonou en juin 1984 des militants et responsables du PCB. C’est après cela que le pouvoir s’est vu obligé de décréter une amnistie brouillonne suite à laquelle il renverra encore les responsables des amnistiés en prison quelques temps après.

La répression du mouvement scolaire de mai 1985

En 1984, avec la persistance du mouvement que rien ne semblait arrêter, la répression se faisait plus féroce. Quiconque était trouvé en possession d’un tract du PCD ou d’une organisation de la démocratie révolutionnaire était arrêté. Mais la dégradation des conditions de vie et d’étude creusait un fossé toujours plus large et profond d’avec le pouvoir dont les responsables vivaient dans le lucre. La mauvaise gestion des entreprises était criarde. Le pays entrait en crise. Le pouvoir appela la Banque mondiale au secours. Avec elle, le pouvoir décida d’aggraver le sort de la jeunesse avec la suppression des bourses et secours aux étudiants et aux élèves de même que la garantie de l’emploi aux diplômés des universités. Une grande protestation des étudiants et des scolaires va être déclenchée en mai 1985 où l’autocrate demandera de tirer à vue sur les élèves ; le jeune Parfait ATCHAKA sera abattu lors de ces manifestations scolaires. Ces évènements vont entrainer une crise au sein du pouvoir puisqu’on observera le départ du numéro 2 du gouvernement, le colonel Michel ALLADAYE accusé de laxisme.
La réponse de KEREKOU fut le renforcement de la répression et la rafle des communistes. Une commission spéciale est officiellement installée à cet effet en 1985 pour démanteler le PCD et le sadisme est allé jusqu’à faire financer les travaux de cette commission de tortionnaires par les salaires confisqués des victimes. Les bras exécutants de cette mission génocidaire sont les Clément Zinzindohoué, Jérôme Soglohoun, Pascal Tawès, Patrice Houssou-Guêdè aidés par les Ali Houdou et Lazare Sèhouéto, etc. Des centaines de citoyens étaient arrêtés pour appartenance au PCD, torturés dans les camps militaires pour être ensuite enfermés à la prison de Sègbana transformée en bagne de l’autocratie. La répression qui endeuillait des milliers de familles déjà affamées et meurtries, du nord au sud, de l’est à l’ouest, ne pouvait sortir le pays de la crise.
Cette crise ouverte, jusqu’au sein du pouvoir, ne fera que s’aggraver jusqu’à la fin du régime. En effet, en mars 1987, un groupe d’officiers de l’armée accusé de tentative de coup d’Etat fut arrêté. En juillet 1988, d’autres officiers de l’armée dont le propre aide-de-camp de l’autocrate et son chef des services de renseignements furent arrêtés et jetés en prison pour les même raisons. Dans la même année 1988, le pouvoir est éclaboussé par un scandale d’importation de déchets nucléaires. En ajoutant à tout cela la crise financière et les difficultés de trésorerie de l’Etat et des banques, ce qui privait notamment les fonctionnaires de leurs salaires, tous les signes avant-coureurs indiquant la chute imminente de l’autocratie, étaient réunis. C’est à partir de là que la direction intérieure du Parti fit savoir à Pascal FANTODJI qui dirigeait le mouvement depuis l’extérieur que sa mission était terminée et qu’il fallait qu’il rentre pour conduire l’assaut contre le pouvoir.

La création de la Convention du Peuple et l’assaut contre le pouvoir.

A la rentrée universitaire 1988, Pascal FANTODJI qui enseignait en Côte-d’Ivoire, annonce à son école qu’il ne reprendra plus les cours et rentra clandestinement au Bénin. Un mois plus tard, le samedi 22 octobre 1988, il conduit la création de la Convention du Peuple avec à sa tête le Comité de Salut National dont on lui confia la direction. La Convention du peuple a été créé comme l’organe qui, rassemblant toutes les organisations combattantes de la démocratie révolutionnaire et des personnalités indépendantes devait servir de cadre d’union du peuple autour du Parti pour monter à l’assaut du pouvoir. La première escarmouche va être lancée le 15 décembre 1988 avec la première grève des Comités d’Actions ; ce fut un succès. Le succès de cette première tentative dans un pays sans syndicats autorisés sans libertés de réunion et d’association, augurait de perspectives nouvelles. Ce que va montrer l’année 1989, année de grandes luttes et de chute de l’autocratie.
Enhardis par le succès de la grève du 15 décembre 1988, les étudiants, les élèves et une partie importante des travailleurs de la fonction publique se sont mis en grève le 9 janvier 1989 à l’appel de la Coordination des Comités d’Action (C.C.A) sous la direction de Laurent Mètongnon; c’est un succès. Le pouvoir panique et menace de licencier les grévistes qui ne reprendraient pas le travail à la date du 31 janvier. En effet, le 2 février 1989, le correspondant de l’Agence France Presse (AFP) à Cotonou rapporte : « Cotonou, 2 février, AFP : le gouvernement béninois a décidé de révoquer purement et simplement tous les fonctionnaires en grève depuis le 9 janvier dernier et qui n’ont pas cru devoir reprendre le service à la date du 31 janvier 1989, a annoncé le ministre béninois de l’information, Monsieur Ousmane BATOKO. En annonçant tard dans la nuit de mercredi à jeudi cette décision, Monsieur BATOKO, porte-parole du Gouvernement, a précisé que des instructions fermes avaient été données aux ministres du Travail, des Enseignements moyens et supérieurs ainsi qu’au ministre de l’Enseignement de Base « pour recenser les jeunes diplômés sans emploi susceptibles de remplacer les agents licenciés ». Le 6 février 1989, méprisant ces mesures fascistes du pouvoir dictatorial, les Comités d’Action relancent le mouvement qui prend alors une tournure plus politique puisqu’en plus de leurs revendications matérielles, ils exigent maintenant la liberté d’association et de grève, la liberté pour les personnes physiques et morales, l’amnistie générale, etc. Alors que le pays est paralysé par ce mouvement, le pouvoir entame le 6 février 1989, le procès des militaires putschistes d’abord pour faire diversion et ensuite pour faire peur ; mais tout çà est peine perdue. Dans un tract en date du 11 février 1989 et répondant aux provocations du pouvoir, le Comité d’Action des professeurs des CEMG et Lycées écrit : « le 08 février dans la nuit profonde, telle une société de sorciers mécréants, le Conseil Exécutif National, sous la présidence du gangster en chef KEREKOU a montré à nouveau son incapacité à gérer notre pays. Il a dévoilé son visage fasciste, hideux. Plus d’illusion ! La mesure de révocation est prise. Son application a commencé… la grève est notre droit et nous ne devons reculer devant aucun obstacle pour le conquérir … Voilà pourquoi, les Comités d’Action des Professeurs vous invitent à : 1- riposter immédiatement à cette mesure de révocation que le pouvoir a prise par la poursuite des mouvements de grève jusqu’à la libération de tous les détenus politiques nouveaux et anciens ; l’annulation pure et simple des listes des révoqués ; la garantie des libertés assurant notre droit de grève. 2- Châtier les mouchards zélés que le pouvoir charge les directeurs d’école de regrouper dans lesdits comités révolutionnaires de vigilance. »
A partir de ces licenciements collectifs, les revendications prennent une tournure politique et ne s’arrêteront plus. Concomitamment à la montée du mouvement, la répression s’intensifie ; en janvier 1989 un lycéen est tué à Porto-Novo lors des soulèvements insurrectionnels ; le jeune Serge Gnimadi, lui, succombera à ses blessures suite à des tortures en février 1989, en mars 1989, Boko Crépin est assassiné à Atropocodji, quand à Luc TOGBADJA, arrêté en mars 1989, il sera assassiné au Petit Palais en mai 1989. Malgré tout ceci, le droit de grève est conquis de fait en avril 1989. La liberté de la Presse intervient en mai 1989. Mais le pouvoir résiste surtout avec les conseils de l’ambassadeur de France au Bénin, Guy AZAÏS qui s’est transformé en Gouverneur colonial et conseiller spécial de l’autocrate ; ce qui, a valu une lettre ouverte du comité d’Action des Jeunes Diplômés Sans EMPLOI (CAJD) en date du 29 mai 1989 lui demandant de se tenir à l’écart des problèmes internes du Bénin et de cesser de soutenir l’autocratie alors qu’il se dit représentant du pays des Droits de l’Homme.
Face à la dégradation générale de la situation, KEREKOU va tenter un coup de poker en juin 1989 : l’organisation d’élections présidentielles pour légitimer son pouvoir. Mal lui en a pris car le rejet populaire était massif. Pour le vote, il y avait deux bulletins. Le rouge symbolisait l’approbation du régime, le blanc, le rejet ; naïvement, beaucoup de gens se sont rendus à l’élection, pensant régler son compte au pouvoir à travers les urnes. Le jour de l’élection, les bulletins rouges jonchaient le sol ; le peuple était convaincu qu’il en avait fini avec KEREKOU. Quand les résultats tombent donnant KEREKOU réélu à 88%, c’était l’incrédulité et la désillusion ; le peuple venait de faire l’expérience qu’une autocratie ne se renverse pas à travers les urnes.
Après ces élections truquées, la lutte a repris de plus belle. L’UNSTD, la centrale unique de l’autocratie explose. Des partis politiques font leurs proclamations. Dans les campagnes, les paysans ont remis à l’ordre du jour la lutte contre la taxe civique. Des affrontements ont lieu dans beaucoup de régions contre les maires et autres agents du pouvoir pour sa suppression. Face à cette situation, la France s’implique de plus en plus pour sauver le pouvoir d’abord par l’intermédiaire de son Ambassadeur de plus en plus présent aux côtés de KEREKOU, mais surtout en injectant beaucoup d’argent au point où le journal français "l’Express" dans son numéro 1984 du 14 au 20 juillet 1989 indique dans un article de Didier François et Jacques Girardon : « Tout le Bénin manifeste pour réclamer le départ de Mathieu KEREKOU, comme en Février dernier ! Paris paie pour les salaires des militaires et des fonctionnaires. Une assistance à dictateur en difficulté qui n’a que peu de rapport avec l’aide au développement. » Toutes les tentatives réformistes après les élections ayant échoué, et la pression se faisant de plus en plus forte, KEREKOU a été obligé de décréter le 30 août 1989 une amnistie générale. Cette amnistie qui s’adressait aux personnes physiques et non morales était en dessous des attentes des masses ; la lutte se poursuivait de plus belle ; au dernier trimestre de l’année 1989, c’est tout le pays qui était en effervescence ; du nord au sud, de l’est à l’ouest, aucune région n’était épargnée ; tout le monde voyait que les jours de l’autocratie étaient comptés.

La fin de l’autocratie et le sauvetage de KEREKOU pour un pouvoir de l’impunité et de la corruption

C’est là où la France par l’intermédiaire de son ambassadeur à Cotonou, a pris les choses en main, directement et ouvertement, en envoyant des instructions à l’autocrate qu’il transmettra par Pierre OSHO son directeur de cabinet. Ces instructions contenues dans la note remise au chef de l’Etat le 7 décembre 1989 par son Directeur de cabinet sont les suivantes :
« 1- La Partie française souhaite que les décisions qui vont sanctionner la session conjointe mentionne clairement qu’il sera procédé à une révision de la Loi Fondamentale.
2- Il conviendrait que le chef de l’Etat, dans son discours, ou le communiqué de Session, annonce la tenue d’une Convention Nationale ou d’Etas Généraux, ou d’Assises Nationales… Peu importe la dénomination d’une telle structure, c’est à vous-même d’en décider… Mais il serait bon, si possible d’en indiquer ne serait-ce que sommairement les participants… Je pense par exemple à des professeurs de Droit dont le concours est toujours très utile en matière constitutionnelle, ainsi qu’aux représentants des Eglises, des Syndicats, etc.
6- Il conviendrait aussi d’annoncer que l’ensemble des décisions relatives aux changements constitutionnels envisagés seront ratifiées par l’Assemblée courant février 1990. Il est hautement souhaitable qu’on n’aille pas trop loin au-delà de cette période… En début d’année, c’est le moment propice aux opérations de décaissement des ressources.
7- Nous sommes prêts à vous venir en aide pour financer les activités politiques nationales liées à la mise en œuvre de ces réformes, notamment les Assises de la Convention Nationale. »
Après cette communication des exigences de l’impérialisme français, la session conjointe du Comité Central du PRPB-CEN, c'est-à-dire Parti-Gouvernement qui se tient dès le lendemain décide de l’abandon du marxisme-léninisme comme guide de l’action du gouvernement, la suspension de la Constitution et la fin du caractère socialiste du régime.
Toutes ces mesures n’ont pas apaisé le peuple qui a continué ses protestations et manifestations contre le pouvoir dans tout le pays. C’est ainsi qu’intervint la grande marche du 11 décembre à Cotonou. C’est le soir de ce 11 décembre 1989 que selon les dires d’un de ses proches conseillers, KEREKOU a réuni tout le staff de son régime pour leur déclarer ceci : « Mes chers amis, le peuple béninois est patient mais il ne faut pas le pousser à bout. Je considère que notre pouvoir est terminé aujourd’hui. Je vais convoquer une Conférence Nationale » Voilà comment la journée du 11 décembre 1989 a marqué la fin du pouvoir autocratique de KEREKOU au Bénin.
La suite, c’est le combat pour déterminer quel pouvoir succédera à l’autocratie pour garantir les libertés et le développement du pays. Les impérialistes, français en tête ameuteront leurs agents et valets et aidés du haut clergé feront tout pour sauver KEREKOU et empêcher l’avènement d’un pouvoir patriotique et de probité. De décembre 1989 à février 1990, toute la préoccupation de KEREKOU qui est conscient que son régime est fini, était de voir comment sauver ce qui pouvait encore l’être et surtout comment transformer sa défaite en succès.

En guise de conclusion

Les luttes de 1989 ont contribué à casser les reins à l’autocratie. Par ces luttes impétueuses, son abnégation, son sang, sa sueur et ses nombreux sacrifices, notre peuple a arraché la liberté d’association et de grève, la liberté de la presse et l’amnistie générale. Il a imposé à KEREKOU, la suspension de sa constitution autocratique et tout ceci avant la Conférence Nationale de février 1990. Quiconque laisse penser que toutes ces victoires découlent de la magnanimité de l’autocrate est soit un imbécile ou un provocateur. A la Conférence Nationale, tous les hauts-bourgeois avec le haut clergé aidèrent au maintien du pouvoir du pacte colonial et sauvèrent KEREKOU : en le maintenant au pouvoir, en lui octroyant plus tard une « immunité personnelle » pour tous les crimes commis, en sauvant son entourage, et enfin et surtout en le faisant apparaitre comme le père de la démocratie béninoise ayant octroyé tout ce que le peuple a obtenu par son sang et ses sacrifices. L’impunité des crimes politiques et économiques, le rejet de tout contrôle populaire de la gestion du bien public, telles sont les bases du consensus entre hauts bourgeois. En cela, grâce à l’aide et au soutien de la France, les hauts-bourgeois et leurs idéologues ont grugé le peuple de sa victoire et ce sont les conséquences de tout cela que nous subissons aujourd’hui en commençant par le retour au pouvoir de KEREKOU en 1996.
Aujourd’hui comme en 1989, notre peuple est encore confronté à un pouvoir autocratique avec en supplément une véritable mafia qui a pris le pays en otage sur le plan économique et politique. Les travailleurs salariés, les artisans, les paysans, les jeunes de toutes conditions, les entrepreneurs nationaux voient leurs conditions d’existence se dégrader et leurs misères s’approfondir. Comme sous KEREKOU et son PRPB, les libertés d’association, de grève, de presse sont interdites. Comme sous KEREKOU, Talon a une Assemblée monocolore qui vote les yeux fermés tout ce qu’il veut. Le pays étouffe. On ne peut venir à bout d’un tel pouvoir par les urnes ; l’expérience avec KEREKOU en juin 1989 le montrait déjà bien. L’expérience des dernières législatives le confirme.
Aujourd’hui comme après juin 1975, Talon et son clan pensent qu’après les évènements des 1er et 2 mai ils ont définitivement vaincu le peuple ; mais c’est oublier ce qu’est le peuple béninois et ses capacités d’invention.
Comme en 1989, le peuple vaincra Patrice Talon et son pouvoir autocratique. Pour cela, il faut qu’il se détourne des fausses pistes et des fausses voies que lui proposent ceux-là qui veulent le conduire dans les solutions de facilités et l’impasse. Pour cela, il faut renouer avec les luttes qui ont conduit au jour glorieux et inoubliable du 11 décembre 1989 avec les leçons nécessaires pour l’instauration d’une gouvernance patriotique et de probité.

Gilbert

 

A PROPOS DES MONUMENTS A LA GLOIRE DE L’AUTOCRATE MATHIEU KEREKOU

Depuis un certain temps une polémique court autour de la destination de l’ancien domicile de feu Mathieu KEREKOU à Cotonou. HOUHOU Ali, l’ancien Chef des nids des jeunes mouchards au service du dictateur KEREKOU et qui en réclame tout l’héritage politique en tant qu’animateur de la Fondation Mathieu KEREKOU en est le principal protagoniste. Il appelle à des pétitions à cet effet. Faut-il transformer le domicile (partiellement ou en totalité) en Jardin « Saint Mathieu » ou en Musée Mathieu KEREKOU ? Et à la faveur de cette bataille autour du devenir de cet ancien bâtiment colonial affecté au logement des officiers, refait surface la question de la mémoire de Mathieu KEREKOU.
A- S’agissant du sort du domaine dit des filaos, il est de notoriété publique que tous les clans de la Haute-Bourgeoisie se servent de la parcelle de pouvoir qu’ils détiennent pour s’arroger, s’attribuer des parts importantes du patrimoine public. C’est à qui s’emparera du maximum le plus rapidement possible, que ce soit un patrimoine immobilier, mobilier ou financier. Le Gouvernement Militaire "Révolutionnaire" (GMR) de Mathieu KEREKOU s’est très tôt (1974) illustré par le partage en Conseil des Ministres des « vons » de Cotonou, ce qui a eu pour conséquences, entre autres, la disparition des espaces de jeux sportifs de jeunesse dans la ville de Cotonou. La suite, on la connaît. De ce régime de KEREKOU à celui de Patrice TALON, avec des célébrités comme DASSIGLI (Préfet ou Ministre) et TOBOULA, le pillage et le bradage aux parents, amis et maîtresses s’est poursuivi jusqu’à ce jour, avec comme corollaire l’impunité des auteurs. A cet égard, la récente affaire dite de « Togbin » en est une illustration, avec la CRIET qui envoie DASSIGLI dormir chez lui et TOBOULA en villégiature. Le « dégagement des domaines publics » avec grand tapage de Talon-Toboula n’a finalement visé que les pauvres dames revendeuses et petits artisans de bord de rue laissant repus, visibles et insolents, les nantis qui se sont véritablement arrogés des domaines publics sur lesquels des buildings narguent les démunis.
Il faut donc craindre que cette querelle apparente n’ait pour l’instant dévoilé qu’une partie des intentions réelles des différents protagonistes dont le résultat provisoire ne peut être que défavorable au peuple et au bien public. Le peuple doit donc s’en tenir à une position de veille permanente en trois points :
1- Il est hors de question que ne serait-ce qu’un m2 du patrimoine foncier public soit définitivement bradé ;
2- Tous les biens publics volés ou usurpés devront un jour être récupérés, que les auteurs soient encore vivants ou non ;
3- une statistique et un répertoire de tous les crimes économiques doivent être tenus, publiés et transmis de génération en génération.
Tout ceci afin qu’aucun crime économique ne soit impuni.
B- S’agissant de l’érection de monuments à la mémoire de Mathieu KEREKOU, il s’agit de véritables provocations à l’endroit du peuple, orchestrées par les falsificateurs de l’histoire dont Ali HOUDOU. En effet, la chronique en raccourci du règne de Mathieu KEREKOU se présente ainsi :
Après son arrivée au pouvoir le 26 octobre 1972, dissolution de toutes les organisations de jeunesse, assassinat du capitaine Michel AIKPE, dissolution de toutes les organisations syndicales indépendantes, création d’un parti unique, d’une centrale syndicale unique, d’une organisation de jeunes unique, d’une organisation de femmes unique, etc. suppression du droit de grève, imposition d’une Constitution barbare, arrestations massives et déportation en 1975, 1976, 1979, 1982, 1985, 1986, 1988, 1989 de milliers de jeunes, de femmes, syndicalistes, paysans, ouvriers, artisans, bref de tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec son pouvoir ou ne manifestaient pas bruyamment pour le soutenir. Il fut l’instigateur de crimes de masse contre les dignitaires et adeptes des religions traditionnelles avec la fameuse lutte contre la sorcellerie. Comme si cela ne suffisait pas, la période a été jalonnée d’assassinats crapuleux en prison ou dans la rue sous l’ordre donné ouvertement de tirer à vue et sans sommation sur tout manifestant: Parfait ATCHAKA, Rémi AKPOKPO GLELE, Luc TOGBADJA, ARABAT, Serge GNIMADI, etc. Il traitait les jeunes qu’il massacrait de crapauds.
Tous les commissariats, camps militaires, prisons du pays étaient remplis de détenus, transformés en des lieux de tortures de personnes arrêtées au seul motif d’avoir exprimé ou diffusé une opinion contraire au pouvoir. Les têtes des fugitifs les plus emblématiques étaient mises à prix avec leurs photos publiées dans les journaux du pouvoir, comme ce fut le cas des Issifou ALASSANE, Thérèse WAOUNWA, Denis SINDETE, Aboubacar BAPARAPE, Osséni AGBETOU.
En face de cette barbarie s’est dressé un héroïsme populaire. A partir du moment où KEREKOU a déclaré la guerre au peuple, le peuple ne lui a laissé aucun répit. Tout le peuple s’est mobilisé pour créer des espaces de liberté. Des organisations de jeunes, de paysans, des syndicats de travailleurs salariés, des comités d’actions se créaient dans la clandestinité et agissaient publiquement. Plus on arrêtait plus il manifestait, il écrivait, il se battait. Il affichait sa volonté de renverser le régime pour mettre fin aux assassinats et arrestations. Les assauts populaires ont gagné les soldats et l’armée. En 1987 et 1988, plus de trois coups d’état ont été déclarés par le pouvoir avec des arrestations des soldats et officiers. Le général dictateur était nu. Mais il fit tout pour se maintenir : financièrement, décision d’importation de déchets nucléaires en 1988 ; politiquement, organisation d’élections présidentielles truquées en juin 1989 pendant que le peuple était dans la rue depuis janvier 1989. Mais le peuple tenant debout, jusqu’au 11 décembre 1989 où il est apparu que le flot protestataire ne pouvait plus être endigué. Même la Conférence Nationale de février 1990 a été organisée pendant que les populations étaient dans les rues et que les Comités d’Action occupaient les unités de production et les services.
C’est donc battu et contraint que KEREKOU a dû opérer une feinte, aidé par Mgr de Souza qui a donné l’impunité au Chef tortionnaire ; ce qui lui a permis et revenir par la suite, avec l’aide de la FrançAfrique, se venger des humiliations subies. Même là, ses deux mandats (de 1996 à 2006) ont été les plus dévastateurs en termes de planification, d’instigation et d’impunité de scandales au sommet de l’Etat (Affaires Sonacop, Titan, Défi emploi jeunes, Hamani, assassinat juge Coovi, etc)
Ce n’est donc ni la magnanimité ni la bonté de cœur de KEREKOU qui nous a octroyé les libertés. Elles ont été conquises au prix du sang des jeunes d’hier qui ont sacrifié leur liberté pour que les jeunes d’aujourd’hui vivent et travaillent en liberté. Au lieu d’un musée à la liberté et à la bravoure, au sacrifice et à l’héroïsme, on veut ériger des monuments à l’autocratie et à la barbarie.
Il y a donc à magnifier : ou la barbarie d’un homme sans cœur et d’un régime autocratique, ou l’héroïsme d’une jeunesse qui a donné sans compter. HOUDOU Ali et compagnie ont choisi la barbarie. Et pour cause ! HOUDOU Ali était le chef de l’organisation de la jeunesse du pouvoir, (OJRB), un nid d’indicateurs de la police qui dénonçaient les jeunes à arrêter et torturer. Il a applaudi la tuerie en mai 1985 de l’élève Parfait ATCHAKA et appelait à mettre hors d’état de nuire tous les combattants de la liberté traités par lui d’anarcho-gauchistes. C’est pourquoi aujourd’hui, lui, Ali HOUDOU et ses compagnons se sont transformés en effaceurs de mémoire, en falsificateurs de l’histoire afin de préserver l’impunité des tortionnaires et des criminels politiques.
Ces effaceurs de mémoire sont les précurseurs et les inspirateurs des "klébés" d’aujourd’hui, les précurseurs des Léandre Wilfrid HOUNGBEDJI et autres Agapit Napoléon MAFORIKAN.
"Puisque KEREKOU a pu faire tirer à vue sur des enfants à mains nues, puisque KEREKOU a pu faire torturer à mort dans ses prisons, puisque KEREKOU a pu emprisonner des milliers d’opposants sans jugement et être quand même porté en triomphe par des laudateurs, alors TALON peut supprimer toutes les libertés, emprisonner à tour de bras et tuer dans la rue sans sommation. Il sera également porté en triomphe et on érigera des monuments à sa gloire ou à sa mémoire. Faites peur, tuez toujours plus ; on vous respectera ; on vous adorera."
Lorsqu’on érige un musée à l’honneur d’un grand chasseur on y expose les trophées (cornes, têtes, fourrures) du gibier abattu par lui. Dans le musée pour KEREKOU, qu’y mettront HOUDOU Ali et compagnie : l’effigie de Michel AÏKPE, la photo des geôles du PCO ou de Sègbana ? la tête de Rémi AKPOKPO-GLELE ? Celle de Luc TOGBADJA ? ou celle de Parfait ATCHAKA ? Parce que ce sont là, les grands faits d’armes du Général !!!
Il est donc hors de question qu’un édifice public porte le nom de Mathieu KEREKOU, qu’il soit stade, école ou université, jardin ou musée ; que ce soit ouvertement et insolemment Mathieu KEREKOU ou discrètement et de manière plus perfide « Saint Mathieu ». Le peuple, un jour, saura les défaire.
Travailleurs et jeunes du Bénin, soyez les dignes héritiers des luttes du passé ; construisez et écrivez votre histoire d’aujourd’hui, héroïque et plus victorieuse que celle d’hier afin de ne point baisser la tête devant vos enfants qui pourraient vous demander ce que vous avez pu faire devant la barbarie. Ecrivez votre histoire, brave et héroïque afin que les HOUDOU, les Léandre HOUNGBEDJI et autres Agapit MAFORIKAN ne soient point chroniqueurs d’une histoire tronquée et avilissante pour vous.
Cotonou, le 7 décembre 2019
Le Parti Communiste du Bénin

 


CONVENTION PATRIOTIQUE DES FORCES DE GAUCHE (CPFG)
PCB, CDP, PSD-Bélier, CSTB, FESYNTRA-Finances, UNSEB, UNAPEEB, ANADEC, ODHP, CCUMAB, CPCM, MFLPP
Tél : 98 33 29 88/ 90 91 41 97/ 97 98 35 65

 

ADRESSE
AUX PRESIDENTS
Issifou Mahammadou du Niger
Jean Marc Rock Christian Kabore du Burkina Faso
Ibrahim Boubacar Keita du Mali
Idriss Deby Itno du Tchad
Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed El-Ghazouani de la Mauritanie
Aux Peuples frères martyrs des Etats du Sahel
(Lettre Ouverte)

Le lundi 25 novembre 2019, treize militaires français ont trouvé la mort dans un accident d’hélicoptères au Mali dans la zone de l’IPTAKO GOURMA (frontière- Niger-Mali-Burkina Faso). Une fois encore la question de la présence des troupes françaises au Sahel revient au-devant de l’actualité. Dans le discours de la ministre française de la défense, il y est dit que ces militaires sont morts pour la « défense de la démocratie et de la liberté de la France! ». Treize militaires, c’est beaucoup ; mais qu’est-ce que cela représente en rapport avec des morts africains au Sahel ?
Cette situation s’est compliquée de ce fait que le Président français, Emmanuel MACRON, en vrai Patron, vous convoque, tels des garçons de course, pour venir à Pau vous expliquer devant sa Majesté, sur vos positions respectives face à la présence des troupes françaises au Sahel !
Les Excellences Messieurs les Présidents,
Peuples frères du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad, de la Mauritanie,
Comme l’on dit au Bénin « la honte du caïman c’est la honte du varan ». Cette humiliation sublime ne concerne pas que vous ou votre personne, c’est l’humiliation des peuples que vous représentez.
Depuis des mois, il ne se passe pas de semaine où même des jours où l’on n’enregistre des morts au sein de la population et particulièrement au sein des forces armées de vos pays. Des attaques terroristes ponctuées de massacres inter-ethniques. Beaucoup de lieux où se sont produits ces massacres des braves fils et filles de vos pays sont devenus célèbres : Ménaka, Indélimane, Ogossagou, Arbinda, l’Est du Burkina Faso etc.
Des morts se comptent par dizaines et maintenant par centaines au Mali, Burkina Faso, Niger. On compte déjà plus de deux cents morts au Mali. Des zones entières (tout le nord Mali) sont désormais interdites aux forces armées maliennes (FAMA) à commencer par Kidal, remises aux djihadistes de l’AZAWAD sous protection de troupes françaises de Barkhane. Avec cette déstabilisation générale de tout le Sahel, le Quai d’Orsay (Ministère français des Affaires étrangères) peut afficher fièrement des zones rouges au Burkina Faso désormais « déconseillé » ou « formellement déconseillé sauf raison impérative » aux voyageurs français ; tout comme ils l’ont tracé autour du Parc Pendjari en mai dernier pour ce qui concerne notre pays à la suite de l’affaire obscure « d’enlèvement de deux touristes français au nord du Bénin. »
Ainsi, vos troupes harcelées et humiliées par les « djihadistes » (avec des armes sophistiquées) dans des zones entières, sont contraintes de replier et de délaisser des portions entières de vos territoires aux mains des « terroristes ». Et ceci aux yeux et à la barbe des troupes françaises, sous appellation de Barkhane, MINUSMA etc.
Le peuple béninois, suit avec beaucoup de tristesse, cette dure épreuve infligée aux peuples frères du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), exprime par notre voix, sa solidarité profonde et s’incline en respect à la mémoire des victimes.
Il apparaît nettement que la déstabilisation actuelle de tout le Sahel rentre dans un plan minutieusement concocté dans les officines impérialistes, notamment françaises, et ressemble à s’y méprendre au plan colonialiste français de constitution d’un Etat Sahélien regroupant le sud de l’Algérie, le nord du Mali, l’ouest du Niger, l’est de la Mauritanie etc., région gorgée de pétrole, de gaz et autres métaux rares, plan mis en échec par la guerre d’Algérie. C’est pourquoi on veut vous faire fuir le nord riche en or, manganèse, calcaire, diamant pour s’accaparer ces richesses.
La première manche de ce complot a été la destruction de la Libye de Kadhafi. Une fois ce verrou sauté, on répand l’essaim des abeilles djihadistes au Mali qui se répand au Burkina, Niger et ainsi de suite.
« Dis-moi qui a intérêt au crime, je te dirai qui est le criminel » dit-on en criminologie. Qui a intérêt à la déstabilisation du Sahel ? C’est la France impérialiste.
« La lutte contre le terrorisme n’est qu’un prétexte pour les forces étrangères de s’installer dans les pays de la sous-région avec pour objectif : exploiter les ressources telles que l’uranium, le gaz, le pétrole, l’or et le diamant entre autres » disent les peuples dans les rues de Bamako, Ouagadougou, Niamey. Ils crient « Troupes françaises, hors du Mali » « Armée française, dégagez ! »
Nous avons suivi Salif KEITA, vénéré artiste, digne descendant des Soundiata KEITA, déclarer, s’adressant au Président Ibrahim Boubacar KEITA, « Si tu as peur de dire la vérité à la France quitte le pouvoir, celui qui n’a pas peur le prendra, tu passes ton temps à te soumettre à ce petit Emmanuel MACRON, c’est un gamin… Tu n’es pas au courant que c‘est la France qui finance nos ennemis (djihadistes) contre nos enfants ».
Nous saluons avec beaucoup de déférence notre Illustre vedette Salif KEITA ! Pour son courage ; pour son patriotisme !
Les Excellences Messieurs les Présidents,
Il ne vous reste qu’une seule chose : écouter vos peuples en combat contre la recolonisation française. Vous devez écouter Salif Kéita. L’humiliation que subissent vos armées, le massacre que subissent les peuples du Sahel, c’est l’humiliation de toute l’Afrique. Après le Sahel, c’est la zone côtière !
Voilà pourquoi, nous Représentants les diverses composantes du peuple béninois, organisées au sein de la Convention Patriotique des Forces de Gauche, vous demandons, Excellences:
1°- Ecoutez vos peuples qui souffrent de la guerre imposée par les colonialistes français.
2°-Exigez le départ des troupes françaises et toutes armées d’occupation de vos territoires comme le réclament vos différents peuples; le non renouvellement des accords de défense et autres accords de sujétion colonialiste.
2°- Renforcez vos armées nationales en les soustrayant de deux servitudes : d’une part, leur formation dans les écoles françaises ; ce qui fait d’elles des agents ouverts ou camouflés des colonialistes français dans vos pays respectifs ; d’autre part l’armement de vos armées par les industries d’armements français. Recourez à une mutualisation de vos forces tant financières que militaires.
3°- Aidez à la formation de vos peuples en des comités de protection et de défense civile pour assurer vos territoires contre toute agression d’où qu’elle vienne.
Fait à Cotonou le 09/12/2019
Pour le Directoire de la Convention Patriotique des Forces de Gauche
Le Président Le Vice-Président
NOUDJENOUME GAGLOZOUN
Philippe Goras

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