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ADRESSE XI
Aux travailleurs et au peuple en lutte

SE DEFIER DU MIRAGE DES « PROJETS-PHARES » DE PATRICE TALON
ET ŒUVRER A LA REALISATION DES BASES VERITABLES DE DEVELOPPEMENT DE NOTRE PATRIE.

 

I- Le miroir aux alouettes du pouvoir de la Rupture.

Travailleurs, peuple du Bénin.
Vous avez suivi le 16 décembre 2016, le lancement du Programme d’Actions du Gouvernement(PAG), pour le quinquennat 2016-2021.
Depuis lors, l’on assiste tous les jours à des déclarations présentant sous toutes les facettes, les différents projets de ce Programme d’Action du Gouvernement devenu catéchisme à réciter à longueur de journée dans nos cités, villes et campagnes. Depuis lors aussi, en dehors des paroles incantatoires, ce fameux PAG se réalise plus dans les maquettes que sur le terrain et ce, bientôt deux ans après l’arrivée du pouvoir de la Rupture aux affaires et quinze mois après son lancement.

Comme il est indiqué au plan économique, le PAG se décline surtout en des « projets-phares » complétés par des « projets sectoriels. ». Sur un coût global du programme estimé à 9039 milliards de francs CFA, le coût des « projets phares », au nombre de 45 est de 7086 milliards » soit près de 79% du total et « à financement assuré par des ressources du secteur privé au moyen du partenariat public-privé, à hauteur de 71 % ». (Cf. Bénin révélé, Synthèse du PAG, site web www.presdence.bj/beninbenin-revele/). Les « Projets-phares » sont logés en toute sécurité à la Présidence de la République et dans les mains du chef de l’Etat.
Travailleurs, peuple du Bénin.
En regardant bien les « projets-phares » dont il est question, on peut citer la « Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir », des Centrales thermiques, l’aéroport de Glo-Djigbé, le contournement Nord de Cotonou, la route des Pêches, l’asphaltage de Cotonou, sans oublier les projets touristiques tels le village lacustre de Ganvié, aménagement des berges de la lagune de Cotonou, le Parc Pendjari. Il s’agit pour l’essentiel donc d’infrastructures routières, aéroportuaires, et de tourisme.
Et au nom de la réalisation prochaine de ces « projets-phares » infrastructurels routiers, le Gouvernement de la Rupture se dit fondé à demander des sacrifices au peuple pendant que les dirigeants se servent sans souci ; il se dit fondé de chasser la population, à détruire violemment les baraques de pauvres vendeuses, vendeurs et artisans des rues du Bénin- sans solution de rechange- en envoyant à la mort certaine de milliers d’anonymes, à supprimer de nombreuses sociétés et entreprises d’Etat dont le patrimoine est vite intégré dans le patrimoine privé de Talon et Cie, à licencier des milliers de pères et mères de famille sans possibilité de survie et d’assistance à leurs enfants chassés des écoles. Au nom de ces « projets-phares » on peut tenter d’imposer, après l’échec d’un projet de Constitution autocratique, des réformes liberticides et anti-nationales, poursuivre tout opposant à ses actions, etc.
Enfin au nom de ces « projets-phares » infrastructurels surtout routiers et touristiques, devenus des tartes à la crème qu’on miroite à illusionner le petit peuple, au nom de ces projets qu’on affuble du nom de développement, Patrice Talon espère et déclare « qu’il sera porté en triomphe au bout de son mandat! »
Et notre Autocrate n’a peut-être pas tout à fait tort en pensant ainsi ! Il compte sur la naïveté et la crédulité de la couche de la petite bourgeoisie intellectuelle de notre pays très prompte à s’illusionner et à ventiler des illusions au sein du peuple avec la confusion entre infrastructures et développement.
J’ai, personnellement il y a quelques semaines dans un enseignement à des étudiants, demandé à savoir de la Côte d’ivoire et du Ghana, lequel est aujourd’hui le plus avancé vers le développement ? La réponse de ces étudiants composés en majorité de Béninois et Togolais a été sans hésitation. C’est la Côte d’Ivoire. Et pourquoi ? A cause des infrastructures routières (autoroutes) entre autre le 3è pont appelé Pont Henri Konan Bédié, les gratte-ciels et bientôt le métro d’Abidjan, etc.
Malheureusement, rien n’est plus faux que de vouloir assimiler infrastructures (routières, ferroviaires, aéroportuaires et touristiques) au développement et nos infrastructures même réalisées ne sont que du mirage. Le développement ne saurait être réductible aux infrastructures.
II- En quoi consiste le développement ?
Travailleurs et peuple en lutte
Le développement, comme le déclarait Laurent Mètongnon dans son point de presse au nom de la Convention Patriotique des Forces de Gauche en décembre 2016, consiste pour un pays comme le nôtre, à « passer du niveau actuel d’Etat arriéré, à économie de traite basée essentiellement sur une agriculture archaïque (traditionnelle) avec la prégnance de la monoculture cotonnière et la manne portuaire, à une économie industrielle et développée et ce en un laps de temps optimum donné. ».
Le développement s’exprime en deux paramètres que sont : la production intérieure et la capacité de production. La production intérieure, c’est la masse de biens et services produits dans un pays au cours d’une année. Et l’on ne saurait parler de production sans transformation sur place des matières premières pour la satisfaction des besoins de consommation intérieure et pour l’exportation. La capacité de production qu’on appelle aussi forces productives, c’est à la fois les ressources humaines et les machines pour la production. Cette capacité de production (susceptible d’ajouter de la valeur ajoutée aux matières premières) inclut la formation des producteurs, donc interpelle le système scolaire et d’enseignement et donc le contenu de cette formation. Il est par exemple évident que l’école béninoise d’aujourd’hui, demeure de type colonial, et est complètement inadaptée à notre développement et ce n’est pas une « Cité d’innovation et de savoir » qui ne touche pas au contenu des enseignements, qui en est la solution.
De même, il est évident que des infrastructures touristiques ne seront résilientes sans un développement du tourisme intérieur, lié au développement de la culture générale de la population et de l’élévation de son niveau de vie.
Au regard de ces considérations, en revenant aux exemples du Ghana et de la Côte d’Ivoire, il suffit d’interroger les Produits Intérieurs Bruts des deux pays pour ne pas être aussi affirmatifs que l’ont fait nos étudiants. On verrait qu’en 2016, le PIB de la Côte d’Ivoire est de 35,9 milliards USD et celui du Ghana de 42,69 milliards USD selon les données de la Banque mondiale (soit 1513,46 USD par habitant au Ghana et 1477 USD par habitant en Côte d’Ivoire en fin 2016).
III- Quels sont les liens entre infrastructures et développement ?
L’on déclare ordinairement que « la route du développement passe par le développement de la route ». Cela signifie que les infrastructures qu’elles soient routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires peuvent être des supports de développement. Mais le développement n’est pas assimilable aux infrastructures. Le rôle essentiel de celles-ci est de rendre fluide la circulation des personnes et des biens dans un marché intérieur donné et avec l’extérieur. En un mot les infrastructures peuvent permettre l’intégration et le brassage des populations au sein d’un marché intérieur d’un pays donné. Mais les infrastructures, sans production intérieure accrue et diversifiée, dont celle industrielle, et sans un programme pour ce faire, ce n’est que du leurre. Et pour qu’elles raisons ?
La première : parce que sans la production intérieure, les infrastructures ne serviront au mieux qu’à faire circuler les produits étrangers pour les grands monopoles étrangers. Les infrastructures dans ces conditions ne servent qu’à accroitre le marché intérieur de pays étrangers, comme la France chez nous, en transformant nos marchés intérieurs en excroissances de marchés intérieurs étrangers. Voilà la réalité. On fait les routes, les ports, aéroports pour que les produits étrangers circulent mieux dans nos pays et atteignent la consommation de nos paysans des contrées reculées africaines.
La deuxième, parce que sans production intérieure accrue et élargie industrielle, l’entretien de ces infrastructures et leur extension sont difficiles sinon impossibles et l’on assiste rapidement à leur dégradation. Ce qui oblige à recourir encore aux PTF pour reconstruire ou étendre des infrastructures. Et le cycle recommence.
Travailleurs et peuple du Bénin.
Est-ce à dire que je veuille insinuer qu’il ne faut pas d’infrastructures ? Loin de moi pareille bêtise.
Il faut des infrastructures, de grandes et vastes infrastructures routières (autoroutières) ferroviaires. Il faut des rails modernes desservant tout le pays – avec les axes centraux : 1°-côtiers ( Sèmè- Hillacondji avec des sous-axes pénétrants-Ouémé- Plateau, Mono-Couffo) ; 2°-épine dorsale (Cotonou-Parakou- Malanville(avec des sous axes pénétrants (Ndali-Nikki, Kandi- Ségbana ; Kandi-Banikoara) 3°- Epine nord- Ouest( Dassa- Djougou-Natitingou-Tanguiéta-Porga) ; il faut des aéroports modernes (Glo-Djigbé, Tourou, Natitingou. etc.). Il faudra l’aménagement des circuits fluvaiux, etc
Il faut que ces infrastructures transportent les productions intérieures pour d’abord la consommation intérieure et ensuite pour l’exportation et pas seulement des produits étrangers, ou seulement des produits de rente (coton, anacarde) ; il faut les infrastructures pour l’approvisionnement des industries à construire et alimenter et pour l’écoulement de leur production. Il faut des infrastructures pour transporter par exemple les produits ferreux à transformer dans des fonderies à Malanville (réserve de Loumbou-Loumbou) jusqu’à la côte etc.
En conclusion, les infrastructures doivent servir de support de développement et qui dit développement dit transformation des matières premières. Ce qui est loin d’être le cas avec le régime de la Rupture. On préfère par exemple, encore exporter entièrement la production cotonnière et fermer les usines textiles de COTEB, SITEX etc. On préfère importer à coût de milliards les tenues des militaires et paramilitaires dont le marché est confié à des mafieux, on préfère importer du kaki pour la tenue des centaines de milliers et même de millions de nos écoliers et élèves etc.
Le PAG ne recèle aucun projet propre dans l’industrie, aucune ambition pour l’industrialisation du pays. On demeure dans le cadre du pacte colonial, exportateur de matières premières et marché de consommation de produits importés avec le Bénin considéré comme pays à "vocation agricole et de transit". Le PAG, c’est le tourisme avec "la culture vaudoun" servie en folklore aux touristes étrangers.
Pour le pouvoir de la Rupture, avec le PAG, c’est faire du Bénin, le pays de « passage » des hommes et des choses vers l’hinterland, le pays de transit de produits étrangers et de touristes en mal d’exotisme.
Nous devons lui dire « Suffit ! Le temps des humiliations et du mirage ! En avant pour un programme de développement assis sur le patriotisme et la probité !
Je vous remercie
Cotonou le 06 Mars 2018

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