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Visite de représentants du Congrès américain à Talon
Coopération sécuritaire ou repositionnement des USA au Bénin

 

Une délégation de la Commission en charge des Services Armés de la Chambre des Représentants des États-Unis d'Amérique a été reçue, le vendredi 05 mai 2023 à la Présidence, par le Chef de l’Etat, Patrice TALON. À la tête de la délégation, le Président de la Commission, Mr. Mike ROGERS, un élu Républicain d'Alabama. Il est accompagné de Madame Sara JACOBS, élue Démocrate de Californie, Membre de la Commission des Services Armés et Membre de la Commission des Affaires Étrangères au Congrès Américain. Ils sont assistés de l'Ambassadeur des États-Unis près le Bénin, Monsieur Brian SHUKAN.


Le Président TALON avait à ses côtés le Ministre d’État, Ministre de l'Économie et des Finances en charge de la Coopération, Romuald WADAGNI, le Ministre des Affaires Étrangères, Aurélien AGBENONCI et le Chef d’État-Major Général des Forces Armées Béninoises, le Général de brigade Fructueux GBAGUIDI.


Voici les déclarations des deux parties à la sortie de l’audience. Mr. Mike ROGERS : « Nous sommes venus rencontrer le Président Patrice TALON pour discuter de la coopération sécuritaire et économique entre le Bénin et les États-Unis d'Amérique. Et cette délégation est une délégation bipartisane et donc composée des membres de la majorité parlementaire et de la minorité parlementaire ... Nous sommes en train de faire cette visite sur le continent africain afin de discuter avec nos partenaires africains et comprendre leurs besoins en matière de défense et de sécurité et ce que nous pouvons faire pour accompagner les pays africains. Nous pouvons soutenir le Bénin sur plusieurs fronts. Déjà, au niveau du recrutement et de la professionnalisation des militaires, de la formation à donner aussi bien aux Officiers et Sous-officiers, des équipements qu'il faudra donner aux Forces Armées Béninoises... » Madame Sara JACOBS a rappelé à son tour que « les États-Unis ont mis en place sur les dix (10) prochaines années, une stratégie de coopération bilatérale pour soutenir les régions côtières de l'Afrique.


Nous voulons nous assurer du travail qui se fait au niveau sécuritaire mais également en matière de développement avec l'USAID. Pendant que nous sommes en train de soutenir le Bénin au niveau de la sécurité nous voulons nous assurer que les besoins en matière sécuritaire sont conséquents en ce qui concerne le nord du pays. Nous voulons également nous assurer que nous sommes en train de travailler pour le développement économique des populations qui se trouvent dans ces régions et que ces populations comprennent que leur mieux-être est primordial pour nous », a-t-elle souligné.

Pour la partie béninoise, on peut lire également sur le site du Gouvernement : « Après avoir salué la démarche du Congrès américain, le Président de la République a réitéré à ses hôtes l’engagement et la disponibilité permanente du Bénin à œuvrer de concert avec les États-Unis dans l’accomplissement des objectifs de défense et de sécurité dans la zone côtière africaine. Le Président Patrice TALON a aussi rappelé à la partie américaine, l'importance de la coopération militaire bilatérale, les actions de formation des personnels militaires, la fourniture d'équipements, les infrastructures militaires et des échanges d’expériences ».


Ce qui apparait clairement là et que les représentants crachent tout cru, c’est qu’ils viennent en conquérants, sûrs d’eux devant des chefs d’Etat qui ne comptent pas sur leur peuple et apparaissent comme des vassaux que les maîtres viennent inspecter pour « s’assurer des besoins de leurs peuples », et la représentante Sara JACOBS est plus affirmative : « Pendant que nous sommes en train de soutenir le Bénin au niveau de la sécurité nous voulons nous assurer que les besoins en matière sécuritaire sont conséquents en ce qui concerne le nord du pays. Nous voulons également nous assurer que nous sommes en train de travailler pour le développement économique des populations qui se trouvent dans ces régions et que ces populations comprennent que leur mieux-être est primordial pour nous ».


Et qu’est-ce que répond le Président Talon, « l’engagement et la disponibilité permanente du Bénin à œuvrer de concert avec les États-Unis dans l’accomplissement des objectifs de défense et de sécurité dans la zone côtière africaine » (Souligné par nous).
Or, la partie américaine présente ici ce sont des représentants de l’Etat américain dans son entièreté (majorité et opposition parlementaire-Démocrates et Républicains, autrement dit toute la grande bourgeoisie américaine oppresseur et agresseur des peuples). Elle ne cache d’ailleurs pas qu’il s’agit d’une stratégie mise en place pour les dix (10) années à venir. Et dans quel contexte ?
Après la débâcle de la France au Sahel et après que ses troupes d’occupation soient chassées du Mali (Barkhane) et du Burkina Faso (Sabre) et que les peuples du Sahel insistent pour que toutes les bases militaires étrangères y compris la MINUSMA (mission des Nations-Unies pour la stabilisation du Mali) soient évacuées du Sahel. Or, les troupes américaines ne sont pas absentes du Sahel ni de l’Afrique pour qu’on pense que leur aventure commencerait seulement maintenant et pour les 10 années à venir. L’Africom (le Commandement américain pour l’Afrique, une base militaire américaine) est installé à Djibouti depuis le 30 juillet 2008. De 400 soldats au départ, il peut déployer jusqu’à 7000 hommes sur le continent. Il opère depuis longtemps en Somalie contre les terroristes Shebab, sans succès. Les Américains sont présents dans 53 pays africains dont le Tchad, la RD Congo, l’Ethiopie, la Somalie, l’Ouganda, le Rwanda qui pille la RD Congo, le Kenya, le Nigeria. Ils sont au Sahel pour les renseignements et la logistique sans succès contre les djihadistes jusqu’au départ des forces françaises du Mali et du Burkina. Sauf que ce qu’on remarque, ils ne versent pas contrairement aux Français dans les insultes grossières contre les pouvoirs de transition malien et burkinabé. Plutôt, ils proposent leur assistance militaire, non seulement à ces pays mais aussi au Niger, au Togo, etc. Autrement dit, ils investissent assidument « la zone réservée » des Français après la fragilisation de la puissance française dans ladite zone qu’ils étendent aux régions côtières africaines. C’est un peu comme ils ont fait pour prendre la place de la France en Asie du Sud-Est (Vietnam notamment) dans les années 70 avant d’être boutés dehors par la détermination au combat du peuple vietnamien en 1975.


En fait depuis 2015, voyant venir la fragilisation de la France dans ces néo-colonies, ils ont commencé à définir une politique d’occupation pour s’inviter dans le pillage des ressources pétrolières et minières de l’Afrique (brisant de fait les conventions tacites de ne pas discuter « les terrains conquis » des uns et des autres). Selon beaucoup d’experts, plus du quart des besoins pétroliers des USA proviendront de l’Afrique à partir de 2015 (www.cairn.info). On ne doit pas oublier la coalition franco-américaine qui a agressé la Libye pour tuer Kadhafi en vue du pétrole libyen et pour empêcher la renaissance africaine. Quand cela les arrange, les impérialistes savent s’entendre.


On ne doit pas oublier que Talon a accueilli une partie des troupes Barkhane chassées du Mali et le cache sous les alibis de coopération militaire bilatérale avec les pays de l’OTAN (France, Belgique, USA, etc.). Et l’on rappelle que les USA sont présents dans le dispositif militaire et sécuritaire au Sahel et ailleurs en Afrique depuis 2008 sans que l’Afrique connaisse la sécurité. Le mois dernier, Talon a reçu le Président Kagamé du Rwanda avec la signature d’accords dont ceux militaires pour combattre le terrorisme au Nord Bénin. Malgré tous les accords, la sécurité n’est pas garantie aux populations, comme le prouvent les drames successifs de Kérou, Banikoara et Karimama ces derniers jours à la suite de tous les autres depuis 2021.
En clair, et ainsi que le prouvent les pays de l’OTAN eux-mêmes la sécurité s’assure par chaque pays qui se donne les moyens de former et d’équiper son armée. Et non laisser la tache aux troupes étrangères.


Il résulte de tout ce qui précède que seuls des dirigeants agents des puissances impérialistes peuvent se complaire dans la valse de succession de troupes étrangères dans leur pays comme le fait le Président Talon : OTAN (France, Belgique, USA…), Barkhane puis en perspective Rwanda. Et déjà maintenant, l’acceptation par Talon de la mise en œuvre d’une stratégie américaine à peine initiée. Mépris du peuple quand tu nous tiens !
Pour les Américains, c’est sans nul doute une aubaine pour leur repositionnement au Bénin sur les pas des Français que les peuples pourchassent pour les nombreux crimes à leur charge.
M. Monguinin

Téléchargez la flamme n°501 ici:

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