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Lutte contre la cybercriminalité au Bénin
Les dérives du pouvoir et les délires de ses sbires


Au Bénin, le Gouvernement de Patrice Talon a engagé une répression contre les cybercriminels. L’opération se déroule à travers toutes les régions du pays et dure des mois déjà. Plusieurs cybercriminels présumés (en majorité des jeunes) sont traqués. Certains sont jugés puis condamnés à de lourdes peines (05, 10 et même 20 ans) de prison ferme. D’autres sont en fuite vers les pays voisins notamment le Togo, le Nigéria, le Burkina Faso… Des biens matériels et financiers sont saisis. Selon les propos de Mario METONOU, Procureur Spécial de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), face aux hommes des médias : « Le Bénin comptait, vendredi 21 avril, environ 1.188 cybercriminels dans ses prisons. Dans le lot, 1.074 personnes ont déjà été condamnées, d’autres attendent d’être jugées ». En termes de biens saisis : « Nous sommes à 495 millions 456 mille 27 F, de janvier à 21 avril 2023 », a précisé Monsieur Donatien Sokou, Directeur de l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC) au cours d’une émission télévisée sur l’ORTB le vendredi 21 avril 2023. Dans le même temps où sont traqués les cybercriminels, le Gouvernement annonce l’enfer aux parents de ces derniers. « Ces parents doivent savoir qu’ils sont à tout le moins complices du crime. Ce qui est tout aussi répréhensible. Il n’y aura aucun répit dans la lutte contre le phénomène, contre le crime et les complicités où qu’elles se trouvent, si elles sont épinglées, elles seront sanctionnées », a fait savoir Monsieur Wilfried Léandre HOUNGBEDJI, porte-parole du gouvernement. « Si on ne fait rien, c’est l’image de notre pays qui est en jeu…notre réputation est en jeu. Notre crédibilité est en jeu. C’est un crime autant qu’un autre », a-t-il a précisé le 21 avril 2023 lors d’une émission interactive spéciale sur la télévision nationale dédiée à la lutte en cours contre la cybercriminalité. A cette même occasion, Monsieur Martin ASSOGBA de l’ONG ALCRER a dit qu’il faut augmenter les peines jusqu’à 50 ans de prison. Voilà donc en quels termes le Gouvernement et ses sbires essaient de défendre cette mesure répressive de la cybercriminalité au Bénin.


En considération des propos de Monsieur Léandre HOUNGBEDJI (porte-parole du gouvernement), c’est pour soigner l’image du Bénin aujourd’hui ternie par les cybercriminels que le gouvernement de Patrice Talon a engagé la traque en cours contre ces derniers. Ce n’est donc pas le problème que pose l’explosion de la cybercriminalité en terme de politique sociale envers la jeunesse, ni même la répression d’acte criminel, mais la question de « l’image de notre pays, de la réputation et de la crédibilité de notre pays » sic.


1- Mais en fait, examinons l’image de notre pays, sa réputation, sa crédibilité en matière de lutte contre la criminalité. Il est évident que cette image, cette réputation, cette crédibilité est surtout et d’abord celle qu’envoient les dirigeants actuels à la tête du pays.


Ne parlons pas de l’actuel premier responsable du pays dont le nom a pendant longtemps été cité dans de gros scandales financiers de siphonage de l’économie du pays notamment les affaires dites Bénin Contrôl, SODECO, SONAPRA, Port sec d’Allada, etc. Aussi, faut-il parler d’autres personnages du pouvoir actuel et de leurs "performances" en scandales tels que :


- L’affaire dite achat de machines agricoles dont Monsieur Janvier YAHOUEDEHOU a fourni une documentation bien renseignée sur ses auteurs nommément cités à savoir Rock Nieri, Olivier Boko ( aujourd’hui dans les rouges au sommet de l’Etat, etc.)


- L’affaire PPEAII de fourniture d’eau aux populations dans un projet financé par les Néerlandais et dont Monsieur Barthélémy KASSA (Ministre de l’énergie et des mines au moment des faits), Rock Nieri, Remy Codo et autres avaient été reconnus coupables de ce scandale financier;


- L’affaire Maria-Gléta de dilapidation de plus de 50 milliards destinés à la fourniture d’électricité et dont le cerveau serait Monsieur Sacca Lafia (alors ministre de l’énergie).


- La dilapidation de plus de 22 milliards destinés à construction d’un nouveau siège de l’Assemblée Nationale sous Adrien HOUNGBEDJI ;
- Près de 06 milliards perdus par l’Etat béninois dans l’achat d’un avion présidentiel que personne n’a jamais vu décoller. Robert GBIAN (alors chef d’état-major des forces armées béninoises) en était le principal cerveau.
Tout ce beau monde a été soit blanchi par des non-lieux (PPEAII) ou carrément par le gouvernement qui a décidé de ne pas regarder dans le rétroviseur (Affaire Maria-Gléta, Assemblée nationale, etc.) Voilà l’image que donne le pays au monde à travers ses premiers dirigeants. Le parlement est rempli de ces hommes d’affaires ou d’anciens fonctionnaires blanchis "honorables" mais dont la fortune provient des trafics de toutes sortes.
Si la cybercriminalité est une forme d’escroquerie ou soustraction de bien d’autrui par voie électronique, cela veut dire alors que le cybercriminel a le même statut que ceux qui pillent et volent les deniers de l’Etat. Il n’y a que les moyens utilisés qui ont varié à leurs niveaux. Cybercriminels et pilleurs d’Etat sont tous coupables de détournement ou de soustraction frauduleuse des propriétés d’autrui (les biens d’un particulier) ou d’utilité publique (les biens de l’Etat). L’impunité des derniers est un encouragement des premiers.


L’impunité dont jouissent les dirigeants dans les affaires de pillage et de siphonage des finances publiques ne dit rien aux yeux de Martin ASSOGBA qui se fait passer pour un moralisateur de la vie publique. Il préfère le silence contre les pilleurs de l’Etat et propose 50 ans de prison ferme contre des présumés cybercriminels.


La morale dominante dans une société est celle de la classe dominante. La morale des dirigeants au sommet de l’Etat (au Gouvernement et à l’Assemblée nationale) est celle de pillage impuni des ressources publiques, du gain facile par des trafics les plus criminels. C’est le modèle d’enrichissement rapide, facile qui est présenté à la face du monde. Cela a pu d’une manière ou une autre impacté la jeune génération.
Pour cette jeune génération, le chômage à la fin de la formation est la seule certitude. Le Gouvernement ne lui propose que l’auto-emploi sans les moyens de s’auto-employer. Il ne lui reste que soit la galère, soit la débrouillardise. Et avec la morale dominante, intégrer le cercle des pilleurs et voleurs pour avoir accès facilement aux biens matériels fait bien partie pour ces jeunes de la débrouillardise.

2- Concernant la responsabilité des parents, parler de leur complicité relève du délire tout comme la réclamation d’une peine de 50 ans de prison (donc à vie). Tout le monde voit et sait que le pouvoir de Talon a détruit et continue de détruire les moyens d’existence des pauvres, des petits producteurs qui forment la majorité de la population. Déguerpissement sauvage des bords de rue sans compensation ni alternative, liquidation des entreprises publiques et licenciements des travailleurs, multiplication des taxes et impôts injustes, contrats à durée déterminée à vie, traque et main basse sur les produits des paysans producteurs, etc., etc. ont détruit la vie des parents et réduit presque à néant leur autorité sur les enfants. Voilà donc comment des pères et mères de familles appauvris et ruinés deviennent impuissants devant les responsabilités parentales qui sont les leurs vis-à-vis de leurs progénitures.
Vouloir poursuivre les parents pour complicité, c’est non seulement illégal (l’Etat protège la famille et le témoignage d’un proche parent devant la justice n’est acceptable qu’à certaines conditions), c’est tout simplement du délire pour tenter de camoufler la responsabilité politique et morale des pilleurs au pouvoir.


Car, à l’analyse, la cause première de l’extension de la cybercriminalité provient de la politique de pillage impuni des ressources du pays par les dirigeants au pouvoir d’une part et de celle de la ruine de la population d’autre part. Le premier et principal responsable de l’extension de la cybercriminalité doit être situé et recherché à ce niveau.


Aidez la jeunesse à trouver de l’emploi, montrez la probité à la jeunesse, faites de la probité au travail le moteur de l’enrichissement et vous diminuez les bases de la criminalité. Autrement, avec ce que fait le pouvoir de Talon et que chantent Martin Assogba et Wilfried Houngbédji dans leur délire, c’est la répression aveugle sans solution et résolution du problème de l’emploi décent des jeunes.


Brieux.

Téléchargez La Flamme N°499 ici:

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